Djilali Bencheikh - Mon frère-ennemi
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Djilali Bencheikh
300 pages
ISBN : 978973580559
4ème de couverture :
Un douar de l'Ouest algérien au tout début des années cinquante. Salim a cinq ans et découvre la vie. Dans la torpeur de l'été, le petit garçon s'éveille aux jeux de la sensualité. Il éprouve avec R'nia, la jeune bédouine, ses premières émotions. Mais son frère-ennemi, dévoré de jalousie, lui livre un combat sans merci. Seule l'entrée à l'école française laissera un peu de répit à Salim. De nouveaux horizons, illuminés par le sourire ravageur de sa cousine Maya, s'ouvrent à lui. Ne reste plus qu'à accomplir la cérémonie de sa circoncision, sans cesse différée, qui l'élèvera enfin au rang de mâle.
Dans toute sa candeur, Salim pose un regard sensible et drôle sur le monde des adultes. En témoignent ces chroniquent savoureuses d'une vie familiale simple, cruelle parfois. Au-delà de l'évocation de l'enfance, ce roman initiatique est aussi une radioscopie implacable des traditions et des valeurs d'une Algérie coloniale inattendue.
A propos de Djilali Bencheikh (source Elyzad):
Djilali Bencheikh est né en Algérie dans la vallée du Cheliff à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Après des études d’économie à Alger puis à Paris, il se tourne vers la vie associative, le journalisme et la littérature. Il est actuellement chef d’édition à la section française de Radio Orient (Paris) où il anime une chronique quotidienne de littérature intitulée « Au fil des pages ».
Il est l’auteur de Mon frère-ennemi (roman, éd. Séguier, Paris, 1999), Voyage au bord de l’enfance (nouvelles, éd. Paris-Méditerranée, 2000). Chez Elyzad sont parus Tes yeux bleus occupent mon esprit (2007 ; poche 2010) et Beyrouth Canicule (2010).
Djilali Bencheikh a reçu le prix Maghreb de l'Association des Ecrivains de langue française (Adelf) 2007 pour son roman Tes yeux bleus occupent mon esprit.
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« J’ai ouvert les yeux au monde dans une grande maison claire aux épais murs de pierre. »
Ainsi débute le récit autobiographique de ce petit garçon né dans un Douar de l’Algérie coloniale dans les années 50.
D’une écriture faussement naïve mais réellement harmonieuse, chaleureuse et drôle, Djilali Bencheikh nous raconte son enfance pauvre et heureuse, « Autour de la cour rectangulaire s’agençaient une demi-douzaine d’alvéoles où cohabitaient les bêtes et les humains. La khaïma, protégée par des sarments prometteurs, était la pièce essentielle de la maisonnée. Baptisée ainsi en réminiscence d’un ancien destin de nomades, elle abrite depuis toujours tous les actes de la vie quotidienne. »
Avec lui, nous découvrons les « Roumis », « peuple » détesté mais admiré quelque fois copié,
Ah, les Roumis ! « On leur prêtait des mœurs barbares, comme celles de manger de la chair animale non égorgée, de s’adonner à des libations et des beuveries qui les rendaient insensés et grossiers. Ils en venaient à ressembler à leurs cochons, ces sangliers domestiques dont ils affectionnaient les tripes. »
Ah les siestes trop longues en compagnie du frère-ennemi à faire un massacre de mouches !!! Ce frère-ennemi tant détesté et cette grande sœur Zahra, tant aimée, que l’on donne en pâture mariage à un citadin. « On est bel et bien entrain de vendre ma sœur. Pour un simple paquet de friandises. » La cérémonie du mariage où, tout est là pour ne pas décevoir la belle-famille qui arrive en « tomobiles » « Encadrés par les cavaliers, les deux engins foncent vers nous, et soulèvent un tourbillon de paille et de poussière en déclenchant une tonitruante complainte de sirènes. « Tomobiles, klaxouns », crient avec une frénésie de primates les plus avertis de la tribu. »
Que de questionnements sur cette fameuse « niqua ». R’nia, petite bergère bédouine saura lui faire quelques « leçons de chose » sur la « chose » en lui permettant de découvrir « sa figue ». Heureusement, le berger Hamel est également là pour lui donner des informations vitales et quelles informations !!! « Dans ce trou de forme évasée nommé soua, le mâle introduit chaque nuit son zeb dressé pour honorer sa femelle. Cette copulation ou niqua procure beaucoup de plaisir à l’homme. Pendant sa jouissance, il éjecte un liquide crémeux, une sorte de pipi doucereux nommé h’laoua. Ce liquide est versé dans le ventre de la femelle qui le conserve par-devers elle. Lorsqu’au bout d’une année son ventre est suffisamment plein de cette douceur, cela produit un bébé qui est pondu comme un veau ou un poulain. ». Et encore d’autres explications toutes aussi fleuries.
De par son jeune âge et jusqu’à la circoncision, l’enfant vit dans les jupes des femmes, surprend quelques poses lascives, s’enivre de leurs parfums, de leurs rires. Du côté des mâles, on ne rit pas, on parle politique, agriculture….
N’allez pas croire que c’est un petit roman comme tant d’autres sur l’enfance vue et interprétée par son auteur. Non, ce livre est plus profond. A travers cette balade dans l’enfance de l’auteur, j’ai découvert la vie au bled, la vie dans l’Algérie « profonde », les prémices de ce que nos politiques qualifieront « d’évènements ». C’est un condensé sur la culture maghrébine, « Cette identité tranquillement vécue en dépit du mépris roumi s’élargissait aux nues célestes du sacré. » comme peut la comprendre un petit garçon, à travers les dires d’un berger ignare. Petit enfant vif et doué, le « midicoule » saura l’apprivoiser.
Ce livre n’est pas sans me rappeler La compagnie des Tripolitaines de Kamal Ben Hameda. J’y ai trouvé la même douceur, la même chaleur, la même sensualité.
Je remercie et les Editions Elyzad dont je ne vanterai jamais assez les livres.
La collection Elyzad-poche est d’une très grande qualité. La couverture à rabat épaisse, avec ses décors orientaux, est un appel à la lecture. Quant à l’auteur, je ne peux que vous recommander de le découvrir. Je lirai avec le même plaisir le second opus « Tes yeux bleus occupent mon regard »
Je me souviens de mon enfance dans ces mêmes années, comment, nous, « de la ville », nous regardions les paysans qui vivaient à 3 ou 4 générations dans la même ferme …. Tout comme nous dénigraient ces petits « parigots tête de veau » !!!! Nous n’étions guère plus riches mais pas malheureux pour autant.
Quelques extraits :
« S’ils adoraient un Dieu, ce n’était sûrement pas le nôtre. Il ne leur aurait jamais permis de se prêter à des pratiques contre-nature. Comme cette repoussante manie de cracher dans un carré de tissu qu’ils rangeaient méticuleusement dans la poche, au lieu d’ s’éclaircir la gorge et le nez comme nous, à l’aire libre, en confiant à la terre le superflu des glandes salivaires ».
« De toute façon, chez nous, tous les plaisirs doivent d’abord apparaître comme une contrainte. Même devant les mets les plus succulents, il faut observer une affligeante retenue. Même si on en meurt d’envie, il faut décliner par pure forme et au moins trois fois, le fruit, le plat ou la friandise qu’on vous offre ».
« Hamel a dit que les hommes ne tombent pas amoureux. Des vrais mâles, rudes et virils, ne sauraient avoir la moindre faiblesse ni éprouver le moindre sentiment à l’égard des femmes. Au contraire, ce sont ces dernières qui doivent montrer leur soumission et leur reconnaissance à leur homme pour le remercier de bien vouloir les tolérer. Ce postulat de Hamel semble avoir quelque vraisemblance, à en juger par les relations entre mon père et ma mère ».