Sofia Aouine - Rhapsodie des oubliés
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208 pages
29 août 2019
ISBN : 9782732487960
4ème de couverture :
« Ma rue raconte l’histoire du monde avec une odeur de poubelles. Elle s’appelle rue Léon, un nom de bon Français avec que des métèques et des visages bruns dedans. »
Abad, treize ans, vit dans le quartier de Barbès, la Goutte d’Or, Paris XVIIIe. C’est l’âge des possibles : la sève coule, le cœur est plein de ronces, l’amour et le sexe torturent la tête. Pour arracher ses désirs au destin, Abad devra briser les règles. À la manière d’un Antoine Doinel, qui veut réaliser ses 400 coups à lui.
Rhapsodie des oubliés raconte sans concession le quotidien d’un quartier et l’odyssée de ses habitants. Derrière les clichés, le crack, les putes, la violence, le désir de vie, l’amour et l’enfance ne sont jamais loin.
Dans une langue explosive, influencée par le roman noir, la littérature naturaliste, le hip-hop et la soul music, Sofia Aouine nous livre un premier roman éblouissant.
L’autrice (site de la maison d’édition) :
Née en 1978, Sofia Aouine est reporter radio. Elle publie aujourd’hui son premier roman, Rhapsodie des oubliés.
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« Ma rue raconte l’histoire du monde avec une odeur de poubelles. »
La Goutte d’Or, Barbès, rue Léon,le magasin Tati, Paris 18ème arrondissement. Pas le 18ème de Montmartre, non, le populeux, le coloré, celui qui fait un peu peur. « Une planète de martiens, un refuge d’éclopés, de cassos, d’âmes fragiles de « ceux qui ont réussi à dépasser Lampedusa » »
C’est là que vit Abad et sa famille, partie du Liban pour vivre dans ce quartier. Un immeuble où l’on entend tout chez les voisins. Il a treize ans, un goût prononcé pour les grosses poitrines, les petites, les nichons… Bref, il est en pleine crise, le sexe le démange, l’amour l’interroge. Lorsqu’un groupe de femen logent en face de chez lui, c’est la masturbation assurée , bon prince, il loue ou prête, selon les garçons, sa fenêtre.
Ce gamin est éveillé, intelligent, un titi parisien nouveau genre, genre Momo du livre de Romain Gary-Emile Ajar. Dans son quartier se côtoient les putes, les intégristes que les gamins appellent les Barbapapas, tout comme les femmes voilées, surnommées « Batman »
Les adultes les pensent mauvais, mauvais élève, sale, menteur, méchant alors « que dans la vraie vie, celle qui pue la merde, c’est la rue qui nous appelle et non l’inverse. Et pour ceux qui n’ont pas de mère, il n’y a qu’elle pour les comprendre, les aimer, et donner un sens à leur vie. Ceux qui habitent là où ça sent les fleurs ne peuvent pas piger. »
Plusieurs femmes lui ont donné tout l’amour et la confiance qu’il recherche. Il y eut d’abord, Gervaise (coucou Zola!), la pute au grand cœur qui arrive du Cameroun et rêve de retrouver sa fille restée au pays. Tous les deux se tapissent le coeur de petits moments de tendresse glanés ça et là ; elle mourra sous les coups de son mac et ou de sa bande.
Odette fut sa chance. Cultivée, archiviste à la Maison de la Radio, elle lui fait faire ses devoirs, lui ouvre son univers culturel et qu’Abad rapproche un peu de sa grand-mère tant chérie.
Ida, la psy, qui lui est imposée par l’Aide Sociale à l’Enfance, celle qui nomme « la dame d’ouvrir dedans ». « Comme tous les mardis à 18 heures, je suis assis sur la petite chaise en bois inconfortable en face de la dame d’ouvrir dedans . Il faudra parler ». Pourtant parler, il ne le veut pas ; par son obstination, « Pourquoi toi, dans ton fauteuil tu comprendrais quelque chose à ce qui m’arrive ? On n’a pas la même vie.. En pus je te l’ai dit, je cause qu’aux belles, pas à des vieilles comme vous qui ont des têtes de crapaud moisi ». Ce dot être difficile à entendre alors, elle lui raconte son histoire et l’ouvre-boîte fonctionne et… Il parle et, peut-être grandit.
Ce gamin et sa bande des « Apaches du dimanche » font les quatre cents coups comme tout gamin. Ils vivent, s’amusent dans la rue et Sofia Aouine s’en fait la porte-parole (Il y a un peu du Momo du roman de Romain Gary). Ce quartier polyphonique, multiracial est dur. La bande y côtoie la drogue, le sexe, les barbapapas, les batman.
Tiens, je ne résiste pas à recopier le passage concernant « la secte » qui a capté son meilleur pote Slobodan Radovitch qui « s’était transformé en marionnette de carnaval pour mecs du Jihad ».
« La secte des moitié qamis moitié jogging Philippe Plein pailleté, baskets Louboutin cloutées à mille K, moitié din moitié bicrave, un pied dans les go fast et l’autre dans la Hijra, moitié rap moitié tajwiq, une oreille chez Kaaris et l’autre dans l’application islam-pro d’Apple Store. Génération étrange allant à la mosquée après la sortie chicha night-club du vendredi, rêvant du combo Phuket, Marrakech, Dubaï et de faire la oumra en même temps, du cul de Kim Kardashian et d’épouser une fille en niqab labellisé halal -mais si possible avec le corps d’une escort de Vivastreet ».
Ce passage donne le ton du livre, à la fois savoureux, piquant, ironique, tragique, très réaliste et touchant (lorsque Abad ouvre son cœur.)
Un très bon premier livre et une autrice à suivre.