Emmanuelle Pagano - En cheveux

 

En cheveux

Emmanuelle Pagano

Editions Invenit

Collection musée des confluences

Octobre 2014

76 pages

ISBN : 978-2-9186-9869-2

 

4ème de couverture :

Un châle, à première vue commun s’il n’était constitué de fils de Pinna nobilis, la grande nacre de Méditerranée. Lorsqu’elle retrouve l’objet précieusement conservé dans les réserves du musée, les souvenirs reviennent à la narratrice. Se déploie, pli après pli, une histoire familiale dans l’Italie fasciste, dont les fragiles fils tissés de la nacre forment la trame. Un frère autoritaire et machiste, ses deux sœurs Nella et Bice protégeant le châle comme objet totémique soustrait à la vue de l’homme, la nature et ses odeurs, ses lumières, sont la matière de ce récit sensuel et incarné.

L’auteur (site de l’éditeur):

De formation artistique, Emmanuelle Pagano est professeur d'arts plastiques. Le récit Pour être chez moi a lancé sa carrière littéraire. Par la publication de nombreux romans, récits et nouvelles, elle s'impose aujourd'hui comme une auteure qui compte dans l'univers des lettres françaises. Son dernier roman, Nouons-nous, chez P.O.L, a été salué par la critique et sélectionné pour plusieurs prix. Elle a été, jusqu'en septembre 2014, pensionnaire à la Villa Médicis.

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Second opus de cette collection des éditions Invenit en collaboration avec le Musée des Confluences de Lyon, après l’enfant fossile, que je découvre.

Emmanuelle Pagano nous déroule l’histoire d’un châle tricoté en fils de soie élaboré par un mollusque, la grande nacre. Il n’existe, de par le monde, qu’une soixantaine de pièces en soie de mer.

Emmanuelle Pagano détricote la vie d’une famille italienne à partir de ce châle. La fratrie est composée de 2 sœurs et un frère. Le frère, père de la narratrice, est un fasciste assumé, macho comme savent l’être les italiens. Les tantes, Nella et Bice déshéritées -ce ne sont que des femmes !- habitent dans la vieille maison familiale. Nella, arborant fièrement sa chevelure rousse libre de tout chapeau ou chignon strict (en cheveux disait ma grand-mère et titre de ce livre), n’a jamais voulu se marier, se soumettre à un mari, préférant s’échapper dans les bois dans des pantalons informes, jouer avec la lumière. Le frère devrait subvenir aux besoins des deux sœurs, ce qu’il oublie de faire ou fait très chichement, alors, elles se débrouillent.

Quand la narratrice fait la description de ce châle j’imaginais Nella lovée dedans, ses gestes, son corps. Ce châle, qui a résisté au temps, est le symbole de la résistance de Nella, symbole de sa liberté. La narratrice, à travers lui exprime l’amour qu’elle portait à cette tante trop indépendante pour l’époque. Entre le frère et la sœur, Nella, la haine a remplacé l’amour qu’ils se portaient. Mais la haine n’est-elle pas le versus de l’amour ? « Ces deux-là se haïssaient tellement qu’ils s’aimaient, ou était-ce l’inverse. »

L’écriture d’Emmanuelle Pagano est douce, sensuelle. Je me suis délectée à la lecture de ce petit livre lu d’une seule traite. A vous relire très bientôt Emmanuelle Pagano ; j’ai retenu l’absence d’oiseaux d’eau à la bibliothèque.

Livre lu dans le cadre de la voix des Indés. Je remercie beaucoup et les éditions Invenit. J 'aime beaucoup la sensualité qui émane de la couverture de ce livre fort intéressant et agréable à lire

 

Depuis qu’il est conservé dans le musée, le châle de ma tante a changé de statut et de dimensions, au sens figuré, mais aussi au sens propre.

Le conservateur apporte des lampes et les reflets mordorés du châle sont enfin révélés. J’ai l’impression qu’en éclairant le châle, le conservateur fait apparaître le portrait de Nella, ses cheveux aussi bruns que le châle est blond, mais avec les mêmes reflets roux, et derrière elle, un peu en retrait, mon autre tante, Bice, projetant une ombre sur elles, mon père, leur frère aîné, et, cachée par cette ombre, toute mon enfance à Stellanello, le temps particulier des vacances, quand je croyais jouer à nous cacher de mon père et que Nella me laissait me déguiser avec le châle et ses dorures devant le soleil couchant.

Nous nous cachions de mon père, toujours, mais ce que je prenais pour un jeu n’en était pas un. C’était de la résistance. Je la confondais avec un jeu parce que Nella me la présentait comme ça, mais aussi parce que résister et jouer c’est de la même façon avoir du courage, de l’ardeur et de la peur ensemble, mûris par l’adrénaline.

Elle goûtait sans trêve le plaisir de sentir chaque muscle à sa disposition en marchant, elle aimait laisser se disperser toutes les pensées envahissantes que la marche éparpillait.

Il faut pêcher mille grandes nacres, les sortir de l’ombre pour obtenir deux cent cinquante grammes de fil de soie de mer, deux cent cinquante grammes seulement de lumière avec un millier de gros coquillages lourds.

Mon père était un macho, une caricature. Il répétait j’aime ma fille, je pense à elle, elle aura quelque chose, mais elle n’héritera pas, parce que c’est une fille.

Il aimait sa sœur comme il aurait dû m’aimer moi, comme sa fille, et même peut-être autrement.

C’est dans les dernières années de guerre partagée contre son frère que Nella m’a donné le châle, le seul objet de valeur dérobé à mon père et non revendu, pour qu’il soit à l’abri des hommes.

A la mort de Nella, j’ai voulu que l’or du châle ne me soit pas réservé, j’ai voulu qu’il ne brille pas seulement dans l’intimité, le châle était trop lourd pour mes épaules. Je l’ai donné au musée.

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C
je l'ai commandé à ma libraiie et j'ai hâte qu'il arrive !
Répondre
Z
une belle collection
A
Une collection très prometteuse décidément ! j'ai un roman d'Emmanuelle Pagano dans ma PAL, je n'ai pas encore osé l'ouvrir.
Répondre
Z
J'en ai retenu un à la bibliothèque
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