Errol Henrot - Les liens du sang

 

Les liens du sang

Errol Henrot

Editions Le Dilettante

Août 2017

192 pages

ISBN : 9782842639167

 

4ème de couverture :

Un soir, le père de François lui dit : « Tu as rendez-vous demain à 6 heures pour signer. Tu commences la semaine prochaine ? » Il n’avait jamais cherché à connaître quels étaient les sentiments de son fils, quelles images il avait emportées avec lui, s’il était choqué ou indifférent. Six mois de stage, et l’avenir, ce serait l’abattoir, jusqu’à la retraite, ou la mort. Le fils n’avait pas eu le temps de demander : « A quel poste ? » il avait déjà refermé la porte. Mais là non plus, le doute ne dura pas. Le poste, ce serait le même que celui de son père. L’abattage. Son métier, ce serait tueur.

 

L’auteur (site de l’éditeur)

Né en 1982, le petit Errol Henrot a grandi au milieu des animaux. À quatre pattes, il ne voyait pas de différences entre lui et les chats, chiens, poulets, canards, lapins qui batifolaient autour de lui en usant d’un langage proche du sien. Quelques années plus tard, il comprit à quoi servaient ces curieux bâtiments à l’entrée de la ville, d’où sortaient des cris et des odeurs épouvantables. Voilà ce qui l’a conduit à écrire son premier roman.

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Tu travailleras aux abattoirs, comme moi. Et vlan ! Prends ça cher fils. François vient de passer le bac, mais introverti, hermétique, ne parlant pas ou si peu, le père a décidé pour lui. Six mois de stage et le CDI derrière. Oui François est devenu « tueur » à l’abattoir industriel de son village, vous savez, « ces curieux bâtiments à l’entrée de la ville, d’où sortaient des cris et des odeurs épouvantables. »

François, un garçon puis un homme qui s’est retiré de la vie, retiré en lui. Il est plus que solitaire, ne peut se lier à personne par manque de confiance en lui, par absence d’amour parental. Un chaton qui n’a pas été éduqué par sa mère, ne sera jamais propre. François, que ses parents n’ont jamais aimé, n’ont jamais porté l’attention affectueuse attendue, ne peut s’aimer et donc aimer les autres. « Ce père qu’il ne savait aimer et qui ne l’avait jamais aimé ».

La vie de François est toute tracée, tueur professionnel jusqu’à la retraite, quelle belle perspective de vie !! « C’était donc ainsi que sa vie se déroulerait. Toutes les quatre-vingt-dix secondes, il saignerait un corps suspendu par les pattes arrière, chaque jour, durant les quarante prochaines années. Il regarderait, durant quarante années, des animaux pris au piège hurler, se balancer, chercher à fuir, à échapper à la douleur, un mal qu’ils ne pouvaient pas comprendre parce qu’ils ne pouvaient le comparer à rien de ce dont ils avaient fait l’expérience. Partout il y avait les odeurs de leurs semblables. Chacun d’entre eux entendait les cris de l’animal qui l’avait précédé, suspendu lui aussi. »

Chaque jour, il doit tuer son lot de bêtes, François ne peut s’y faire. L’attitude des collègues qui, pour se défouler, s’en prennent à un animal et lui infligent des tortures, j’ose le mot, avant de le laisser mourir sur le ciment, le révulse. Est-ce le boulot inhumain qui rend les ouvriers de l’abattoir sadiques ? « Il faut bien que l’on s’amuse, parce que autrement, on se tirerait une balle en sortant d’ici »

Le rendement, la compétitivité règnent ici aussi « Et moi, qui ne suis qu’un pauvre travailleurs, je ne suis pas plus respecté que l’animal que je tue. Le combat est perdu  d’avance, n’est-ce pas ? Les descriptions de sévices prolifèrent, elles sont consultables partout. La connaissance, surtout aujourd’hui, n’a pas de limites. Des lois existent, bien sûr. Le directeur les connait. Des associations sur le pied de guerre. Mais pour que les lois, les associations soient efficaces, il leur faut, non pas l’adhésion, mais la confiance absolue de la société tout entière. Et il faut que cette confiance soit entretenue, de manière constante ». Un pamphlet contre le gain à tout prix qui absout beaucoup de dérives.

François se trouve face à ses contradictions « Je ne peux pas respecter, et aimer profondément la vie humaine, songea-t-il, et sous la même impulsion, haïr viscéralement la vie animale. Cela serait une contradiction absurde… Si je ressens l’envie de frapper un animal, cette envie ne peut totalement disparaître si je suis en compagnie d’un être humain. Elle peut être inhibée, mais elle existe, aussi intense, aussi invincible. »

Errol Henrot décrit l’ambiance, les odeurs d’urine, de sang, de peur, de mort qui montent à la gorge dès l’entrée dans l’abattoir industriel. Ses mots justes, forts, brutaux m’ont fait ressentir ces odeurs de sanies, j’en ai pris plein la gueule, sans jamais avoir envie de fermer le livre tant j’ai été subjuguée par l’écriture de Errol Henrot.

La mort de Robert, qu’il admire, le paysan est un déclencheur. Il ne sait pas comment il va faire. Peut-être envoyer ses textes à la presse ?  Il ne peut plus supporter tout le sang versé,  décide de ne plus subir l’ordre des choses, de ne plus accepter le comportement honteux de ses collègues, leur violence gratuite envers plus faible. François crie son désespoir à la tête de son patron qui l’écoute benoitement, avec, toutefois, un sentiment de peur. Ce faisant, l’ouvrier pourrait même aller jusqu’au meurtre tant il y a de violence en lui devant toute cette mort.  Prenant peur de sa folie, il préfère s’ensauver, fuir dans la forêt.

Ses soupapes sont les balades en forêt, regarder, admirer, son voisin Robert élever ses porcs avec amour, douceur  et passion. Que j’ai apprécié les pages où il est question de la mise bas d’une truie. Pour moi, c’est un hommage aux paysans que je connais et qui vivent autour de chez nous.

Un livre rouge sang où la lâcheté humaine sévit à tous les étages, même celle de François qui préfère s’enfermer en lui plutôt que de s’affirmer. Un livre fort, militant qui pose la question d’un suivi objectif et durable de la gestion des abattoirs. La mécanisation serait peut-être une bonne solution pour que nous puissions continuer de consommer de la viande sans infliger ni aux animaux, ni aux hommes qui travaillent dans les abattoirs des situations hors normes

Errol Henrot a commis là un superbe  premier livre militant, à l’écriture quasi clinique avec  envolées poétiques. Un livre qui a du coffre, de la tripe. Un coup de cœur.

Merci les fées des 68 premières fois pour cette perle rouge sang.

 

 

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A
Quel enthousiasme pour ce coup de coeur.
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Z
Rude mais beau
L
J'en avais entendu parler mais je ne savais pas trop ce qu'il valait. Bon, dans la liste !
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Z
Ta liste doit être longue comme un jour sans pain !
B
un livre choc dont je n'avais pas entendu parler, merci pour l'information.
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Z
Un premier livre qui ne prend pas de gants
N
Ah je suis vraiment ravie de lire ça ! Ce livre m'a fait un gros effet et je trouve qu'il mérite vraiment de se faire connaître. Sacrée écriture au service de thèmes forts !
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Z
C'est un gros coup de poing et de coeur pour moi
M
Tu as raison d'en parler et cela doit être un livre choc mais je ne sais pas si je vais le lire car tout cela me lève le coeur par avance...
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Z
Oui, c'est un livre militant, mais avec beaucoup de poésie, de scènes cruelles et vraies
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