Wajdi Mouawad - Anima
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Anima
Wajdi Mouawad
Editions Actes Sud
387 pages
ISBN : 9782330012632
Je remercie qui a sélectionné ma candidature pour
entrer dans le panel "lecteur VIP" ainsi que les éditions
pour ce partenariat et ce très gros coup de coeur
Comment parler d’un tel monument. J’ai pris un coup de poing dans l’âme à le lire.
De retour à la maison, Wahhch retrouve sa femme morte, poignardée, la dépouille profanée d’une ignoble façon et c’est un doux euphémisme. Fou de douleur, Wahhch part à la recherche de son meurtrier, non pour le tuer mais pour le voir et être certain qu’il n’était pas, lui-même, le monstre. « Cet homme-là, si cela avait pu dépendre de sa volonté, aurait préféré confier sa raison à la démence au lieu d’être mesuré dans sa douleur comme il l’était » raconte le grand corbeau
Les animaux seront les grands témoins de cette fuite en avant et, tout à tour, se relaieront pour raconter l’histoire. Cette figure de style, ces voix hors champ servent de soupape de décompression tant, à certains moments, le livre côtoie l’insoutenable.
Dans les premier et second actes, le titre des chapitres, en latin, est celui de l’animal témoin. Nous croiserons toute une gente ailée, des insectes, des animaux domestiques, sauvages, nocturnes…. Au 3ème, les titres sont ceux des villes traversées ou celles qui sont importantes pour son histoire. Ces villes ont des consonances connues : Oran, Jerusalem, Thebes, Cairo… Il y a là une inversion car c’est un dialogue à deux voix, celle de Wahhch et celle du canis lupus lupus, ce loup devenu chien, qui l’a sauvé d’une mort certaine et de l’enfer. En effet, il va retrouver les témoins de sa prime enfance. Il y a un parallèle entre son sauvetage par le loup-chien et ce qui a déterminé le reste de sa vie.
Dans ce livre, nous passons de la guerre de sécession au martyr de Sabra et Chatila, des réserves indiennes à la Palestine, au Liban. Il faudra à Wahhch Debch traverser les Etats-Unis pour découvrir ce qui le hante, pour fermer les vannes des souvenirs, des questions et, surtout, comprendre. Il y trouvera des êtres immondes et violents, mais également des personnages qui le feront avancer, qui le soutiendront physiquement et moralement.
Wahhch Debch est parti à la recherche de son Anima. Il y a sûrement perdu une partie de son âme, mais il a trouvé la vérité. La route de cette vérité se termine à Animas, petit village au sud du Nouveau-Mexique pour mieux repartir vers d’autres territoires.
A certains moments, je ne pouvais plus quitter ce livre et, à d’autres, un ressort me sortait de ma chaise longue tant il fallait que je marche pour digérer ce que je venais de lire.
C’est vraiment une belle œuvre. « Le fleuve glissait dans son vêtement de khôl, la glace en plaques cadenassait sa puissance. Il était dans sa lenteur et nous dans sa fraîcheur » nous dit le goéland poète. Des phrases belles comme celle-ci, il y en a beaucoup dans ce livre que j’ai aimé car quelle écriture ! C’est un livre dur, quelque fois cruel mais jamais voyeur.
J’avais aimé sa pièce de théâtre « Rêves » jouée, entre autres, par Coline. Dans ce livre, il y a toujours l’urgence, la violence, la réalité, le surréalisme, le fait de passer par des « voix off », mais multiplié par 100 et une telle force dans l’écriture. Oui vraiment un gros coup de cœur.
Je ne suis pas certaine d’avoir réussi à vous parler convenablement de ce livre tant tout se bouscule en moi, mais je vous le recommande chaudement.
D'autres avis : Pierre, Loubhi, Parfums, sans
connivence
Quelques extraits
« Nous sommes perdus, toi et moi, mais toi plus que moi. Laisse-moi prier pour toi puisque tu es sans cette dans ton silence. Laisse-moi prier pour toi puisqu’il y a longtemps, lorsque nous avons été enterrés vivants, je n’avais rien su dire ni rien su faire pour consoler es semblables. Eux sont morts et m’ont sauvé. J’ai survécu à l’hécatombe »
« Les humains sont seuls. Malgré la pluie, malgré les animaux, malgré les fleurs et les arbres et le ciel et malgré le feu. Les humains restent au seuil. Ils ont reçu la pure verticalité en présent, et pourtant ils vont, leur existence durant, courbés sous un invisible poids » selon un commentaire du chimpanzé amateur de coca light.
« L’humain est un corridor étroit, il faut s’y engager pour espérer le rencontrer… L’humain et un corridor et tout humain pleure son ciel disparu. Un chien sait cela et c’est pour cela que son affection pour l’humain est infinie » propos philosophie d’un terrier Staffordshire belliqueux.
Une très belle chronique de Sarah Despoisse
4ème de couverture :
Lorsqu’il découvre le meurtre de sa femme, Wahhch Debch est tétanisé : il doit à tout prix savoir qui a fait ça, et qui donc si ce n’est pas lui ? Éperonné
par sa douleur, il se lance dans une irrémissible chasse à l’homme en suivant l’odeur sacrée, millénaire et animale du sang versé. Seul et abandonné par l’espérance, il s’embarque dans une
furieuse odyssée à travers l’Amérique, territoire de toutes les violences et de toutes les beautés. Les mémoires infernales qui sommeillent en lui, ensevelies dans les replis de son enfance, se
réveillent du nord au sud, au contact de l’humanité des uns et de la bestialité des autres. Pour lever le voile sur le mensonge de ses origines, Wahhch devra-t-il lâcher le chien de sa colère et
faire le sacrifice de son âme ?
Par son projet, par sa tenue, par son accomplissement, ce roman-Minotaure repousse les bornes de la littérature. Anima est une bête, à la foi
Biographie de Wajdi Mouawad : http://www.wajdimouawad.fr/wajdi-mouawad/biographie
Né en 1968, l’auteur, metteur en scène et comédien Wajdi Mouawad a passé son enfance au Liban, son adolescence en France et ses années de jeune adulte au Québec avant de vivre en France aujourd’hui.
C’est là qu’il fait ses études et obtient en 1991 le diplôme en interprétation de l’École nationale de théâtre du Canada à Montréal. Il codirige aussitôt avec la
comédienne Isabelle Leblanc sa première compagnie, Théâtre Ô Parleur.
En 2005, il créé les compagnies de création Abé Carré Cé Carré avec Emmanuel Schwartz au Québec et Au Carré de l’Hypoténuse
en France.
Parallèlement, il prend en 2000 la direction artistique du Théâtre de Quat ‘Sous à Montréal pour quatre saisons. Associé avec sa compagnie française à l'Espace Malraux, scène nationale de Chambéry et de la Savoie, de 2008 à 2010, il est en 2009 l’artiste associé de la 63ème édition du Festival d’Avignon, où il propose le quatuor Le Sang des Promesses. Depuis septembre 2007, il est directeur artistique du Théâtre français du Centre national des Arts d’Ottawa. En septembre 2011, il devient artiste associé au Grand T - Nantes.