Antonio Xerxenesky - F
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Editions Asphalte
Traduit par Mélanie Fusaro
222 pages
Septembre 2016
ISBN : 978-2-918767-63-3
4ème de couverture :
À vingt-cinq ans, avec un passé de guérillera et une carrière de tueuse à gages, Ana a tout vu : décapitations, chutes mortelles, exécutions par balle... Mais elle n’a jamais vu Citizen Kane, considéré comme le plus grand film de tous les temps.
Quand son commanditaire habituel lui désigne Orson Welles comme cible, Ana prend conscience de ses lacunes cinématographiques et entreprend, pour préparer cet assassinat, de découvrir la filmographie de sa prochaine victime. De Paris à Los Angeles en passant par Rio, Ana développe une obsession pour le réalisateur, jusqu’à le rencontrer et travailler pour lui. Mais autour d’Orson Welles, fiction et réalité, vérités et mensonges finissent toujours par s’entremêler...
Après Avaler du sable, Antônio Xerxenesky confirme son originalité dans le paysage littéraire brésilien et son goût pour la pop-culture. F est une véritable déclaration d’amour au cinéma – à tous les cinémas.4
L’auteur (site de l’éditeur)
Antônio Xerxenesky est né à Porto Alegre en 1984. Son premier roman Avaler du sable
(Asphalte, 2015) lui a valu d’être distingué comme l’un des meilleurs romanciers brésiliens contemporains par la revue Granta. F a été finaliste du prix Sao Paulo de littérature.
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F for Fake d’Orson Welles,
F comme femme
F comme fatale
F comme fiction
T comme tueuse à gages
A comme Ana qui n’est pas un ange
F, c’est « L’histoire de la femme qui devait tuer Orson Welles », sous-titre du livre. Ana, jeune femme brésilienne tueuse à gage « Combien de filles de mon âge pouvaient en dire autant ? ». se raconte.
Elle rencontre son oncle, José, opposant à la dictature, lors de l’enterrement du père d’Ana. Elle va le rejoindre à los Angeles. Devant son aptitude au tir, son sang-froid, elle se trouve embringuer dans cette faction révolutionnaire et accepte de partir à Cuba s’entraîner Ce même José lui apprendra la vérité sur son père, ingénieur, surnommé « Docteur Electrochoc et qu’il utilisait son talent incroyable pour l'ingénierie à développer des systèmes perfectionnés de torture par chocs électriques». C’est ainsi qu’elle devient tueuse à gages.
La Voix, c’est toujours par téléphone que cela se passe, lui donne la cible à viser, à elle de se débrouiller. Dès son premier contrat, Ana tue sans se délecter, mais avec une réelle efficacité, un vrai petit artisan. Très professionnelle, elle suit sa proie, la regarde vivre, apprend ses points faibles et, comme l’araignée, surgit au moment opportun. Elle en fait une œuvre unique (sans jeu de mot), comme un tableau « Je me soucie de la beauté de la mort, de l’art de l’assassinat. ».
Sa dernière mission ? La Voix lui demande de tuer Orson Welles himself. Elle va s’immerger, moi aussi, dans le monde du cinéaste. A Paris, elle étudie la filmographie, la bio du réalisateur avec des passionnés.
Départ pour Los Angeles ; elle entre en contact avec Orson Welles, où miracle, il tourne un nouveau film « Quelle était la relation entre le studio et ceux qui m’avaient engagée ? Etait-il possible que la voix désincarnée donne des ordres au studio, que ces figures faites d’ombres commandent à Hollywood ? » lui qui était en délicatesse avec le milieu.
Ce qui cloche pour ce dernier contrat, c’est sa relation avec le cinéaste. Jusqu’à présent, elle se contentait d’observe ses victimes. Là, elle est l’assistante de Welles. Une relation amicale se noue, mais jusqu’où… Comment tuer, pour elle, vu son style, ce serait plutôt, causer une mort qui peut passer pour naturelle, un type qu’elle admire ? Ici se rejoint la théorie du vrai, du faux, du vraisemblable. Le cinéma peut se faire hors champ de la caméra, surtout lorsque l’on côtoie un mythe
Ana raconte sa vie sans affect, elle est tueuse à gages, c’est tout, circulez il n’y a rien à voir. Je ne saurai rien de ses motivations. Je pense que son passé, voire sa filiation, joue un grand rôle dans sa vie actuelle « Combien y avait-il de mon père en moi ? Si j’étais un homme, notre ressemblance physique serait-elle plus évidente encore ? Qu’est ce qui le séparait de lui ? Les morts qu’il a causées, en quoi diffèrent-elles des miennes ? C’est une question d’esthétique, ai-je pensé ».
« Est-ce de l’art ». Cette question revient comme un leitmotiv tout au long du livre. L’art aurait-il pu modifier la vie de son père ? « Un livre de Tolstoï aurait-il été capable d’empêcher mon père d’entrer dans la chambre de ma sœur pendant la nuit ? » « Une œuvre d’art serait-elle capable de changer ma vie ? Une œuvre d’art est-elle capable de changer une vie ? Les prétendues humanités sont-elle capables d’humaniser quelqu’un ? Pourquoi associons-nous le terme d’humanités à la notion de faire le bien et d’éprouver de la compassion pour autrui ? Pourquoi la mort ne serait-elle pas une sort d’art ? Ne serait-ce pas la mort, le véritable signe de l’humanité ? Toutes ces questions, sa peut-être ressemblance, son rapport au père sont autant de raisonnements qui pourraient modifier le cours de sa vie.
Antonio Xerxenesky connait, admire Welles et le cinéma. Pas de copié-collé sorti tout droit de wiki… Non, tout est connu, aimé, vécu. La vie, les mœurs des années 80, la musique le cinéma, la situation politique brésilienne, les nuits de Los Angeles avec la fameuse « witching hour » forment un décor bien présent.
L’auteur mêle personnages réels et fictionnels avec talent. Est-ce vraisemblable ? Je ne me pose pas la question tant je suis sous le charme de l’écriture vive, rapide, puissante. Une écriture toujours aussi visuelle, quasi cinématographique avec des flashbacks qui mêlent vraisemblance et surréalisme. Comme dans un bon polar, arrive le doute, les notions de vrai-faux. Oui, c’est connu de tous ou presque, Orson Welles est mort, le 10 octobre 1985 (merci la toile)… Et si c‘était l’œuvre ultime d’Ana ?
Je ne saurais faire des liens avec les films d’Orson Welles, dont je ne connais pas l’œuvre. Cela ne m’a pas empêchée de goûter au plaisir de cette lecture. J’apprécie l’univers déjanté, mais pas que… d’Antonio Xerxenesky, déjà hautement apprécié avec « Avaler du sable ».
F, comme Faut le lire !!
J’ai lu ce livre grâce à l’opération « La voie des Indés » initiée par Libfly. Je les remercie, ainsi que les éditions Asphalte pour ce très bon moment de lecture.
Asphalte, maison d’édition indépendante, proposent « des fictions urbaines et cosmopolites. Attachée à la ville et à ses marges, elle défend une littérature à la frontière des genres, nourrie de pop-culture, de voyages et de musique. »