Jérôme Ferrari - Le sermon sur la chute de Rome
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Le sermon sur la chute de Rome
Jérôme Ferrari
Editions Acte Sud
204 pages
ISBN :
Livre lu dans le cadre de l'opération "coups de coeur des lecteurs" et les éditions que je remercie pour ce délicieux moment de lecture.
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C’est sous un format PDF que je découvre ce livre. S’il fut un peu difficile de faire abstraction de ce format, j’avais l’impression d’avoir entre les mains un document de travail, (moi qui suis retraitée, c’est un comble !) mais une fois surmonté ce détail, j’ai laissé les mots de Jérôme Ferrari m’envahir.
Chronique familiale sur plusieurs générations ? Oui, mais pas seulement. Chronique sur l’impossibilité de vivre sa vie rêvée ou de rêver sa vraie vie ? Également. Chronique sur l’inéluctable fin des mondes ? Aussi. Il y a tout ceci dans « le sermon sur la chute de Rome » avec en plus et non des moindres, le style de l’auteur. Certaines descriptions sont superbes.
« Mais nous savons ceci : pour qu’une monde nouveau surgisse, il faut d’abord que meure un monde ancien. Et nous savons aussi que l’intervalle qui le sépare peut être infiniment cours ou au contraire si long que les hommes doivent apprendre pendant des dizaines d’années à vivre dans la désolation pou découvrir immanquablement qu’ils en sont incapables et qu’au bout du compte, ils n’ont pas vécu. »
Cette phrase résume la vie des protagonistes de cette histoire.
Nous sommes en Corse. Marcel, vieil homme aigri, égrène ses souvenirs lui qui n’a jamais pu réaliser son rêve de s’élever dans la société, ni fonder une famille. Il y eut toujours un obstacle insurmontable et il restera définitivement en marge de sa vie. Son retour au Pays n’est pas ce qu’il aurait voulu et il passe son temps à contempler une vieille photo sur laquelle il ne figure même pas. Le vide est sa vie, lui qui n’a pas su retenir sa jeune femme morte après avoir donné naissance à un fils qu’il a lâchement, mais non sans bon sens, abandonné à sa sœur Jeanne-Marie. Le souvenir de la scène avec la putain, crue et pleine de désespoir suivra Marcel comme une trace honteuse. C’est presque un résumé de sa vie, toujours cette honte qu’il traînera.
Par contre, il sera le coup de pouce et permettra à son petit-fils de revenir s’établir dans la Corse que ses parents, cousins germains, ont fui. Matthieu et Libero prennent un bar dans leur village. A partir de cet instant, à eux la belle vie avec des serveuses accortes, l’alcool coulant à flots….. Puis le livre s’enflamme et tout va crescendo jusqu’au coup de pistolet final.
Voici ce qu’ils étaient devenus, alcooliques, fêtards, je-m’en-foutismes, égoïstes, cyniques…la nuit de veillée du jeudi saint les dépeint très bien: « Ils étaient restés debout toute la nuit, au bar, pour ne pas avoir à se réveiller, ils s’étaient lavés les dents dans l’évier du comptoir, mâchaient maintenant des chewing-gums à la menthe fraîche pour que leurs haleines alcoolisées ne troublent pas la piété de cette nuit de deuil »
Matthieu croyait servir son rêve alors que, comme le dit sa sœur Aurélie « il demeurerait pour toujours la petite merde en laquelle il s’était métamorphosé en un temps record, avec un talent qui forçait l’admiration, elle était prête à le reconnaître et personne ne pourrait plus l’aider car il serait trop tard, et les jérémiades lui seraient interdites, comme le confort des regrets… »
Pour clore ce livre le sermon de Saint Augustin que Jérôme Ferrari nous rend si facile et agréable à lire. Il permet une focalisation sur la fin des mondes, la faillite des vies de Matthieu et Marcel, entres autres. Ce sermon garde toute sa modernité alors que, soi-disant, nous serions à la fin d’un monde.
Un livre fort, un style différent et peu banal avec, à certains moments, des phrases très longues, mais faciles à lire. Je n’avais pas de résumé, ne suis pas allée à sa recherche et ce fut, de bout en bout, une bonne découverte.
Quelques extraits :
« Matthieu avait froid, le recule du fusil lui meurtrissait l’épaule et son bonheur était parfait. »
« C’est ainsi qu’au om d’un avenir aussi inconsistant que la brume, il se privait de présent, comme il arrive si souvent, il est vrai, avec les hommes. »
D'autres avis : Jostein,Loubhi
4ème de couverture :
Biographie de Jérôme Ferrari (source even.fr)
Agrégé de philosophie, Jérôme Ferrari enseigne pendant plusieurs années sa discipline au lycée international d'Alger. Il débute une carrière d'écrivain en 2001 avec un recueil de nouvelles, Variété de la mort et un roman, Aleph Zero. Auteur à la plume corrosive, Jérôme Ferrari s'inspire de la Corse, son lieu de résidence (il enseigne dans un lycée d'Ajaccio), pour écrire Balco Atlantico, paru chez Actes Sud en 2008. Avec son cinquième roman, Un dieu un animal l'écrivain évoque la guerre et le monde de l'après 11-Septembre. Toujours chez Actes Sud, il publie en 2012 Le Sermon sur la chute de Rome.