Tsering Donrup - Tempête rouge
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Traduit du tibétain par Françoise Robin

4ème de couverture :
Lire Tempête rouge, c’est comprendre que l’on a entre les mains un texte exceptionnel. Exceptionnel par son sujet : ce roman raconte la révolte d’une communauté de pasteurs nomades contre l’impitoyable mainmise chinoise sur le Tibet, à la fin des années 1950. La population est décimée, les terres confisquées, les hommes emmenés en camp de travail forcé. Maladies, famine, violences, injustices. Vingt années noires de cauchemar.
Exceptionnel également par son esprit libre et provocateur car ce témoignage est celui d’un romancier qui possède la parfaite maîtrise de son art, joue de tous les registres, de l’horreur à l’humour, et n’hésite pas à prendre pour héros de son histoire un lama bon vivant mais aussi arriviste et lâche, dont les déboires et les ruses placent le rire au cœur de la tragédie.
Ce roman qu’aucune maison d’édition n’a accepté de publier en Chine, car jugé trop dangereux, a été interdit six mois après sa publication à compte d’auteur. Tsering Dondrup, un des plus éminents écrivains tibétains d’aujourd’hui, a été démis de son poste d’archiviste et ses demandes de passeport pour voyager à l’étranger lui sont régulièrement refusées.
L’auteur (site de l’éditeur) :
Né en 1961, fils de pasteurs nomades, Tsering Dondrup écrit depuis les années 1980 et a fondé une des premières revues littéraires indépendantes. Son poste (dont il a depuis été radié) de directeur du Bureau des archives de la préfecture autonome mongole de Malho, au Qinghai, lui donne accès à des informations confidentielles qui ont nourri les faits relatés dans « Tempête rouge ». Il dénonce les ravages de la présence chinoise au Tibet, n’épargnant ni les cadres corrompus, ni les lamas vénaux.
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La traductrice, Françoise Robin, dans un long avant-propos fort intéressant, explique la genèse de ce livre, comment l’auteur à rusé pour que, une première fois, son livre soit publié, à compte d’auteur -aucune maison d’éditions tibétaine autorisée n’a voulu publier ce livre par peur de représailles- et vendu avant que les autorité chinoises ne puissent l’interdire. Lors de sa reparution, il est interdit et Tsering Dondrup ne peut plus quitter le territoire.
Le livre paraît sans chronologie logique, pour mieux me perdre et me retrouver. Nous sommes fin 50, Ce roman décrit l’apocalypse qu’ont subi les tibétains de la région de l’Amdo sont envahis, étouffé par l’armée chinoise et doivent renoncer à toute leur culture, leur croyance et se soumettre entièrement à la dictature maoïste. Sinisation à marche forcée avec son corollaire de morts, déplacés, emprisonnement dans des camps de travail qui n’ont rien à envier aux camps russes ou allemands.
Le héros de ce livre ? Un lama qui ne ressemble en rien à la figure de sagesse à laquelle l’on pense de suite. Une réincarnation de Bouddha qui n’en a pas la sagesse, la frugalité, la droiture, non il est pleutre, gourmand, arriviste, prêt à tout pour son petit confort égoïste.
Il est tour à tour, « exposé » auprès des autorités chinoises comme garant de la bonne volonté du pouvoir, puis, après la révolte de 1958, le voici en camp de travail où sa veulerie excelle à dénoncer ces congénères, même le seul fidèle sujet qui le respecte encore. Comme le dit le chef du camp « ça, ce n’est pas du mouchardage, c’est du service mutuel. On peut dire aussi que c’est pour la sauvegarde de tous. »
Les tempêtes rouges, outre les tempêtes de ce sable rouge qui surgissent dans la région, est l’image de l’armée rouge qui déferle tel un nuage de sauterelles et qui ravagent tout sur leur passage tant et si bien que lorsque Yak Sauvage Rinpoché est enfin libéré, après vingt années d’enfermement, ne reconnaît plus son pays, son Tibet qui est devenu chinois. Le rouge, couleur porte bonheur pour les chinois, devient le signe du malheur du peuple tibétain. « Frappés au visage, leur sang se mettait à couler » Dans le livre, il ‘agit bien sûr du sable de la tempête rouge, mais….
Un roman vraiment exceptionnel par ce qu’il m’apprend de la guerre au Tibet, région de l’Amdo plus particulièrement. La plume de l’auteur qui, tel un peintre, joue sur les palettes de l’humour, voire du rire en suivant le lama, de l’horreur, de la description, du récit permet une lecture plus qu’agréable avec, pour valeur ajoutée, la bonne traduction de Françoise Robin. Tsering Dondrup ne minimise pas l’attitude de certains tibétains, dont de hauts dignitaires religieux qui ont, sur les mains, du sang de leurs compatriotes.
Tsering Dondrup dénonce la sinisation à marche forcée, les exactions commises en son nom, l’éradication de la civilisation tibétaine, son environnement par la disparition des forêts qui font que les tempêtes rouges climatiques sont de plus en plus nombreuses et fortes et ce pendant vingt années et cela perdure sous une autre forme non moins violente. Bien entendu, tout ceci au nom de la libération du Tibet !
Un coup de cœur pour ce livre fort, dérangeant et beau et toujours autant de plaisir à découvrir le catalogue des éditions Picquier.