Philippe Forest - L'enfant fossile

L’enfant fossile

Philippe Forest

Editions Invenit

Collection Musée des confluences

80 pages

ISBN 9782918698678

 

 

4ème de couverture :

« Un enfant de cinq ans vieux de trois cent vingt siècles. Plus jeune et plus âgé que nous. Nous précédant dans l’oubli à l'intérieur duquel nous perdons déjà pied... »

Quelle est l’histoire de ce fragment d’enfant Homo sapiens dans lequel les spécialistes voient le plus ancien reste d’homme moderne de France ? Philippe Forest interroge l’origine du fossile, le sens de la vie et de la mort, dans un récit où le thème de la disparition est prépondérant. En cherchant le lien entre le passé et le présent, entre ce bout d’os et notre société actuelle, entre ses souvenirs d’enfance et sa vie d’aujourd’hui, l’auteur est conduit à cette seule certitude : cette « horreur minuscule » est bien notre ancêtre à tous dans la mesure où elle nous rappelle notre mort et que seule demeure la présence de l’absence.

L’auteur :

Diplômé de Science Po Paris et titulaire d'un doctorat ès lettres, Philippe Forest a longtemps enseigné la littérature au Royaume-Uni avant de revenir l'enseigner à l'université de Nantes. Il est l'auteur de nombreux essais littéraires et romans. Son activité littéraire touche également à l'écriture d'articles pour de célèbres magazines littéraires français, comme Le Magazine littéraire ou Transfuge, et la co-rédaction de la Nouvelle Revue française des Éditions Gallimard.

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A partir d’un objet choisi dans la collection du Musée des Confluences de Lyon qui devrait ouvrir très bientôt, l’auteur déroule une histoire. Philippe Forest a choisi un fragment de mâchoires découvert par Claudius Côte en juin 1933 dans un coin des Charentes, celui d’un enfant de 5 ans.

Ce fragment d’os avec ses deux dents l’amène à poser plusieurs questions ; sur les souvenirs, notre relation au passé, la survivance. Pour l’auteur, quelle relation avons-nous avec, entre autre, ce morceau de mâchoires ? Devons-nous le considérer comme une relique « pas si différente, au fond, dans la vitrine de son musée, de celles qu’exposent les églises et desquelles les dévots mendient un miracle : cheveux, dents, crânes, tibias et fémurs de saintes et des saints » ? et les musées, ce lieu où l’on parle à voix basse, déambulant silencieusement « rien d’autre qu‘une sorte d’immense reliquaire » ?

Diatribe sur ces visiteurs qui, à l’heure de l’ancienne messe dominicale, passent de vitrine en vitrine, s’extasiant comme devant les reliques. Il aimerait beaucoup que les visiteurs que nous sommes, méditent « sur le mystère inouï du monde », que nous nous attachons un peu plus à la vie de ces gens et non à l’objet présenté, fut-il d’or et de rubis, que l’on pense ancêtre et non relique.

Cette relique le ramène à son enfance où il jouait à la chasse aux fossiles avec les gars du village. Ce temps de l’enfance qu’il qualifie de « préhistorique » « Car le temps de l’enfance, pour celui qui l’évoque, n’est pas moins éloigné que la plus obscure des préhistoires » peut-être parce que les lambeaux de notre mémoire sont comme des ossements, des reliques. D’autant que ces gamins, il ne les a jamais revus et que, pour lui, ils sont restés à l’état d’enfant « Immobilisés par ma mémoire dans une ou deux attitudes aussi sûrement que s’ils avaient été saisis vivants parmi les sédiments du temps. Des enfants fossiles. »

La trace, l’empreinte que nous laissons comme ces mains sur les grottes qu’ils relient à l’empreinte de sa propre fille faite à l’école. Côte a inscrit son nom et un numéro sur le fragment de mâchoire comme pour laisser une trace de cette découverte. Besoin d’identification ? Besoin de laisser une trace ?

Philippe Forest amène à une réflexion sur le temps et ses paradoxes, sur la transmission, les traces, l'absence, la mort. En effet, cet enfant est notre ancêtre alors qu’à 5 ans, il est mort sans descendance « Un enfant de cinq ans vieux de trois cent vingt siècles. Plus jeune et plus âgé que nous. »

L’écriture de Philippe Forest est minutieuse, fouillée, précise. J’ai aimé ce livre qui ne se lit pas d’une seule traite et sur lequel on médite après l’avoir fermé.

J’ai lu ce livre dans le cadre . Je remercie beaucoup et les Editions Invenit qui proposent un livre élégant et très intéressant.

 

 

« Cadavres conservés en vue de leur très hypothétique résurrection, mais vers lesquels, en attendant, convergent les pèlerins avec la même concupiscence un peu perverse que celle qui pousse les touristes en foules vers les tombes, les mausolées, les pyramides transformés en attractions culturelles, et qui les presse autour des sarcophages ouverts où l'on exhibe les formes amaigries des momies aux apparences de longues bûches calcinées. »

Un musée, finalement, n'étant rien d'autre qu'une sorte d'immense reliquaire : caveaux vidés de leur contenue de sorte que tout leur mobilier d'outre-tombe se retrouve entreposé dans les galeries, dont les collections égyptiennes du Louvre, de Londres, de Turin ou du Caire donnent l'idée la plus juste, constituant le prototype de toutes les autres.

Les pièces du passé arrachées à la terre, un peu partout pillées parmi les ruines, les tableaux et les statues, les poèmes et les romans pouvant assez bien passer, si l’on y réfléchit, pour des sortes de stèles sublimes dont les apparences splendides disent, aussi sûrement que le nom et les deux dates sur une tombe, le passage pathétique des hommes dont elles conservent le souvenir.

Une œuvre d’art, certainement, puisqu’un musée l’abrite, qui l’expose au regard désintéressé de visiteurs distraits.

D’où viennent ceux qui naissent, où vont ceux qui meurent ? Ou bien l’inverse : d’où viennent ceux qui meurent, où vont ceux qui naissent ?

Ce sont de toute façon, toujours les vainqueurs qui écrivent l’histoire à l’intérieur de laquelle, forts de leur bon droit, ils n’accordent aucune place à ceux dont ils ont triomphé.

Qui pleurerait sérieusement un enfant fossile ?
Ce n’est pas que l’on oublie. Mais même celui qui se souvient finit par disparaître à son tour.

Un vide creusé dans l’épaisseur même du temps et où vient se loger perpétuellement la même absence, retenant la forme fossile de cd qui n’est plus, mais qui, cependant, pour l’éternité, un jour aura été.

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A
Une lecture pour laquelle il faut prendre son temps.
Répondre
Z
Un très bon livre
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