Yamen Manai - Bel abîme
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septembre 2021
112 pages
ISBN France 9782492270444
4ème de couverture :
« Je revenais du collège quand j’ai rencontré Bella. Une après-midi de novembre, morose. Un garçon triste, chétif, une tête à claques, la tête baissée, la peur qui habite ses tripes, et parfois, l’envie d’en finir. On n’imagine pas ce que ressent un enfant quand il faut qu’il se fasse encore plus petit qu’il n’est, quand il n’a pas droit à l’erreur, quand chaque faux pas prend un air de fin du monde. Mais en l’entendant, ce jour-là, j’ai redressé le menton. »
Yamen Manai nous conte avec fougue le cruel éveil au monde d’un adolescent révolté par les injustices. Heureusement, il a Bella. Entre eux, un amour inconditionnel et l’expérience du mépris dans cette société qui honnit les faibles jusqu’aux chiens qu’on abat « pour que la rage ne se propage pas dans le peuple ».
Mais la rage est déjà là.
L’auteur (site de la maison d’édition) :
Né en 1980 à Tunis, Yamen Manai vit à Paris. Ingénieur, il travaille sur les nouvelles technologies de l’information. Aux éditions Elyzad sont également parus ses romans La marche de l’incertitude (poche, 2010), La sérénade d’Ibrahim Santos (2011 ; poche, 2018) et L’amas ardent (2017), récompensés de nombreux prix littéraires.
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« Maître Bakouche ? Vous plaisantez ? Vous pouvez me cogner, comme l’on fait tous les autres, mais je ne vous appellerai pas maître. Vous pouvez vous brosser, je ne le dirai pas, je ne suis pas votre chien. Monsieur, c’est tout ce que je vous dois, et encore, c’est parce que je e vous connais pas. Peut-être en vous connaissant mieux, je finirai par vous appeler l’enculé. »
Un premier paragraphe qui montre la colère de cet adolescent emprisonné pour des faits de violence. A cet âge, on est dans l’absolu, on ne transige pas. Yamen Manai ne lui a pas donné de nom, il représente la jeunesse perdue de la Tunisie. Je vais l’appeler « IL »
Pour son procès, IL doit rencontrer, outre son avocat, un psychiatre. Il s’ensuit des dialogues en direct, sans filtre pour les réparties de IL.
IL vit entouré de violence. La violence paternelle aussi bien physique que mentale. Le père, professeur, se la joue avec sa belle voiture, ses costumes et laisse sa famille au seul soin de la paie misérable de la mère, rabaisse tout le monde. Il est Lui, le superbe, les autres, sa famille, sont de la morve. Violence des autres enfants, IL aime lire, travaille bien à l’école, la violence de la vie tunisienne où les jeunes préfèrent partir, risquer de mourir en mer, plutôt que de rester dans un pays sans avenir pour eux.
Une vie triste, violente, seul l’amour de sa mère lui permet de tout supporter… Jusqu’au jour où il trouve une petite chienne qu’il va ramener chez lui, la cacher dans sa chambre. Bella, il l’appelle Bella. Entre eux deux, c’est l’amour franc, sincère sans contrepartie.
Tout va basculer lorsque sa chienne est abattue, je ne vous en dis pas plus que diantre, conservons un peu de mauvaise surprise.
Et oui, en Tunisie, il y a une campagne pour l’abattage des chiens errants, déjà considérés impurs dans le Coran, ils sont suspectés de tous les maux. « Pour que la rage ne se propage pas dans le peuple » oui, mais quelle rage ?
La sienne de rage s’étale, grandie à l’aune de l’amour qu’il porte à Bella et…. C’est pour cela qu’il se retrouve en prison.
Tout dans ce livre peut avoir plusieurs lectures. L’amour pur et sincère de l’animal, la rage, pas celle des chiens, mais des jeunes qui, même surdiplômés ne trouvent pas de travail et préfèrent risquer leurs vies en traversant la méditerranée. La rage se sent dans l’écriture de ce livre, il y a beaucoup d’impatience et Yamen Manai que j’ai eu le plaisir de rencontrer nous a dit qu’il avait écrit le livre en huit jours et qu’il l’habitait jour et nuit.
Un coup de cœur pour ce roman dérangeant, où la violence et la tendresse sont mêlées, écrit la rage au cœur. J’ai goûté l’oxymore du titre
Déjà lu et coup de coeur pour L'amas ardent