Zora Neale Hurston - Mais leurs yeux dardaient sur Dieu
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Mais leurs yeux dardaient sur Dieu
Zora Neale Hurston
Traduction Sika Falambi
Editions Zulma
Janvier 2020
256 pages
ISBN 978-2-84304-932-3
4ème de couverture :
Eatonville, Floride. Janie Mae Crawford est de retour. Il lui aura fallu trois existences et trois mariages – avec le vieux Logan Killicks et ses sentiments trop frustes, avec le fringant Joe Starks et ses ambitions politiques dévorantes, avec Tea Cake enfin, promesse d’égalité dans un élan d’amour – pour toucher l’horizon de son rêve d’émancipation et de liberté. Fierté intacte, elle revient et se raconte, seigneur des mots et des moindres choses… Portrait d’une femme entière animée par la force de son innocence, esprit libre bravant la rumeur du monde, Mais leurs yeux dardaient sur Dieu est un monument de la littérature américaine, aussi percutant aujourd’hui que lors de sa parution aux États-Unis en 1937. C’est un roman culte. Et c’est un immense chef-d’œuvre.
« J’aime ce roman comme aucun autre. » Zadie Smith « Le plus beau roman d’amour de tous les temps. » Oprah Winfrey
L’autrice (site de la maison d’édtion)
Romancière et anthropologue, nouvelliste, essayiste et dramaturge, née en 1891 en Alabama, Zora Neale Hurston est l’une des figures de proue du mouvement Harlem Renaissance. Redécouverte par Alice Walker, Zora Neale Hurston est sans conteste l’une des voix les plus vivantes et inventives de la littérature américaine. Pionnière flamboyante et iconoclaste, adulée de ses lecteurs, revendiquée aussi bien par Maya Angelou, Zadie Smith ou Paul Beatty, elle est, selon Toni Morrison, « l’un des plus grands écrivains de notre époque ».
Mais leurs yeux dardaient sur Dieu livre ici toute sa mesure dans une traduction inédite, magistrale, de Sika Fakambi (lauréate des prix Baudelaire et Laure Bataillon).
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« Les femmes, elles oublient tout ce dont elles ne veulent pas se souvenir et se souvienne de tout ce qu’elles ne veulent pas oublier. Le rêve est leur vérité. En conséquence de quoi elles agissent, font ce qu’elles ont à faire ».
Janie est de retour après trois années passées avec Tea Cake, peut-être le seul homme qu’elle a aimé.
Les rumeurs vont bon train d’autant qu’elle est vêtue d’une salopette ce qui n’est évidemment pas une toilette pour une dame de son rang. Bien entendu, elle revient parce que Tea Cake, plus jeune qu’elle, lui a bouffé toutes ses économies... « Fait quoi encore à s’enrevenir ici dans sa spèce de salopette ? Peut pas trouver une robe à se mettre ? -L’est o* la robe en satin bleu qu’elle avait au dos en partant ? Et les sous de son mari qu’il a massés et cassé sa pipe et tout laisse pour elle ? – C’est quoi cette vieille qu’a passé quarante ans avec ses cheveux qui swinguent dans son dos comme une jeunette ? – L’a laissé où son tout jeunot de bougue qu’elle est partie d’ici avec ?– Devait pas le marier qu’on disait ? – Te parie ça qu’y a filé avec une de ces gal si tant jeunette qu’elle a même pas aucun poil – Peut donc pas se tenir à sa place ? »
Ce sont toutes ces gentillesses qu’elle entend en passant devant les commères assises sous la véranda à la regarder. C’est qu’il y en a de la jalousie accumulée !! Janie si belle avec ses cheveux qui faisait tourner les têtes des hommes et fâcher leurs femmes ! Et puis son mari, puissant beau… Même maintenant « les hommes remarquèrent son postérieur ferme comme une paire de pamplemousses bien calés dans les poches arrière ; la longue corde de cheveux noirs qui se balançait jusqu’à la taille… et puis, les seins pugnaces s’échinant à percer sa chemise ».
Oui, Janie est belle mais, surtout indépendante et ne pleure pas sur son sort. C’est le plus gros reproche que chacun peut lui faire.
Alors, pour arrêter toutes ces langues de vipère, elle raconte toute sa vie à son amie Pheoby, à elle de transmettre si elle le désire… Une vie à écrire un livre
Elle est élevée par sa grand-mère, ancienne esclave, qui a eu une fille de son « maître » qui violée lui laisse Janie. Elle l’a élevée comme elle a pu avec tout son amour et ses craintes, la marie au vieux Killicks, frustre et pas trop intelligent alors que Janie a été à l’école. Première grosse déception, l’amour n’a pas fleuri une fois mariée comme elle le pensait. Janie se sauve en Floride avec le bel ambitieux de Joe Starks. Un visionnaire qui a pris ses leçons chez les blancs et rejoint Eatonville construit par et pour des noirs, en prend la tête. Il construit la première épicerie. Janie est à la caisse. Joe est très ambitieux, jaloux au point que Janie doit mettre un foulard lorsqu’elle est au magasin, Joe ne supporte pas les yeux des mâles sur sa chevelure, il veut modeler son épouse qu’elle soit toujours bien habillée, qu’elle ne se mêle pas aux conversations des hommes sur la véranda… Bref comme une joli poupée blanche ! L’amour ne résiste pas à l’appropriation et à la soumission. Joe décède dans son lit et le premier acte de Janie est d’enlever le foulard, laissant enfin libre sa chevelure.
Arrive Tea Cake, fini les apparences, ils partagent tout et Tea Cake que l’argent ne fait pas rêver, laisse dormir l’héritage à la banque. Je crois que ce furent les plus belles années de Janie. Bien sûr, avec Tea Cake, elle ne tient plus le haut du pavé, mais elle s’en moque comme de sa première chemise, ils s’aiment, ils sont heureux… Jusque ce que la morsure d’un chien enrage décide de la suite.
Zora Neale Hurston ne fait pas que raconter la vie de Janie, elle la fait vivre avec son entourage humain et paysager., les Everglades, la Floride, l’ouragan dévastateur avec une très grande maîtrise Elle ose écrire comme eux parlent en cette Amérique ségrégationniste des années trente. Cette langue Sika Fakambi l’a particulièrement bien traduite et lui restitue toute sa couleur, sa puissance. Bien sûr, il ne faut pas se mentir, il me fut un peu difficile d’entrer dans le texte, mais une fois habituée, la palette s’est enrichie et que cette lecture fut belle et agréable.
J’écoute l’esclavagisme qui n’est pas si loin, l’ostracisme envers les noirs, la misère, je vois la joie, le bonheur… le désir de Janie de vivre comme elle veut "Moi j'ai eu fini de vivre dans la manière de Grandma, et maintenant j'ai idée de vivre dans ma manière à moi."
Merci aux éditions Zulma d’avoir traduit et édité ce grand monument de la littérature américaine écrit en 1937 !
Une pépite qui dormait depuis sa sortie en 2020 dans ma « bibliothèque à lire »
Vous l’avez compris un gros coup de coeur.
« Elle a pas tué aucun blanc, non ? Alors si longtemps qu’elle va pas tuer un homme blanc elle peut continuer à tuer tout plein de nègues comme ça lui plaît.
- Ouais, les femmes nègres elles peuvent tuer tous les hommes qu’elles ont envie, mais toi t’as pas intérêt à tuer l’un d’entre eux autres. Les blancs y vont te prendre pour sûr certain si tu fais ça. »
Tu sais, chère, nous autres les personnes de couleur on est rien que des branches sans racines et ça fait que les choses elles nous arrivent toutes croches de même.
Moi chuis née en esclavage y a un boutte et c'était pas pour moi d'accomplir mes rêves des choses qu'une femme elle doit être et faire. ça c'est un des empêchements de l'esclavage