Jeanne Benameur - Profanes
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4ème de couverture
Ancien chirurgien du cœur, il y a longtemps qu’Octave Lassalle ne sauve plus de vies. À quatre-vingt-dix ans, bien qu’il n’ait encore besoin de personne, Octave anticipe : il se compose une
“équipe”. Comme autour d’une table d’opération – mais cette fois-ci, c’est sa propre peau qu’il sauve. Il organise le découpage de ses jours et de ses nuits en quatre temps, confiés à quatre
“accompagnateurs” choisis avec soin. Chacun est porteur d’un élan de vie aussi fort que le sien, aussi fort retenu par des ombres et des blessures anciennes. Et chaque blessure est un écho.
Dans le geste ambitieux d’ouvrir le temps, cette improbable communauté tissée d’invisibles liens autour d’indicibles pertes acquiert, dans l’être ensemble, l’élan qu’il faut pour
continuer. Et dans le frottement de sa vie à d’autres vies, l’ex-docteur Lassalle va trouver un chemin.
Jeanne Benameur bâtit un édifice à la vie à la mort, un roman qui affirme un engagement farouche. Dans un monde où la complexité perd du terrain au bénéfice du manichéisme, elle investit
l’inépuisable et passionnant territoire du doute. Contre une galopante toute-puissance du dogme, Profanes fait le choix déterminé de la seule foi qui vaille : celle de l’homme en
l’homme.
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« Ils sont là, derrière la porte. Il ne faut pas que je rate mon entrée.
Maintenant que je les ai trouvés, tous les quatre, que je les ai rassemblés, il va falloir que je les réunisse. »
Voici résumé, dès la première ligne, ce beau roman.
Profane : ce qui est devant le temple, en dehors, livré au public, et par extension ; personne non initiée
Oui, c’est ce que ressentent ces quatre personnes devant Octave Lassalle, ancien chirurgien. Le vieil homme seul ne veut plus le rester et, à défaut
d’une famille qu’il n’a plus, désire s’entourer d’une équipe, un peu comme lorsqu’il opérait. Il a recruté 4 personnes dont les dénominatifs communs sont leur grande solitude et leur passé. Marc,
Hélène, Béatrice et Yolande vont se partager les journées dans la grande maison.
« J’ai retrouvé toute la rigueur, la passion d’être « au service » de quelque chose qui me dépasse, que je ne nomme toujours pas mais qui me tient. Toujours.
Chez les autres, c’est cela que j’ai flairé. C’est bien cela qu’ils ont en commun avec moi. »
Les règles sont très claires, chacun à sa chambre choisie par lui-même, possède les clés de la maison, aucune question sur le passé, pas de familiarité « J’appellerai chacun de quatre monsieur madame ou mademoiselle. Ils feront de même. Leurs prénoms, c’est pour mon jardin secret. »
« J’aime l’intime. Pas le familier. Ils m’appelleront monsieur. C’est dans la bonne distance qu’on peut aller loin et la bonne distance, elle commence avec des petits riens. J’y tiens »
Les bases installées, Il ne reste qu’à Octave Lassalle, tel un chef d’orchestre d’harmoniser son quatuor bancal.
Octave, athée, amoureux des haïkus et des portraits du Fayoum, n’a pas le recours de Dieu, comme son épouse, mais il a l’humain pour religion, la foi en l’autre. « Un profane aussi à le droit de douter. Le doute n’est pas réservé aux croyants. J‘ai besoin d’autres êtres humains, comme moi, doutant, s’égarant, pour m’approcher de ce que c’est que la vie. »
« Les miracles prennent leur source dans la capacité à être totalement présent, il en est sûr ».
Le doute est son meilleur ami/ennemi, mais sa foi en l’homme est sans limite : « Je suis un vieux fou. Dans cette maison c’est moi qui continue à croire envers et contre tout, qu’il y a quelque chose de plus fort que la mort, quelque chose de plus intéressant que la mort ».
Chacun se heurtera aux murs de la maison, se cherchera, puis regardera vers les autres. Page 132, tournant du livre, là j’ai arrêté ma lecture car je me sentais indiscrète dans cet instant partagé entre Béatrice et Octave. Petit à petit, chacun s’ouvrira tel un bouton de fleur.
La nuit où tout le monde a dormi dans la grande maison, j’ai su que je pouvais me délecter, me laisser aller dans le livre. C’est à partir de ce point d’orgue, que les nœuds, les cœurs, les corps ont commencé à se dénouer, où les mots espoir, espérance, ont un sens.
Octave, lui-même, blessé de la vie, trouvera, grâce à son quatuor, la force de faire face, d’oser franchir le pas vers la compréhension. Jeanne Benameur a su trouver des mots simples pour écrire ce livre si précieux où se côtoient la poésie, le sacré, l’humain, la vie. Un livre à ouvrir de temps en temps, un livre à faire du bien.
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