Claudie Gallay - L'amour est une île
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C'est une saison singulière pour Avignon et les amoureux du théâtre : la grève des intermittents paralyse le festival. Un à un les spectacles sont annulés. Les visiteurs déambulent sous un soleil de plomb, à la recherche des rares lieux où joueront quand même quelques comédiens. Comme Mathilde, dite la jogar : devenue célèbre depuis qu'elle a quitté Avignon, elle est enfin de retour dans cette ville où elle a grandi, et pour un rôle magnifique. L'homme qu'elle a tant aimé, et qui l'a tant aimée, Odon Schnadel, a appris sa présence par la rumeur. Lui-même vit ici en permanence, entre sa péniche sur le fleuve et le petit théâtre qu'il dirige. Cette année-là, avec sa compagnie, Odon a pris tous les risques. Il met en scène une pièce d'un auteur inconnu, mort clans des circonstances équivoques : un certain Paul Selliès dont la jeune sœur Marie - une écorchée vive - vient elle aussi d'arriver à Avignon, un peu perdue, pleine d'espérances confuses... ou de questions insidieuses. Car autour de l'œuvre de Paul Selliès plane un mystère que ces personnages dissimulent ou au contraire effleurent, parfois sans faire exprès, souvent clans la souffrance. Plongée au cœur des passions, des rêves et des mensonges, des retrouvailles sans lendemain, des bonheurs en forme de souvenirs, des amours que l'on quitte, des îles qu'on laisse derrière soi, le nouveau roman de Claudie Gallay noue et dénoue les silences d'un été lourd de secrets.
Née en 1961, Claudie Gallay vit dans le Vaucluse. Elle a publié aux éditions du Rouergue L'Office des vivants (2000 , Babel n 944), Mon amour, ma vie (2002 ; Babel J, 2008 , Babel n 991, 2010), Les Années cerises (2004), Seule Venise (2004, prix Folies d'encre et prix du. Salon d'Ambronay; Babel n 725), Dans l'or du temps (2006; Bahel n 874) et Les Déferlantes (2008), qui a reçu le Prix des lectrices de Elle et fera prochainement l'objet d'une adaptation cinématographique.
Le décor est posé : Avignon, au pire moment de sa vie de festival : l’année de la grève du « in » et le « off » qui balance entre ouverture - fermeture. Les intermittents du spectacle font grève, défilent, se consultent, se réunissent…. Tiens, un petit air de 68 !!!! La chaleur écrasante et le mistral ajoutent ce qu’il faut de folie. Le théâtre du Chien-Fou dirigé par un certain Odobn Schnadel. Pardon, j’allais oublier : la péniche de Schnadel amarrée le long du Rhône, seul espace « en dehors ». Unité de temps, unité de lieu, tout est en place, la représentation peut commencer, sans risque de grève tant Claudie Gallay sait nous faire vibrer.
Passons aux personnages principaux. Marie débarque à Avignon, gamine paumée, pour assister à la représentation d’une pièce de Paul Selliès, son frère mort de façon tragique et, surtout, retrouver Odon afin de régler ses comptes. En effet, Paul lui avait envoyé un manuscrit et avait attendu, en vain, une réponse. Mathilde, grand amour et ancienne maîtresse de Odon, devenue grande interprète sous le nom de La Jogar revient sur les lieux où elle a vécu et rencontré Odon. Isabelle, qui hébergera Marie, mémoire vivante du Festival . La fille d’Odon, Julie, comédienne sans trop de talent, joue la fameuse et seconde pièce du frère de Marie.
Tout ce petit monde va se croiser, se défier, s’aimer, se déchirer. Beaucoup de violence que ce soit les scarifications que s’inflige Marie, l’amour entre Odon et la Jogar, les manifestations des intermittents et leurs irruptions dans les théâtres non grévistes.
Comme dans d’autres romans lus, il y a une ancre à laquelle l’on s’accroche. Ici, c’est Isabelle « l’âme » du festival. C’est chez elle que chacun va se confier, respirer, faire une pause ou se confier.
Par son écriture nerveuse, des chapitres courts, voire très courts, Claudie Gallay nous enserre dans ces petits drames, ces passions et dévoile petit à petit, les fils qui relient chacun et chacune, la face cachée derrière les paillettes.
Un très beau roman qui, tout comme les Déferlantes, est un réel coup de cœur.