Ali Bécheur - Tunis blues

Tunis blues

Ali Bécheur

Elyzad éditions

Juin 2014

295 pages

ISBN : 9789973580689

 

4ème de couverture :

Quand l'été n'est plus que cendres, Tunis a le blues... et le monde n'est plus qu'un piano désaccordé. Le temps d'une saison, Jimmy, le déraciné, oiseau de nuit en quête d'aventures, croise le chemin d'Ismaïl, le juge solitaire et rigoriste, exaspéré par le comportement de ses concitoyens et leurs mœurs ostentatoires. Le destin les guidera vers des amours improbables avec Lola, la voyante au grand cœur, Elyssa la jeune bourgeoise passionnée, et Choucha, la journaliste, femme libre et intransigeante. Une partition à cinq voix où vibrent, du vieux quartier de La Fayette à la colline de Sidi Bou Saïd, l'âme de la ville, les blessures de la vie et l'appel d'un monde à inventer. À lire comme on écoute du Miles Davis...

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Ali Bécheur nous offre un instantané de la Tunisie actuelle avec ses tenants de la tradition et ceux de la modernité et toute une faune qui tourne autour de cela. A travers les personnages de ce roman qui se croiseront à un moment ou un autre, il nous fait entendre cette voix tunisienne.

Il parle de la relation des tunisiens avec la liberté, la démocratie. « La raison n’est pas notre domaine. Nous, nous campons plus volontiers dans les marges du rationnel, dans l’avant et l’après, je ne sais, nous guettons des signes venus d’en haut, de très loin, de l’Autre Monde – avertissements ou sanctions – les yeux levés au ciel, le front contre les étoiles. Nous aimons les décrets : ils nous rassurent, nous exonèrent de l’écrasant fardeau de la liberté. »

Jamel, alias Jimmy, le Rebeu revenu de France entre deux gendarmes continue ses trafics en tout genre plus son délire du samedi : brûler les voitures des nantis des beaux quartiers. Ismaïl, le juge, fils de cadhi, ancré dans la tradition ne supporte pas cette façon d’agir, de ne pas respecter les codes de la vie civile.

Les femmes sont sur tout autre registre. Lola, la voyante, de par ses origines, représente la liberté et essaie de faire passer sa philosophie de la vie. C’est une personne aimable c’est-à-dire qu’on ne peut que l’aimer. Elle allège le fardeau des personnes qui viennent la voir. Elyssa, la femme d’un nanti qui a réussi échangerait bien son argent contre un peu de bonheur et de liberté.

Les femmes feront éclater cette dichotomie entre tradition et modernité, religion, liberté et démocratie. Elyssa en quittant ce mari qui a réussi dans les affaires  voue un culte au dieu argent. Choucha, journaliste autonome et indépendante, est la plus avancée sur la route de la liberté, même si elle en paie le prix chaque jour. Tout en écoutant Louis Amstrong, dans un article qui ne sera jamais publié, elle ose cette longue déclaration

« Nous sommes emmurés. Tous, hommes et femmes, cloîtrés, nos esprits cadenassés, fermés à double tour et nous ne le savons même pas. Un confinement millénaire. Une réclusion aux barreaux invisibles nous tient prisonniers à perpétuité. C’est comme une condamnation que nous aurions rendue contre nous-mêmes, contre notre liberté. Un verdict sans appel. Et à longueur de temps, nous nous heurtons aux murs de la geôle que nous avons édifiée à seule fin de nous y terrer. Pour nous protéger de la vie, de ses appétits et de ses faims, de ses envolées et de ses bassesses. Pour nous protéger de nous-mêmes. Pourquoi ? Parce que la peur nous enchaîne, pieds et poings liés. Peur de nos corps, de nos désirs que, surtout, nous ne voulons pas connaître. Peur de nos sexes, des passions qui pourraient nous emporter au fil de leur courant, nous rouler dans leurs remous. Peur de notre liberté. Peur de l’appel de cet espace trop vaste pour nous, trop démesuré, sans bornes et sans repères, où il faudra s’inventer. Peur de s’aventurer, d’abandonner nos tuteurs, nos béquilles et de nous élancer. Peur de ce saut sans filet. On nous a appris à rogner les ailes qui nous empêcheraient de marcher dans le droit chemin, comme un troupeau tenu en lisière par des chiens de berger ».

Tout le livre est empli de cette dichotomie entre la tradition et la modernité, la religion et la liberté, la démocratie… A tous, il leur faudra dépasser les grandes blessures qu’ils portent en eux

« Maintenant, je sais qu’il faut la mériter, la liberté. Je sais que la seule loi qui vaille, c‘est la loi qu’on se donne à soi-même. » dit Ismaïl. A méditer.

Un livre superbe servi par une écriture classique éblouissante avec quelques mots délicieusement suranné qui ont fait mon bonheur. J’avais déjà eu un coup de cœur pour Chems palace. Tunis blues le rejoint. Quel auteur, quelle écriture !

D'autres avis : Pasdel - Ramettes - Libfly

 

Ils ont érigé la fierté en culte, mais ils ne sont qu’arrogants, ils se croient intelligents et ils ne sont que rusés.

L’ostentation partout et toujours, l’esbroufe comme règle de vie, la montre comme credo. Les premiers producteurs au monde de poudre aux yeux, ne cherchez plus, c’est nous.

Soudain dévoilé, le royaume de la lumière s’échancre à mes yeux éblouis, c’est une baie, un golf étincelant que borne la silhouette déchiquetée d’un rideau de cyprès, dressée, noire, contre l’horizon.

Contre qui protéger la misère, sinon contre elle-même.

J’ai enfin compris que la loi n’est pas une éthique, elle ne se soucie pas du juste ou de l’injuste, non, elle est norme, c’est-à-dire la règle qui expose celui qui l’enfreint à un châtiment, disons technique.

Oui, voilà : insoumise. Alors je comprends combien la révolte c’est important, c’est crier qu’on n’est pas mort et même si on vous a écorché vif, que vous êtes encore vivant.

Si mes racines m’empêchent d’avancer, alors je les arrache.

D’une part, nous nous accrochons à des traditions obsolètes, nous nous agrippons à des rites désuets, désormais dépourvus de toute signification et, d’autre part, nous troquons nos valeurs ancestrales contre le culte de l’argent.

Entre l’Occident et l’Orient, nous prenons le pire dans chaque camp, privilégiant la lie de nous-mêmes –la soif de pouvoir, l’appât du gain, la convoitise- sur le meilleur. Qui sommes-nous ? Où allons-nous ?

Oui, rigide, je veux dire enfermé dans un carcan, enfermé dans votre statut professionnel, enfermé encore dans votre statut social et, en plus, vous voulez m’enfermez dans un prétendu statut de femme.

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Y
Le paradis des femmes était déjà excellent, c'est un auteur à la prose magnifique
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Z
J'ai commandé le paradis des femmes.
S
Je le note Zazy, j'aime tout ce que tu en dis, je ne connaissais pas du tout cet auteur (ni sa maison d'édition d'ailleurs), j'aime beaucoup le côté tradition/modernité, et si tu dis qu'une belle place est laissée aux femmes, je suis encore plus enthousiaste. En plus franchement, quel titre !!!!
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Z
Fonce et lis-le
A
Tu as l'air si enthousiaste, je note ce titre, que je n'ai pas particulièrement remarqué à sa sortie.
Répondre
Z
Un superbe auteur, un superbe livre, une superbe maison d'édition, que dire de plus !
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