Emilienne Malfatto, Rafael Roa - L'absence st une femme aux cheveux noirs
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L’absence est une femme aux cheveux noirs
Avril 2024
192 pages
ISBN : 9782364687738
4ème de couverture :
C’est un pays qui veut et qui ne veut pas se souvenir. Ce sont les fantômes de la dictature et les noyés d’un fleuve mensonger. C’est la recherche d’une forme de vérité et d’une mémoire fuyante dans les rues de Buenos Aires et dans les villes argentines où trente mille personnes ont disparu lors de la dernière dictature (1976-1983), et où des centaines d’enfants furent volés par les militaires pour éradiquer le “gène rouge”.
Quarante ans après le retour de la démocratie, dans un pays qui vient de voter contre lui-même, il manque encore des gens en Argentine. Les disparus le sont toujours. Les familles attendent. Certaines personnes ignorent qui elles sont réellement. Dans ce flou permanent, une femme, la narratrice, cherche à percevoir des fragments de cette mémoire voilée et volée sur une terre où, peut‑être, s’est jouée une partie de sa propre histoire familiale.
L’absence est une femme aux cheveux noirs est fait d’images de flou et d’ombres, des photographies comme des éclairs de songes, et un texte fragmenté, comme des trous de mémoire, comme un monologue qui parfois s’emballe et devient fou. Et où, pourtant, tout est vrai.
Une déambulation littéraire et visuelle puissante, où les stigmates du passé se réveillent au contact d’un présent terrible.
Les auteurs (site de la maison d’édition)
Emilienne Malfatto :
Photographe, romancière et journaliste – un temps reporter de guerre. En 2021, elle a reçu le prix Goncourt du premier roman pour Que sur toi se lamente le Tigre (Elyzad), et le prix Albert-Londres pour Les serpents viendront pour toi : une histoire colombienne (Les Arènes). Son dernier roman, Le colonel ne dort pas a paru aux Éditions du sous-sol en 2022 (J’ai lu, 2024).
Rafael Roa est né en Colombie, il est photographe et réalisateur. Il a travaillé sur le conflit armé colombien et la question de la mémoire familiale. Son travail en Argentine s’inscrit dans la continuité de cette trajectoire, avec une photographie sensible et évocatrice, un regard résolument singulier.
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« C’est une ville étrange où il faut savoir où on va.
J’ai posé la question l’autre soir au chauffeur du bus 29 ce bus que j’attends en face du grand parc où on torturait en technique. »
« C’est un pays qui ment qui ne veut pas se souvenir
Une ville de mensonges
Buenos Aires aux longues avenues aux relents
humides…
C’est un pays étrange où il manque des gens
c’est comme ça
comment le dire autrement
il en manque quelques milliers
on les a emmenés et ils ne sont jamais revenus
Et quelque part
une femme teint ses cheveux de noir
pour garder le même visage
pour que le frère disparu puisse la reconnaître
dans la foule
si un jour il revient. »
Un livre beau et terrible ; Emilienne Malfatto revient sur les années où Videla, le dictateur, règne sur l’Argentine.
Ce geste de teindre ses cheveux est à la fois un signe d’espoir et de désespoir, pourvu qu’il me reconnaisse lorsqu’il reviendra, Mais...
Tous ces gens qui ne veulent pas se souvenir, je ne dis pas qu’ils ont oublié, non, mais ils ne veulent pas se souvenir « Monsieur que faisiez-vous en 76 le 24 mars ». Tous ces gens qui vivaient en face ou à côté des lieux de torture, n’entendaient-ils rien ? Comment oublier, comment de ne pas parler ?
Les femmes enceintes gauchistes ou supposées étaient enfermées jusqu’à l’accouchement et le nouveau-né donné à des familles n’ayant pas le « gène rouge », leur propre famille ou des éléments « purs ». Les enfants de cette tragique période se posent-ils la question de savoir si ils vivent avec leurs parents biologiques ou pas ? Ils sont environ 500 enlevés à l’amour de leurs parents « Après il fallait laver le sol, peut-être leur laissait-on leur nourrisson quelques heures, quelques jours, et puis pour elles rapidement le transfert, les jeunes mères aux chairs déchirées lancées dans le ciel, le grand saut comme les autres, faites-moi disparaître tout ça, les mères au fond du fleuve, comme des Moïse à l'envers, et les enfants sauvés des eaux du péril rouge, et les bourreaux contents. Et pour l'enfant, une nouvelle vie, vie de mensonge et d'éducation comme il faut, loin de la subversion ».Les mères et grand mères qu’ils appellent les folles de la place de Mai tournent pour que l’on n’oublie pas leurs disparus, certaines disparaîtront à leur
N’importe qui pouvait disparaître du jour au lendemain, à tout jamais, peut-être balancés d’un avion dans les profondeurs de l’Océan « Los desaparecian »
En 1983, le retour de la démocratie, les procès retentissants n’y font rien. Tant d’années de dictature a mouillé politiques, armée, police et autres. Alors, oui, ils ne veulent pas se souvenir, se veulent blanchis par l’oubli et le non-dévoilé, comme souvent après des exactions commises et ceci est valable pour tous les pays.
« Que faisait-il celui-là pendant la dictatures
De quel côté était-il. Sait-il quelque chose
A-t-il vu quelque chose. »
Emilienne Malfatto alterne poésie en vers libres et prose. Son écriture poétique rend plus horrible les sévices, morts, tortures commises du temps de la dictature. Les photos de Rafael Roa ; sépia foncé, floues, quelques fois très contrastées ajoutent à l’horreur.
Un livre que j’ai été obligée de lâcher quelques fois. Pourtant un coup de cœur, un coup de poing au cœur. Un livre à mettre dans les mains de certain(e)s.
Merci à mes libraires préférées pour cette proposition superbement déchirante.
Emilienne Malfatto m’a déjà conquise avec le terrible Que sur toi se lamente le tigre