Sylvie Germain - Magnus
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4ème de couverture :
« Il sourit, d'un air las, amer, car lui aussi, lui plus que quiconque, aimerait savoir qui il est exactement. Pour l'heure, il sait seulement qui il n'est pas, qui il n'aura jamais été et ne croira plus jamais être : le fils des Dunkeltal. Une délivrance. Mais il se sent un défroqué - de son nom d'emprunt, de sa fausse filiation -, avec, pour toute identité de remplacement, le nom d'un ours en peluche. Un nom que, faute de mieux, comme dans le passé, il se réapproprie.
Magnus. Alias Magnus. Sous ce vocable fantaisiste, il décide d'entrer enfin l'âge d'homme. »
L'univers romanesque de Sylvie Germain est hanté par d'étranges forces, d'inquiétants personnages. Franz, le héros de Magnus, est né avant la guerre en Allemagne. De son enfance, il ne lui reste aucun souvenir, sa mémoire est aussi vide qu'au jour de sa naissance. Il lui faut tout réapprendre, ou plutôt désapprendre ce passé qu'on lui a inventé et dont le seul témoin est un ours en peluche à l'oreille roussie : Magnus.
Dense, troublante, cette quête d'identité a la beauté du conte et porte le poids implacable de l'Histoire. Elle s'inscrit au cœur d'une œuvre impressionnante de force et de cohérence qui fait de Sylvie Germain, prix Femina pour Jours de colère, un des écrivains majeurs de notre temps.
L’autrice (site de l’éditeur) :
Depuis trente ans Sylvie Germain construit une œuvre singulière imposante et cohérente. Couronnée de nombreux prix littéraires : Prix Femina en 1989 pour Jours de colère, Grand Prix Jean Giono en 1998 pour Tobie des Marais, Prix Goncourt des lycéens en 2005 pour Magnus, Prix Jean Monnet de littérature européenne en 2012 et Grand Prix SGDL de littérature 2012 pour l’ensemble de son œuvre, elle a publié aux éditions Albin Michel Magnus (2005), L’inaperçu (2008), Hors champ (2009), Le monde sans vous (2011), Rendez-vous nomades (2012), Petites scènes capitales (2013) et A la table des hommes (2015).
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« D’un homme à la mémoire lacunaire, longtemps plombée de mensonges, puis gauchie parle temps, hantée d’incertitudes, et un jour soudainement portée à incandescence, quelle histoire peut-on écrire ? »
Pourtant, quelle histoire vous nous servez !!
Les titres des chapitres sont éloquents, fragments 1, fragments 2…, avec de temps à autres, des biographies express
« Dans ce feuilleton en forme de conte qui l’enchante, car, comme tout conte, il brasse le terrible et le merveilleux, chaque membre de la famille a une stature de héros : lu en tant que victime d’une fièvre vorace qu’il a cependant réussi à vaincre, sa mère en tant que fée bienfaitrice, son père en tant que grand médecin ». Tout est dit, j’ai été emportée par ce livre.
Magnus a perdu la mémoire. Sa mère lui forge un passé, il s’appelle Franz-Georg Dunkeltal. Est-ce vrai, est-ce faux ? Il ne peut pas le dire. Pour elle, « l’année de ses cinq ans, il est tombé gravement malade et la fièvre a consumé en lui tous les mots, toutes les connaissances fraîchement acquises. » Sa mère « le met au monde une seconde fois, par la seule magie de la parole » .Mais quid de Magnus, son nounours, son inséparable qui a une trace de brûlure à l’oreille. La mère ne le mentionne jamais dans les souvenirs du petit garçon, pourquoi ? Un doudou, c’est très important pour un petit enfant, surtout s’il a été aux portes de la mort, surtout avec une oreille brûlée. Qu’à cela ne tienne, Franz-Georg lui invente sa vie. Toutes antennes dehors, l’enfant est à la quête de chaque bribe qui pourrait l’aider.
La maison est joyeuse, le père qu’il admire en silence, médecin, soigne dans un centre des enfants atteint du typhus. En réalité, il est médecin dans un camp d’extermination pendant la seconde guerre mondiale.
Ils fuient l’Allemagne à la fin de la guerre, recherché pour crimes Le père part devant au Mexique où on apprend qu’il y est mort « Le père n’est plus qu’un fantôme errant au-delà des mers. ». La mère le suit dans la tombe peu de temps après « Un adieu sans appel. Après l’avoir remis au monde par la grâce de la parole, quand il était petit, elle l’expulse à présent loin d’elle par la dureté d’une poignée de mots. » . Franz-Georg est confié à son oncle maternel, pasteur en Angleterre, -il a fui l’Allemagne avec sa femme, ses idées étant à l’opposé de celles de sa sœur et son beau-frère, adorateurs d’Hitler-. Magnus, le nounours est du voyage « Ta pouillerie de Magnus sera du voyage, je l’ai même un peu toiletté pour l’occasion, il est dans ta valise. »
A Londres, seconde vie et nouvelle identité pour Magnus, il devient Adam Schmalker, nom de famille de sa mère « Lothar explique à son neveu qu’il serait préférable qu’il renonce à son patronyme de Dunkeltal, qui pourrait lui porter préjudice. Il lui propose de prendre celui de Schmalker, ainsi s’ancrerait-il plus solidement dans la famille maternelle où il vient d’être accueilli. » et direction l’internat du collège.
Il essaie de reconstruire le puzzle de sa vie, quête tout indice, fuit, repart, trouve, perd… Puis, « Il ne fuit plus, il part au-devant de son nom qui toujours le précède ». Curieusement, Magnus, maintenant, c’est le prénom qu’il s’est choisi lui-même, tente de reconstruire calmement son passé, aidé par des fulgurances, des lambeaux de souvenirs qui s’effilochent.
Magnus accepte de ne pas tout savoir et un séjour dans le Morvan va lui permettre de partir pour une nouvelle vie, sa troisième.
La réécriture du passé de Magnus peut se mettre en parallèle avec l’occultation des faits de guerre des deux côtés.
Magnus m’a prise du début à la fin. Je n’ai pas voulu le lâcher avant la dernière page. Est-ce l’écriture de Sylvie Germain, la construction du livre ? Les deux à la fois.
Sylvie Germain m’avait heureusement surprise avec « A la table des hommes » et avec Magnus, je suis entrée dans une autre dimension. Un livre que j’aurais dû sortir de son étagère il y a fort longtemps. Nous nous sommes rencontrés et c’est là le principal.