Laurent Seksik - Le cas Eduard Einstein
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Laurent Seksik
Editions Flammarion
300 pages
4ème de couverture :
Le fils d'Einstein a fini Parmi les fous, délaissé de tous, jardinier de l'hôpital psychiatrique de Zurich. Sa mère qui l'a élève seule après son divorce, le conduit à la clinique Burghölzli à l'âge de vingt ans. La voix du fils oublié résonne dans ce roman où s'entremêlent le drame d'une mère, les faiblesses d'un génie, le journal d'un dément.
Une question hante ce texte: Eduard a t-il été abandonné par son père à son terrible sort ? Laurent Seksik dévoile ce drame de l'intime, sur fond de tragédie du siècle et d'épopée d'un géant.
L’auteur :
Médecin lui-même, il se partage entre médecine et littérature et a publié cinq romans dont Les derniers jours de Stefan Zweig (Flammarion, 2010).
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Laurent Seksik, en toute simplicité et sans pathos fait parler Albert Einstein, Mileva, sa première épouse et Eduard, le plus jeune fils schizophrène. Nous découvrons un Albert Einstein simplement humain, avec ses lâchetés, ses courages, sans défense devant la maladie de son fils. Pour être honnête, il s’est totalement exclu de la vie de ses deux fils après son divorce d’avec leur mère Mileva et son départ pour l’Amérique pour fuir la haine nazie. Beaucoup de tragédies dans cette famille marquée par le génie du père et la folie d’Eduard. L’abandon, puis la mort de la première fille avant leur mariage, jamais Mileva ne l’oubliera. La schizophrénie d’Eduard, l’enfermement, Mileva gère cela seule. Eduard, dans sa maladie, n’est jamais caricatural, à travers ses paroles, on touche du doigt sa folie, mais également son intelligence et, surtout, sa grande souffrance. Il ne faut pas oublier, le fils aîné, Hans-Albert, qui devint membre de l’Eglise du Christ scientiste, une sorte de secte qui lui fera refuser les soins médicaux qui pourraient sauver son fils.
Tout le livre tourne autour de ce père absent, autant haï qu’aimé, autant attendu que refoulé, du lien qui unit le père et le fils interné. J’ai fait une jolie promenade dans cette période troublée et troublante grâce à l’écriture de Laurent Seksik.
je vous recommande ce livre que j’ai lu grâce à l’opération "Coup de cœur des lecteurs" lancée par et la librairie pour la rentrée littéraire 2013. Je les remercie pour cette belle lecture.
Quelques extraits
Mon fils est le seul problème qui demeure sans solution. Les autres, ce n’est pas moi, mais la main de la mort qui les a résolus.
Je suis au Burghölzli comme un poisson dans l’eau. Le personnel prend soin de moi. J’aurais une seule remontrance. Je souhaiterais qu’on prenne au sérieux le loup qui vient rôder la nuit dans le jardin. La semaine dernière, nous avons eu la chance de recevoir le docteur Jung, un ancien du Burghölzli qui a travaillé sur des hommes de ma condition. Cet homme a des yeux très doux. D’un simple regard sur vous, il semble vous comprendre et pénétrer votre âme.
A ce qu’on murmure, mon père ne roule plus carrosse. Finie la maison à Berlin. Aujourd’hui, baraque en bois sur la côte belge. Bien fait pour toi. Tu fais trop le malin. Tu provoques e monde, tu éclabousses le peuple avec ton génie, tu écrases tout sur ton passage. Avec Adolf, c’est le combat des hommes à moustaches. Papa, tu voulais me donner des leçons, tu apprends enfin la vie. C’est douloureux, n’est-ce pas, ce poids sur les épaules ?
Un homme peut être mauvais, regarde ton camarade Werner, regarde Grund. Mais un billet de banque ignore toute forme de morale. C’est la raison pour laquelle il n’y avait aucune raison à ne pas commercer avec le Reich. Ceux qui prétendent le contraire voient le mal là où il n’a pas lieu d’être. Ils voient le mal dans ce billet. Ces gens-là sont comme toi, ils ont perdu la raison. Mais ils n’ont pas tes excuses. Ce sont des ennemis de la morale. Des ennemis de la Suisse
Une chape de silence recouvrait cette disparition. Nul ne devait savoir, nul ne l’apprendrait jamais. Ils n’avaient mis personne dans la confidence. Ils n’en parlaient pas entre eux. La blessure était là, dans son cœur, béante et silencieuse. Elle ne pouvait s’ouvrir à personne du drame. La naissance de deux fils n’avait pas cicatrisé la plaie. Rien ne peut apaiser pareille douleur. Rien ne peut réparer une honte semblable. Lieserl avait disparu. Son ombre continuerait de planer
« On se trompe lourdement. Le nom d’Einstein est une charge ^pur le commun des mortels. Une seule personne possède les épaules assez solides pour supporter un tel fardeau : mon père. Ni mon frère ni moi n’avons la stature. Voilà la cause de mes tracas si c’est ce que vous cherchez.
“Si Einstein avait un fils cela se saurait, comment pouvez-vous affirmer être le fils d’Einstein ? En aucun endroit, il ne parle de ses fils. ”
Dachau n’est pas très loin d’ici. Ç’aurait été unique, deux Einstein internés en même temps, à deux cents kilomètres de distance. Peut-être on aurait pu regrouper les familles ?
Si mon père avait été arrêté, le monde entier aurait essayé de le faire sortir. Moi, nul ne s’en préoccupe.