Jeanne Benameur - Les insurrections singulières
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Les insurrections singulières
Jeanne Benameur
Editions Actes Sud
197 pages
1er trimestre 2011
ISBN : 9782742795307
4ème de couverture :
Au seuil de la quarantaine, ouvrier au trajet atypique, décalé à l’usine comme parmi les siens, Antoine flotte dans sa peau et son identité, à la recherche d’une place dans le monde. Entre
vertiges d’une rupture amoureuse et limites du militantisme syndical face à la mondialisation, il lui faudra se risquer au plus profond de lui-même pour découvrir une force nouvelle, reprendre
les commandes de sa vie.
Parcours de lutte et de rébellion, plongée au cœur de l’héritage familial, aventure politique intime et chronique d’une rédemption amoureuse, Les Insurrections singulières est un roman
des corps en mouvement, un voyage initiatique qui nous entraîne jusqu’au Brésil.
Dans une prose sobre et attentive, au plus près de ses personnages, Jeanne Benameur signe une ode à l’élan de vivre, une invitation à chercher sa liberté dans la communauté des hommes, à prendre
son destin à bras-le-corps. Parce que les révolutions sont d’abord intérieures. Et parce que “on n’a pas l’éternité devant nous. Juste la vie”.
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Antoine se souvient de son désir de fuite lorsqu’il était petit garçon. Ce désir d’être ailleurs ne l’a jamais quitté. Son père ouvrier à l’usine, sa mère qui reste à la maison ; il va aller d’essais en essais, de la fac à l’usine qui, pour lui, lui est destinée. Toujours entre deux rêves, entre deux chaises, jamais bien à sa place, enfermé par des mots qui ne peuvent sortir. Mais comment faire sortir cette colère, cette clameur. Et puis, il y eût Karima, il aimait tant la caresser mais son amour le quitte et le revoici à la case départ, chez ses parents « je suis ici depuis huit jours. A nouveau dans la maison de mes parents. Revenu ». Il se souvient, le syndicalisme, le radicalisme pour épater son amour. . « Certains m’ont dit. Bien sûr toi t’as rien à perdre, pas de femme pas d’enfants, tu peux te permettre de gueuler ! Eh bien il faut en profiter, hein ! Je peux me permettre ? Je me permets ! Ils ne comprenaient pas mais moi l’ardeur de Karima avait réveillé ma rage. »
Au fil de ses rencontres, il commence à apercevoir quelque chose, de comprendre. « Je me suis perdu et Karima n’y pouvait rien. Elle m’a fait tenir plus longtemps, c’est tout. Cette nuit, je commence juste à comprendre. Et ça fait mal.» L’usine croqueuse d’hommes se personnalise et devient Lusine. Oui Lusine que l’on va délocaliser au Brésil à Monlevade. Il part avec Marcel pour cette ville dont le nom vient de Jean de Monlevade, un ingénieur français du 19ème siècle. Un voyage initiatique qui lui permet de sortir de lui-même, de trouver les mots, de retrouver son corps, de savoir bouger, de renaître, de se retrouver. Là-bas, il rencontrera non pas ceux qui vont manger son pain, mais des hommes heureux de travailler, mais la délocalisation les guette.
Jeanne Benameur est une conteuse de la vie, de la vie familiale, de ce petit monde des ouvriers, des prolos. Elle a su nous faire partager l’inquiétude (mot faible) des ouvriers français pour cette mondialisation soi-disant indispensable ou la globalisation des brésiliens qui leur semblent si lointaine et pourtant si proche.
Dans ce livre, Jeanne Benameur est le peintre de la difficulté d’être, de vivre dans ce monde de performance. Sa palette se fait poétique pour parler de l’ordinaire, se fait coupante lorsqu’elle parle des globalisations, se fait humaine lorsqu’elle modèle ses héros.
Un très bon livre que je vous recommande. C’est le second ouvrage de Jeanne Bénameur que je lis et ce ne sera pas le dernier !
Quelques extraits :
La voix de Frank ne lui ressemblait plus. Ils se foutent bien de notre gueule, il disait, tiens ! et qu’est-ce qu’on va leur dire à nos enfants, ils y pensent des fois ? On va leur dire de travailler à l’école ? de faire des efforts comme nous ? comme des moins que rien ? On peut plus leur dire de faire comme nous, à nos gosses. On n’est plus des exemples pour eux, ah non ! Alors on est quoi ?
Les paroles en friche dans ma tête. Celles de l’usine, celles de Karima. Je ne sais pas quoi faire de tous ces mots. Ils ne me quittent plus
Les autres, tant que toi, tu n’es as vraiment dans ta vie, eh bien tu crois que tu fais des choses pour eux mais c’est tripette, mon gars… tu te cours après à travers eux et tu te rattrapes jamais… alors crois-moins s’arrêter, traverser le temps mort, ça vaut le coup…
Parce que les révolutions sont d'abord intérieures. Et parce qu'on n'a pas l'éternité devant nous. Juste la vie."