Jesmyn Ward - Bois sauvage
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Bois sauvage
Jesmyn Ward
Traduction de Jean-Luc Piningre
Editions Belfond
340 pages
ISBN : 9782714453167
Un grand merci à Philisine et Comète qui ont fait voyager ce livre jusqueà moi
A « Bois Sauvage » une famille noire vit sans autre éducation que celle donnée, un peu par l’école, beaucoup par la vie ; Et la vie n’est pas tendre avec eux. Une mère morte trop jeune en accouchant du petit dernier, un père toujours ivre, des frères, des copains, des animaux…. tel est le quotidien d’Esch, jeune adolescente de 14 ans. Les copains à qui elle ne se refuse pas car il est « plus facile de laisser faire que de lui demander d’arrêter, plus facile de me faire prendre que de le repousser, plus facile que de l’entendre répéter : « Mais pourquoi » Me taire et accepter plutôt que répondre. » Et puis, il y a Manny qu’elle aime mais qui abuse de son corps sans lui rendre son amour…. Elle tombe enceinte !
N’allez pas penser qu’elle est malheureuse, perverse ; elle n’en a pas le temps, toujours à essayer de vivre. Ils forment un vrai clan, les frères et la sœur, un clan soudé avec quelques accrocs, mais toujours présents. La lecture d’un livre sur la mythologie est le seul refuge d’Esch.
Comme si cela ne suffisait pas, Katrina va arriver, le père le sent…… tout le monde doit travailler à consolider la misère jusqu’au dernier instant.
Le style de ce livre est heurté, la violence sourd de partout. Les phrases pètent, le vocabulaire est direct voire cru. Ce livre n’est pas misérabiliste pour autant ; Au détour des pages, il y a des moments de tendresse, de poésie, d’humanité. Esch est si attachante dans son animalité naïve et sa grande intelligence de la vie.
La quatrième de couverture compare Jesmyn Ward, entre autres grands littérateurs du sud, à Harper Lee. Je préfère nettement ce livre qui est plus animal, plus viscéral à « Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur ».
Pour toutes ces raisons, j’ai vraiment aimé ce livre. Jesmyn Ward a beaucoup de talent et je comprends qu’elle ait obtenu National Book Award en 2011. Un bon coup de cœur.
Quelques extraits :
« C’est rien comparé à ce qu’à souffert maman en accouchant de Junior. Comme nous, il a vu le jour dans la chambre des parents, au milieu de la clairière que son père a créée de ses mains avant de nous construire notre maison. On l’appelle maintenant la Fosse. J’avais huit ans, je suis la seule fille de la famille et j’avais rien pu faire. Papa dit que maman voulait pas qu’on l’aide, que Randall et moi étions sortis vite, sous l’ampoule nue au-dessus du lit, alors elle pensait que ça serait pareil avec Junior, mais elle se trompait. »
« Un cœur de fille qui se laissait prendre par les autres avant lui, parce qu’ils le voulaient, pas parce que je leur donnais. Je les laissais faire car pendant un moment j’étais Psyché, ou Eurydice ou Daphné ».
« Après que maman est morte, papa disait : « Mais qu’est-ce t’as à pleurer ? Arrête. C’est pas parce que tu pleures que ça va changer quelque chose ». On n’a jamais arrêté. On a fait plus doucement. On s’est cachés, c’est tout. J’ai appris à pleurer sans faire couler les larmes, ou juste une, des fois, j’ai appris à avaler, ça a un goût d’eau tiède, salées, elles me tombent au fon de la gorge. C’est tout ce qu’on pouvait faire. Alors j’avale, je regarde au travers et je cours. »
« Avant quand maman devait nous réveiller, elle nous mettait une main dans le dos. Elle nous sentait gigoter un peu, le temps qu’on sache que c’est le matin »
« J’ai essayé de lire ce matin, mais je me suis arrêtée au milieu de la quête pour la Toison d’or, à cause de Médée, qui pense plus qu’à Jason, le cœur embrasé, et les joues aussi, son malheur qui est un peu comme du bonheur. La déesse lui a donné le coup de foudre et elle avait plus le choix. »
4ème de couverture :
Quant à leur père, il tombe régulièrement dans la bière pour oublier qu’il est seul. Alors Esch se réfugie dans son livre favori, sur la mythologie grecque, et fait des rêves où sa mère prend les traits de Médée. Les journaux annoncent l’arrivée imminente d’une tempête. Habituée à la saison des ouragans, la famille fait ce qu’elle fait toujours : consolider la maison, rassembler de la nourriture, quitte à aller en chaparder aux alentours.
Mais cette tempête n’est pas comme les autres, elle se nomme Katrina, elle est la mère de tous les ouragans. Et sa violence est sans limites…
Biographie de Jesmyn Ward :
Jesmyn Ward, trente-cinq ans, est née à DeLisle, dans le Mississippi. Issue d'une famille nombreuse, elle est la première à bénéficier d'une bourse pour l'université. Son premier roman, Where the Line Bleeds, à paraître chez Belfond, lui a valu d'être remarquée par la critique américaine. Mais c'est avec Bois Sauvage qu'elle va connaître la reconnaissance internationale, en remportant, à la surprise générale, le National Book Award, récompense littéraire suprême aux Etats-Unis. Jesmyn Ward vit en Alabama.