Ludovic Ninet - La fille du Van

La fille du van

 Ludovic Ninet

Editions Serge Safran

Août 2017

208 pages

ISBN : 979-10-90175-71-6

 

4ème de couverture :

Sonja, jeune femme à la chevelure rousse, fuit son passé militaire en Afghanistan et lutte contre ses cauchemars. Elle se déplace et dort dans un van. Tout en enchaînant des petits boulots, elle erre dans le sud de la France.

Échouée à Mèze, dans l’Hérault, elle rencontre Pierre, ancien champion olympique de saut à la perche, homme aux rêves brisés. Puis se lie d’amitié avec Sabine qui la fait embaucher dans un supermarché, et Abbes, fils de harki au casier judiciaire bien rempli.

Entre Mèze, Sète et Balaruc-les-Bains, sur les bords de l’étang de Thau, tous les quatre vont tenter, chacun et ensemble, de s’inventer de nouveaux horizons, un nouvel avenir.

L’auteur (site de l’éditeur) :

Ludovic Ninet est né à Paris en 1976. Il a exercé le métier de journaliste pendant quinze ans. Il vit aujourd’hui en Vendée.
La Fille du van est son premier roman.

 

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Sonja vit dans son van. Un vieux véhicule tout cabossé comme elle. D’emblée, avec sa « chevelure rousse qui flambe sous la bruine », Pierre est attiré par elle, il conviendrait mieux de dire aimanté « par cet animal nocturne en plein jour, angoissé et sans repères ». Une pancarte autour du cou, elle mendie pour manger, agressive  « belle gueule, mais gueule cassée ».

 Elle fuit les images, les souvenirs. Mariée, un enfant, elle fuit une première fois parce qu’elle ne supporte pas le naufrage de son mariage, son amour finissant,  son mari qui n’a jamais travaillé, ne plus lutter seule pour faire tourner la famille, payer les traites. Elle s’engage en tant qu’infirmière, c’est son métier, en Afghanistan. Elle a vu beaucoup de ses compagnons mourir dans une embuscade où elle a côtoyé l’horreur. De retour en France, le stress post-traumatique lui donne des hallucinations, elle ne supporte même plus son fils et fuit une fois de plus pour ne pas imposer ses délires à sa famille. Dans son van, elle se bourre de comprimés de Lexomil arrosés d’alcool ; ainsi, elle peut pendant quelques heures, chasser les images qui la hantent.

« Une fusillade la réveille.
Elle sursaute, ça tire, ça canarde, elle cille pour émerger et déjà sa bouche colle, c’est la nuit, Sonja, comme toujours les insurgés attaquent la nuit. Elle cherche les balles traçantes mais n’en voit aucune, craint les impacts de roquettes, retient son souffle, d’où tirent-ils, les ordures ? Nouvelle rafale. Elle plaque les mains sur ses oreilles, va pour s’allonger sur la banquette ou mieux, se blottir contre les pédales. Mais elle entend des rires. Pas des cris, des rires, des rires d’enfants. Elle se redresse, risque un regard circulaire. Jamais les enfants ne riaient pendant que ça tirait.
Il ne pleut plus. Elle reconnait l’étang de Thau. Elle aperçoit, au bord de l’eau, un groupe de jeunes adolescents qui font exploser des pétards. On est samedi soit.
Quelle conne.
Elle se gifle. Quelle conne tu fais, répète-t-elle, elle tremble encore, ne se pardonne plus, ne se supporte plus. »

Un grand résumé de sa vie actuelle, son incapacité à revenir à sa vie d’avant, d’avant la guerre, les morts, les fusillades, à ne pas revivre les images de morts et de mutilés.

Pierre, ce colosse aux pieds d’argile fut champion du monde de saut à la perche. Il a côtoyé les anges et la chute fut dure

« Après la médaille d’or ? C’est la fin du voyage. Il y a le grand saut. Puis tu retombes. Et ça peut faire très mal… Je suis aspiré vers le haut mais dessous je sais qu’il y a le vide. »

N’oublions pas Abbes et ses cicatrices jamais entièrement refermées de fils de harki. Il a subi jusqu’à se rebeller et faire plusieurs détour par la case prison.

Ils se soutiennent, évitent de peu des naufrages, espèrent encore et toujours, même Pierre y a cru un instant. Pourtant, les mots ne sortent pas ou difficilement, il y a encore et toujours la détresse, la solitude, le passé, les blessures, ce qu’ils voudraient oublier. Malgré cela ils avancent et de la mort jaillit la vie.

Tout ceci pourrait n’être qu’un mélo, mais Ludovic Ninet ne s’est pas achoppé à cet écueil. Son écriture est dense, ses phrases sonnent juste, alternant atrocité, sensualité, tragique, douceur, espoir et beauté. Une écriture sans fioriture, journalistique (métier de Ludovic Ninet) pour parler des cauchemars de Sonja

Un premier roman époustouflant où Ludovic Ninet sonde l’intime de ces survivants de leur passé qui ne se laisse pas oublier. Une superbe chronique sur des gueules cassées qui essaient grâce à l’amitié et l’amour de fendre l’armure de mort-vivant pour essayer tout simplement de vivre.

Un nouveau petit bijou des Editions Serge Safran et un coup de cœur pour moi.

 

«Elle sait qu'elle perd la boule, le mal n'est pas visible, il ne lui manque ni bras ni jambe, juste une case que la guerre lui a prise, mais qui va la croire ? Un trou s'est ouvert en elle. »

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J
Un vrai petit bijou qui trotte dans la tête un moment après l'avoir fermé. Il faut le faire connaitre !
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Z
Oui, il reste imprimé c'est sa seconde force
A
L'aspect historique me tente.
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Z
le trauma post-guerre est bien décrit
M
Un coup de coeur, je le note en rouge dans mon carnet ! En plus si c'est un premier roman, c'est chose rare...
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Z
Je pense que toutes les chroniques vont en ce sens
L
Mais ça se passe dans la région natale de mon mari ! Là où nous passons nos vacances... Évidemment, celui-ci, je me le marque soigneusement dans ma liste, en rouge !
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Z
Tu devrais aimer
B
un premier qui est un coup de cœur, ça devient rare alors il faut noter ce livre
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Z
Et je ne suis pas la seule à penser cela
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