Patricia Reznikov - Le songe du photographe
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Patricia Reznikov
Editions Albin Michel
Août 2017
330 pages
ISBN : 9782226398949
4ème de couverture :
En 1977, Joseph a quinze ans et tente de fuir une famille où règnent le silence et l’incompréhension. Accueilli dans la maison de l’Impasse des artistes à Paris, il trouve sa place dans une tribu d’originaux, tous exilés au passé douloureux : Sergueï, le vieux Russe blanc, Magda, la Viennoise rescapée de la guerre, Angel, le peintre cubain, et la mystérieuse Dorika, sur lesquels veille Sándor, un Hongrois caractériel et généreux, obsédé de photographie. Au récit de leurs histoires terribles et merveilleuses, Joseph panse ses blessures et fait l’apprentissage de l’amour.
Éducation sentimentale et esthétique, réflexion sur la solitude et l’exil, mais aussi ode à la photographie du XXè siècle, celle d’André Kertész ou d’August Sander, ce roman poignant, empreint d’humanisme baroque et de poésie, nous transporte dans une Mitteleuropa pétrie de culture et de nostalgie.
L’auteur (site de l’éditeur) :
Patricia Reznikov est franco-américaine d'origine russe. Elle a publié six romans dont, chez Albin Michel, La nuit n'éclaire pas tout, prix Cazes-Lipp 2011, et La transcendante en 2013, en lice pour le Prix Femina et finaliste du Prix Renaudot.
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« La première fois que j’ai vu Sandor, il essayait de déplacer un piano, seul, dans l’impasse, il pleuvait à verse ».
C’est ainsi que Joseph, quinze ans, entre dans la vie de Sandor et de tous ses amis dans cette maison, sorte de phalanstère, si accueillante.
Une maison où la vie explose à partout et à tout moment. Là, vit une tribu pour le moins cosmopolite. Sandor, hongrois, Magda, vieille juive échappée de la Shoa, Sergueï, vieux russe blanc, Angel, peintre cubain et Dorika qui semble être l’elfe de la maisonnée. Tous ont les valises chargées d’une histoire douloureuse dans l’Histoire du monde.
Ah oui, cela le change de l’appartement familial froid, dénué de toute chaleur humaine et amour. Les parents ne montrent aucun amour à leurs enfants. L’aîné met la musique à fond et ce n’est pas du Mozart, mais ACDC. « Une non-famille, où personne ne regardait jamais personne dans les yeux, où ma mère ne m’avais jamais interrogé sur mes états d’âme ni mon père sur mes rêves d’avenir. »
Alors que dans l’impasse, la vie grouille, ça s’embrasse, ça s’engueule, ça discute, ça mange, ça boit !
Cette nouvelle famille va lui apprendre l’histoire, la géographie sur le vif car la vie de chacun est une page de l’Histoire, l’amour quasi filial, le désir, exprimer des idées, boire, vivre. En échange, il apporte sa jeunesse, sa disponibilité, son manque d’amour qu’ils combleront avec grand plaisir.
Un roman initiatique fait d’allers et retours dans le temps avec les photographies, portraits d’une autre époque qui jalonnent la vie de Sandor et que Joseph recueille.
Oui, Joseph est passé de l’état animal à l’état d’homme grâce à ce phalanstère qui lui a donné l’amour nécessaire à sa survie
J’ai pris tout mon temps pour lire ce livre délicat, sensible, d’une belle écriture. J’ai regardé les photographies, écouté les membres de cette maison parler de leurs passés, élever ce jeune sauvage vers des contrées plus littéraires, plus savantes. J’ai suivi les premiers émois amoureux de Joseph, son ouverture vers un autre ailleurs... J’ai aimé revisiter la Mitteleuropa découverte chez Sandor Marai, Franck Pavloff, Stephan Zweig.
« Mon frère était un fantôme tout comme moi-même je l’aurais sans doute été, si je n’avais été recueilli dans l’arche de Sandor. »
« Qui dira assez le malheur de ne pas avoir été désiré, aimé ? On ne s’y fait jamais. N’avoir jamais reçu, dans le lait maternel, les fondations essentielles à la confiance en soir et dans l’existence constitue un handicap. Même les animaux privés de leur mère, ou soumis à une génitrice maltraitante leur refusant les soins et l’attention élémentaires, sont incapables de se débrouiller seuls. Leur cerveau ne se construit pas correctement, les neurones et les synapses ne se lancent pas dans ces arborescences raffinées, fructueuses et magnifique des cerveaux de ceux qui sont aimés et stimulés. Le manque de caresses produit un manque physiologique et symbolique. »