Spitzer Sébastien - Ces rêves qu'on piétine

 

Ces rêves qu’on piétine

Sébastien Spitzer

Les éditions de l’Observatoire

Août 2017

304 pages

ISBN : 9791032900710

 

4ème de couverture :

Sous les bombardements, dans Berlin assiégé, la femme la plus puissante du IIIe Reich se terre avec ses six enfants dans le dernier refuge des dignitaires de l’Allemagne nazie. L’ambitieuse s’est hissée jusqu’aux plus hautes marches du pouvoir sans jamais se retourner sur ceux qu’elle a sacrifiés. Aux dernières heures du funeste régime, Magda s’enfonce dans l’abîme, avec ses secrets.

Au même moment, des centaines de femmes et d’hommes avancent sur un chemin poussiéreux, s’accrochant à ce qu’il leur reste de vie. Parmi ces survivants de l’enfer des camps, marche une enfant frêle et silencieuse. Ava est la dépositaire d’une tragique mémoire : dans un rouleau de cuir, elle tient cachées les lettres d’un père. Richard Friedländer, raflé parmi les premiers juifs, fut condamné par la folie d’un homme et le silence d’une femme : sa fille.

Elle aurait pu le sauver.

Elle s’appelle Magda Goebbels.

 

 Sébastien Spitzer est journaliste. Ces rêves qu’on piétine est son premier roman.

 

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« Un pas. Une pierre. Un chemin de poussière. Un printemps qui bourgeonne. » Le rythme de cet extrait me fait penser à la chanson de Moustaki ; malheureusement, là s’arrête la ressemblance.

En effet, ce chemin sur lequel Aimé est une énième descente en enfer. « Il sait qu’ils sont des milliers comme lui, à arpenter les routes des territoires de l’Est. Des cohortes de guenilles maculées de mois de crasse, tiraillées par le manque. La faim, la soif, les proches, l’avenir. Des cadavres en mouvement. » Judah, Féla, Ava et tant d’autres marchent, marchent à la rencontre de leurs morts pour beaucoup.

L’armée allemande est en déroute, les survivants des camps sont brinquebalés pour un ailleurs sans espoir. Aimé a récupéré sur le cadavre d’un comme lui, caché dans la doublure de sa veste. « La mémoire des camps. Témoin écrit de leurs vies effacées. »

Ce rouleau passe de mains en mains, toujours caché, toujours gardé, comme les coureurs se passent le relais. Dedans, les lettres désespérées d’un père juif à sa fille, témoignage de ce qu’ils ont vécu.

Cette fille est…. Magda, épouse Goebbels. Présentement, elle assiste, au Konzerthaus à un ultime concert, le Crépuscule des dieux. Maintenant, ils vivent dans le bunker, dans Berlin bombardée. Ils sont tous là les têtes mal pensantes du Reich, comme des rats.

« A quarante-cinq ans, deux mariages, sept enfants, trois villas, deux berlines, dont une somptueuse Hispano-Suiza, une cuisinière, des caves où vieillissent  les pus grands crus d’Europe, des films par dizaines tournés tout à sa gloire, … Elle est même passée maître dans l’art  de fourber son monde, de duper les plus simples, de berner les plus glorieux, trigaudant des faussetés pour préserver sa place, son profit, son mieux-être. Puissante et respectée. »

« La gloire l’a portée quinze années durant ». Elle s’est habituée à cette gloire, elle, la première femme du Reich, car l’autre, celle que le Führer a épousée juste avant de mourir  ne compte pas pour Magda. Mais toi, alors, c’est qui ton Christ ?

C’est le Reich, ma chérie. Le Reich a fait de nous des reines, des princes et des princesses. »

 

 

« Le gauleiter espérait une famille nombreuse.

Magda voulait des égards.

Il voulait le triomphe

Elle voulait qu’on la regarde.

Il avait le pouvoir.

Elle gomma son passé.

Il découvrit l’existence de Viktor.

Elle laissa faire.

Il découvrir l’identité de son père.

Elle nia. Fit nier sa mère.

Il devint taciturne.

Elle sombra dans une profonde atonie.

Leur pacte était fragile. »

Fille abandonnée, mise à l’orphelinat de Vilvoorde, dans la misère et la promiscuité. « Choisir c’est renoncer. Magda avait choisi » ; oui elle a choisi de sacrifier ce père, obligé sa mère à le renier pour sa gloire à Elle « Qu’importe tant qu’on la reconnaissait, lui cédait le passage, lui offrait des fleurs et des sourires et tout ce qu’elle voulait. Tout ça la faisait jouir, bien plus sûrement que lui, bien mieux que dans un lit. »

Telle est la fille de cet homme mort dans un camp qui lui a écrit des lettres jamais lues ou reçues par sa destinataire.

 

Une autre femme se retrouve détentrice du rouleau de cuir si important. Elle s’appelle Féla. Enfermée dans un camp parce qu’elle cherchait l’homme, le soldat allemand qu’elle aimait. A trop énerver une colonne allemande, elle se retrouve dans un camp, dans un bordel à militaires où elle met une fillette au monde.

Quand les soviétiques avancèrent, elle est dirigée dans un autre camp et « fut reléguée par les anciennes du baraquement à la plus mauvaise place, celle du fond, tout en bas, près des filles dysentriques qui lui coulaient dessus. La pute du camp d’avant, l’ancienne protégée avec se robe et ses talons, était mise à l’amende. La petite la suivit. Elle était la bâtarde. La saleté. Le rejeton des soldats allemands. Quand venait l’heure de la soupe, elles étaient poussées devant mère et fille. » Le haut de la marmite ne contenait que de l’eau, les morceaux et légumes étaient au fond. Fela découvre que son passé, bien que contraint, la condamnait à une dégradation pire car ce sont les prisonnières elles-mêmes qui décrètent leurs chutes. C’est donc beaucoup plus dur. « Le dos tourné des survivants est bien plus douloureux que le mal des bourreaux. L’injustice altère. L’ignominie réduit. La soumission gangrène. Fela allait vivre les pires mois de sa survie. ». Elle tiendra pour et par sa fille jusqu’à la rencontre avec les américains.

Deux femmes qui, à priori, n’auraient jamais dû connaître le destin qu’elles ont suivi.

En effet, Magda n’est pas de race pure puisque son père est juif alors que Léa est parfaitement aryenne. La première a organisé sa vie par calcul et ambition, l’autre s’est laissée avoir par l’amour. L’une a gravi toutes les marches de son ambition, l’autre a dégringolé toutes les marvhes de l’inhumanité. L’une a vécu dans la lumière et la gloire approchant son « soleil », l’autre était dans la nuit noire du désespoir. L’une a couché et épousé par calcul et ambition, l’autre parce que c’était cela ou le crématoire.

Magda s’est servie des hommes pour assouvir sa soif de pouvoir son désir  d’être regardée, crainte. Léa a été utilisée par les hommes pour satisfaire leurs libidos, leurs besoins bestiaux.

Malgré le désir d’extermination des nazis, les survivants des camps de la mort sont là pour témoigner et Ava est l’ultime dépositaire du rouleau de cuir. Recueillies par les américains. Féla meurt et Ava reste seule sous la protection de Gary, un conducteur de jeep américain et Lee reporter de guerre.

Les rêves de millions de déportés, de soldats morts ont été piétinés, mais dans leurs combats, je crois qu’il y a toujours eu une infime lueur de cet espoir qu’Ava porte en elle.

Sébastien Spitzer a fait un travail de recherches absolument remarquable. Par son talent et son écriture, il a su mettre du mouvement, rendre vivants les personnages de son roman. Il nous fait toucher du doigt la réalité historique avec des phrases puissantes, évocatrices, réalistes et par là, dures … J’ai apprécié le style de l'auteur.  Un premier livre maitrisé, une belle écriture ; un coup de cœur, coup de poing.

Une très belle découverte 68 premières fois

 

 

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S
Bonjour, Je viens de chez Manou aussi ! Son article m'a tentée et votre critique a fini de me convaincre, merci.
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Z
Un superbe livre et chez Manou on s'y sent si bien !
É
Bonjour Zazy. Je viens de chez Manou. Très belle chronique de ce livre que vous m'avez donné envie toutes les deux d'emprunter à la médiathèque
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Z
Les écureuils n'ont pas chaud en ce moment, peut-être bleus de froid !! merci de ton passage chez Manou puis chez moi.
T
A entendre tant de bonnes critiques je vais finir par le lire....quand j'aurai fini ma pile de lecture de pédagogie pour ma certification
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Z
Il y a des lectures obligatoires dont on ne peut se dispenser. Bon courage pour ta certification
A
Un des roman poignant de cette rentrée littéraire.
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Z
Terrible évocation
L
C'est noté ! ;-)
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Z
Je comprends
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