Joann Sfar - l'Eternel

 

L’Eternel

Joann Sfar

Editions Albin Michel

455 pages

Avril2013

ISBN : 9782226246851

 

 

4ème de couverture :

Les vampires, ça n’existe pas. La psychanalyse, ça ne marche pas. On était vraiment fait pour se rencontrer

 

Le parcours de Joann Sfar (source Entrée Livre)

Dessinateur et scénariste de bande dessinée, réalisateur de cinéma (César du meilleur premier film pour Gainsbourg, vie héroïque, du meilleur film d’animation pour Le Chat du rabbin.), Joann Sfar est né à Nice en 1971. Intarissable raconteur d’histoires, il puise son imaginaire délirant dans la fiction populaire (roman d’aventures, films fantastiques…) et le folklore lié à ses origines juives, ashkénaze et séfarade à la fois, qui imprègne nombre de ses albums comme Kletzmer ou Le Chat du rabbin (la série qui l’a imposé auprès du grand public).

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Ca y est : j’ai rencontré mon premier vampire et j’ai aimé ça !!!

Bien sûr, ce n’est pas un vampire frankensteinien, mais genre Woody Allen. Quoi ? J’ai dit que W. H. nous vampirisait ? Oh, vous m’avez mal comprise !

J’ai eu un moment de recul en recevant le livre, mais quand je m’y suis plongée, j’ai adoré. Imaginez, l’histoire d’un vampire qui avait honte d’être un vampire. «très heureux de parvenir à ne pas tuer».

 

Mais, commençons par le début assez déroutant s’il n’y avait ce vocabulaire imagé, outré qui ne m’a ni gênée ni choquée pour parler de la violence, des viols, des exactions malheureusement propres (oh ! le terme parait bizarre ici) à toute guerre.

«  Elle a besoin de dormir, Caïn. Les femmes enceintes dorment beaucoup.

  • Tu veux voir ses loches, petit frère ? Elles étaient déjà conséquentes, mais là, ça devient….
  • C’est pas ma fiancée, Caïn.
  • Pas la mienne non plu, ça n’a rien  à voir ! C’est juste une paysanne et je la baise.
  • Oui, mais mon enfant, c’est le tien, murmura l’Ukrainienne sans ouvrir les yeux »

 

Avant que de devenir un vampire, Ionas sera tué à la guerre, dans une anse de la Volga, pendant la 1ère guerre mondiale, avec tout son régiment et les filles à soldats qui y vivaient. Des scènes terribles, atroces mais la façon d’écrire, le vocabulaire de Joann Sfar font que cela en devient épique et Oh, je vais oser : ce n’est qu’une « mise en bouche » (on ne me tape pas !!!).

 

Maintenant Ionas est mort et bien mort et « Malgré les querelles de générations, les thaumaturges de toutes obédiences s’accordent, aujourd’hui encore, sur ce point précis : Il n’est pas prudent de laisser un mort sans sépulture ». Pourtant c’est ce qui se passe souvent en temps de guerre.

 

Mais retrouvons Ionas « Au moment où leurs lèvres se rencontraient, loin d’Odessa, sous un monticule de neige et de corps, le cadavre d’un jeune soldat reprenait vie. Deux yeux anxieux et perdus s’ouvrirent au cœur du charnier ». Tout comme la mue de chrysalide en papillon est difficile, Ionas peine à se sortir de l’enchevêtrement de bras, de jambes, de corps qui sont au-dessus de lui. Ce fut douloureux, lent, laborieux mais le sang d’un cheval qu’il enfourcha lui remit « le pied à l’étrier » (OK, un autre de mauvais genre, mais il faut vous y faire, ce ne sera pas le dernier, enfin j’espère !). « Il remit sa bouche sur la plaie et Ionas absorba à petites lampées le sang de sa victime. Comme apaisé, il s’endormit. L’étalon avait l voie de chemin de fer. Il galopait maintenant comme hypnotisé. »

 

Un vampire amoureux va, forcément, retrouver sa belle qui se trouve mariée à Caïn, son cher frère aîné, une vague histoire de tradition juive -enfin vous lirez ( je ne vais pas me saigner aux quatre veines et vous mâcher le travail !)

 

Avouez que c’est ballot, lorsque l’on trouve dans la bouche de Caïn cette phrase : « Moi, j’ai le goût du sang. Je sais quand il faut mordre et quand il faut se planquer. Ionas agissait en fonction d’idées abstraites : l’honneur, le devoir. La guerre c’est plus lâche, plus bête, plus… »  et qui c’est le vampire ? c’est Ionas ! Toujours à la poursuite de Hiéléna, sa fiancée, « L’idée d’un vampire père de famille ne le défrisait pas, puisque les arbres parlaient. Tout lui semblait possible »

Il s’inventa une sorte de code d’honneur :

« - Manger avant la faim, pour ne pas enrager,

- Ne pas tuer

- Dans la mesure du possible, ne s’en prendre qu’aux bêtes. »

 

Il s’aménagea un home confortable dans le cimetière chrétien, car il faut bien le dire, un cercueil c’est plus confortable que les tombes juives où les cadavres sont enterrés en pleine terre !!! « Avant le jour, une fois qu’il se fut retrouvé assis dans les huit mètres carrés de son refuge, chacun de ses cercueils débordant de sachet de lavande et de coussins, il s’installa jambes croisées dans on canapé, tripota ses journaux pas trop anciens posés en tas sur une console et alluma une pipe. Alors, jetant des regards vers un petit miroir à maquillage dans lequel il ne se reflétait plus, il vit le chien faire trois tours sur lui-même et s’endormir.

  • Ne me manque que des pantoufles, grommela Ionas »

Comme quoi, un vampire aime son confort, enfin lui, le vampire juif version Woody Halen !!! il s’amuse beaucoup, le galopin,  à faire claquer un volet, bouger un caillou… embêter le bourgeois quoi ! Il continu sa vie sa mort de petit bourgeois-vampire ou vampire-bourgeois, jusqu’à rencontrer l’amour : celle d’une vivante de notre siècle : Barbara Rebecka Streisand. Mais bon, c’est sa psy (juive, plantureuse, veuve depuis la veille), alors, nouveau dilemme. Il veut suivre une thérapie pour «réapprendre le meurtre». Une psy qui ne se formalise pas plus de côtoyer des fantômes, une mandragore, un loup-garou loup-dragou.

Mais j’arrête-là mes digressions. Une chose est importante : il FAUT lire ce livre déjanté (à ce que j’aime-ça !!!). Ionas  et son mal de vivre, son mal-être qui se choisit d’une psy. Cela me fait également penser à Philippe Roth et son livre « Portnoy et son complexe ».

Beaucoup d’autodérision. On accepte même que Ionas suce le sang, faut bien vivre !!!

 

Joann Sfar vient de la BD et cela se sent car beaucoup de phrases percutantes, de parodies, un texte très imagé, foisonnant, riche. Humour et sensualité donnent le La à ce livre déjanté qui part dans tous les sens, mais un désordre organisé, comme le « home sweet home » de Ionas.

 

J’ai aimé ce roman disjoncté, « total foutraque », ordonné dans son désordre.  Que diantre, ça fait du bien une telle explosion ! Joann Sfar, vous m’avez réconcilié avec les vampires, enfin s’ils sont du même acabit que le vôtre, pour les autres, la cause n’est pas encore entendue. Quelques longueurs m’empêchent d’en faire un coup de cœur.

 

Je remercie et la librairie   pour m’avoir envoyé ce livre, synonyme, pour moi, d'un bon moment de plaisir.

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Quelques phrases extraites de ce livre :

« Content de lui et remerciant le Seigneur qui autorise le mensonge et la peur de se faire prendre, et ce sentiment très relatif de pécher qui rend la vie plus belle, Reb Mordechaï descendit l’escalier qui séparait le paradis du monde séculaire en gratifiant l’atmosphère de petite flatulences joyeuses ».

 

«Dans ces bourgades dont on avait depuis longtemps massacré tous les juifs et où l'on était obligé, à chaque attaque, d'assassiner d'innocents orthodoxes»

 

« En Amérique, les juifs ne servent à rien, alors on leur fiche la paix. Ici, ils servent à calmer les nefs des gens »

 

 

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C
Bien que je ne partage pas ton avis, ta critique fait plaisir à lire et tes raisons d'aimer semblent pleinement justifiées. Pour un peu, je le relirais sous un autre regard. Mais je me suis déjà essoufflée avec une première lecture. J'ai vraiment peur d'y rester si je recommence !<br /> Ma critique dans son intégralité se trouve ici :<br /> http://www.christelle-pigere-legrand.com/l-eternel-joann-sfar.php
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I
Je ne suis pas sûre que ça soit ma tasse de thé. Je le passe celui-là.
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Z
Ce fut mon premier &quot;vampire&quot; et je ne suis pas certaine d'y retourner.... Pourtant qu'est-ce que j'ai aimé lire ce livre
J
Tu as indéniablement passé un bon moment. Je ne suis pas très cliente de ce style d'humour (même si c'est de l'autodérision) et même si je ne suis pas choquée outre mesure, les descriptions crues ou sanguinolentes ne m'apportent rien ici. <br /> Mais c'est bien, cette fois les avis sont partagés.
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Z
Je rois, au vu des divers commentaires, que ce livre ne laisse pas indifférent
Y
Pourquoi pas, mais j'ai un peu de mal avec l'auteur, même si j'ai aimé Le chat du rabbin
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Z
C'est le premier de cet auteur que je lis. Le chat du rabbin est retenu à la bibliothèque.<br /> Si tu te promènes sur Entrée Livre, ce que je te conseille, tu verras que ce livre ne laisse personne indifférent.
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