Chi Zijian - Le dernier quartier de lune

Le dernier quartier de lune

CHI Zijian

Editions Picquier poche

Traduit du chinois par Yvonne ANDRÉ et Stéphane LÉVÊQUE

480 pages

mars 2019

ISBN : 9782809714159

 

4ème de couverture :

Ecoutez la voix d’une femme qui n’a pas de nom car son histoire se fond avec celle de la forêt de l’extrême nord de la Chine. Elle partage avec son peuple une vie en totale harmonie avec la nature, au rythme des migrations des troupeaux de rennes et du tambour des Esprits frappé par les chamanes. On y rencontre des hommes vigoureux comme des arbres, un vieillard élevant un autour pour se venger du loup qui l’a rendu infirme, un chamane qui tisse une mirifique jupe en plumes pour prendre au piège la femme qu’il aime, et aussi les guerres et les convoitises extérieures qui viennent menacer ce monde fragile.

Sa voix coule comme l’eau, de sa venue au monde annoncée par un renne blanc à son grand âge qui n’attend plus que des funérailles dans le vent. Et lorsque sa voix se tait, elle continue à résonner en nous comme si quelqu’un de très lointain nous était devenu très proche et ne voulait plus nous quitter.

L’autrice (site de l’éditeur) :

Chi Zijian est née en 1964 dans la province de Heilongjiang, où elle réside toujours. Elle commence à publier dès 1985. Son écriture tour à tour sensible et poétique s’attache à décrire les réalités les plus banales de la vie. En 2008, elle a obtenu le grand prix Mao Dun pour son roman Le Dernier Quartier de la lune. Trois de ses ouvrages ont paru aux éditions Bleu de Chine : Le Bracelet de Jade, La Danseuse de Yangge et La Fabrique d'encens. Elle est le seul écrivain à avoir obtenu trois fois le prestigieux prix Lu Xun

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Me voici parmi une tribu des Evenks, ethnie de Sibérie, en Yakoutie au nord du lac Baïkal

La narratrice, quatre-vingt-dix ans, raconte sa vie et celle de sa petite tribu. Actuellement, la déforestation bat son plein et la nourriture manque pour les humains, les rennes, les animaux sauvages. Mais, il n’en a pas toujours été ainsi.

La narratrice, dans une langue belle et poétique relate leur vie dure, rythmée par les morts, les naissances, les mariages, les rennes, le passage du colporteur, les déplacements... Les Evenks savent interpréter les signes climatiques donnés par les animaux. Par exemple, il y aura beaucoup de neige lorsque les écureuils installent leurs provisions haut sur les sapins. L’élevage des rennes est leur principale source de revenus, le déplacement de la tribu se fait en fonction des ressources alimentaires du troupeau et de la présence ou non d’écureuils.

La terre est sacrée et ne peut recevoir un corps, alors les défunts ont des « cercueils au vent » où sont disposées les affaires du défunt.

Le chamane, très important, a le pouvoir de guérir. Ce peut être un homme ou une femme et ce sont certains signes qui ne se produisent qu’après le décès du chamane, qui le désigne à la tribu. Niro, la dernière chamane paiera aux esprits un tribu très cher ; à chaque fois qu’elle sauvera un humain ou un renne, un de ses enfants périra.

« Mon plus vieux souvenir, c’est la danse des Esprits exécutée par Nidu le chamane pour retrouver l’unai de Léna et faire partir le petit faon au royaume des ombres à la place de ma sœur. »

Eni (grand-mère), la narratrice, voit petit à petit et de plus en plus rapidement les méfaits de la pollution qui saccage tout pour une modernisation obligatoire. Les chinois ont construit des villages en dur pour sédentariser les tribus nomades. La dernière, celle où les petits-enfants de la narratrice, s’en vont, sera peut-être la « bonne ». Il est très difficile pour des nomades de se retrouver entre quatre murs, les rennes dans un enclos, sans distinction de tribus.

« Vous vous figurez que les rennes sont des bœufs et des chevaux ? s’insurgea Luni. Jamais ils ne mangeront du foin. Dans la nature, les rennes se nourrissent de plus de cent espèces de plantes différentes. Si on ne leur donne que des feuilles et des brindilles, ils perdront leur génie naturel, ils mourront ».

Chaque évènement triste est sujet à chansons. En voici deux, la première en l’honneur d’une ourse qui fut tuée et la seconde en l’honneur d’une femme aimée.

« Grand-mère ourse !

Tu es tombée,

que tes rêves soient doux !

Ceux qui mangent ta chair,

sont les noirs corbeaux,

parmi les arbres,

nous mettrons pieusement tes yeux,

comme une lampe aux Esprits !

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Rugissante rivière de sang,

je t’en prie, jette un pont !

Car celle qui se présente à toi

fut une femme au cœur bon.

Si le sang tache ses pieds,

ce n’est que le sien.

Si des larmes coulent dans son cœur,

ce ne sont que le siennes.

Si vous n’aimez pas qu’une femme

ait les pieds couverts de sang

et le cœur rempli de larmes,

alors dressez un rocher

pour qu’elle puisse, saine et sauve,

passer sur l’autre rive.

Si quelqu’un doit être accusé,

que ce soit moi ! Que m’importe d’être dissous dans la rivière de sang,

je ne gémirai pas,

pourvu qu’elle puisse atteindre la félicité sur l’autre rive.

Chi Zijian suit les évènements historiques avec l‘occupation russe, japonaise, sans oublier la Révolution Culturelle chinoise qui servent de trame à un livre superbe, poétique, à la fois âpre, dur et doux ; un très bel hommage à cette tribu des Evenk. L’eni m’a prise par le charme de son récit et... que cette lecture est belle !

Chi Zijian, découverte avec la danseuse de Yangge. sait installer un climat propice à l’histoire qu’elle raconte.

Superbe, puissant et coup de coeur.

 

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J
Un coup de coeur qui donne très envie. Et la couverture tout en simplicité est sublime je trouve.
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Z
Oui, la couverture m'a attirée de suite et le reste est à l'avenant
A
Un roman qui a l'air très juste.
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Z
Oui, entre conte et récit
M
Un livre qui sonne le glas pour cette ethnie... un livre que je lirai volontiers car l'accord entre les hommes et la nature y est le point central.
Répondre
Z
Bien résumé !
B
J’ai lu Bonsoir la rose, paru chez Picquier aussi, très délicat, qui raconte le rapprochement de deux solitudes, une vieille femme russe juive réfugiée en Chine et une jeune fille. Un très beau roman.
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Z
Il me semble que je l'ai retenu à la bib
M
Rien que le titre m'attire déjà. Merci pour ta chronique je le note
Répondre
Z
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