Alexandra Koszelyk - A crier dans les ruines
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A crier dans les ruines
Alexandra Koszelyk
Aux Forges de Vulcain
254 pages
Format : 13 x 20 cm
ISBN : 9782373050660
4ème de couverture :
Tchernobyl, 1986. Lena et Ivan sont deux adolescents qui s’aiment. Ils vivent dans un pays merveilleux, entre une modernité triomphante et une nature bienveillante. C’est alors qu’un incendie, dans la centrale nucléaire, bouleverse leur destin. Les deux amoureux sont sépares. Lena part avec sa famille en France, convaincue qu’Ivan est mort. Ivan, de son côté, ne peut s’éloigner de la zone, de sa terre qui, même sacrifiée, reste le pays de ses ancêtres. Il attend le retour de sa bien-aimée. Lena grandit dans un pays qui n’est pas le sien. Elle s’efforce d’oublier. Un jour, tout ce qui est enfoui remonte, revient, et elle part retrouver ce qu’elle a quitté vingt ans plus tôt.
L’autrice (site de la maison d’édition) :
Alexandra Koszelyk est née en 1976. Elle enseigne, en collège, le français, le latin et le grec ancien.
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« Quand Léna arrive à Kiev, elle ne s’attend à rien ou plutôt à tout. Des odeurs de son enfance, la musique de sa langue natale, les dernières images avant son exil. »
Léna est de retour à Pripiat, ville où elle est née et a vécu jusqu’à la catastrophe de Tchernobyl. Elle et Ivan étaient inséparables depuis leur plus tendre enfance, quasi des jumeaux et le jour de la catastrophe de Tchernobyl, Lena et Ivan sont séparés sans pouvoir se dire au revoir. Il y a un manque de l’autre criant que les années n’affaiblissent pas.
Elle, fille d’un ingénieur de la centrale fait partie des premiers exfiltrés. La famille se retrouve en France où le père trouve une place dans une centrale.
Lui, fils d’ouvrier de la terre, reste. Il connaît les conséquences des radiations mortelles. Ivan lui écrit mais n’envoie pas les lettres. Où les envoyer ? Qui les recevra ?
Adulte, Léna ressent le besoin de retrouver sa ville, d’aller voir, chercher, retrouver la sève de sa vie. Oui, mais voilà, « pour les Français elle est restée la fille de l’Est, ici elle est devenue “la petite Française” » Cette quête la mène au cœur, mais comme touriste, de sa ville.
J’ai lu ce roman juste après le très bon polar De Morgan Audic « De bonnes raisons de mourir ». Il en a pâti, bien sûr, mais, au-delà de l’historiette d’amour, je voulais retrouver Tchernobyl et ses blessures, savoir ce qu’il en était de tous ces gens qui sont restés sur place.
« Une terre peut-elle pardonner d’avoir été oubliée ? » En vingt années d’exil, Léna n’a jamais pu se sentir française alors que pour ses parents, il y a eu un trait final lorsqu’ils sont partis et sont devenus de vrais petits-bourgeois français. Les livres ont sauvé Léna « Hormis la bibliothécaire, Léna restait tout le temps seule. »
Ivan n’a pas eu l’information qu’a eu le père de Léna et est donc resté. Il a vécu le pire, la peur, le déracinement. « J’ai regardé la forêt : en une nuit, elle avait subitement changé. Son silence m’effrayait, les oiseaux ne hantaient plus, et une pluie noire tombait depuis deux jours… Ce jour là, nous avons quitté Pripiat : nos pas avaient le poids des regrets. » Les soldats sont venus, ont tué le chien et leur ont ordonné de déguerpir. Ils sont relogés dans la banlieue de Kiev, puis à Slavoutytch « une vile nouvelle, comme ces nouveaux champignons dans les bois. À quarante kilomètres de Pipriat. Ivan s’enfonce dans l’alcool, les cigarettes, la drogue, le sexe avec ses copains. « A vingt-cinq ans, nous étions une jeunesse usée. Tout n’était que pourriture, saleté et détresse » Pour ne pas crever, il retourne dans sa forêt et c’est là que Léna le retrouve grâce à Igor… Le fil est renoué.
Sous la plume, ou le clavier, de Alexandra Koszelyk, l’indicible se pare de poésie. Elle donne corps aux liquidateurs, aux moins riches et initiés restés sur place, quasi abandonnés à leurs sorts une fois relogés. Les racines sont essentielles à l’arbre pour vivre, il en va de même pour l’humain
Une belle lecture.