Gaëlle Josse - La nuit des pères
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La nuit des pères
Gaëlle Josse
Editions Notabilia
Août 2022
192pages
ISBN : 9782882507488
4ème de couverture :
« Tu ne seras jamais aimée de personne. Tu m'as dit ça, un jour, mon père. Tu vas rater ta vie. Tu m'as dit ça, aussi.
De toutes mes forces, j'ai voulu faire mentir ta malédiction. »
Appelée par son frère Olivier, Isabelle rejoint le village des Alpes où ils sont nés. La santé de leur père, ancien guide de montagne, décline, il entre dans les brumes de l'oubli.
Après de longues années d'absence, elle appréhende ce retour. C’est l'ultime possibilité, peut-être, de comprendre qui était ce père si destructeur, si difficile à aimer.
Entre eux trois, pendant quelques jours, l'histoire familiale va se nouer et se dénouer.
Sur eux, comme le vol des aigles au-dessus des sommets que ce père aimait par-dessus tout, plane l’ombre de la grande Histoire, du poison qu’elle infuse dans le sang par-delà les générations murées dans le silence.
Les voix de cette famille meurtrie se succèdent pour dire l’ambivalence des sentiments filiaux et les violences invisibles, ces déchirures qui poursuivent un homme jusqu'à son crépuscule.
Avec ce texte à vif, Gaëlle Josse nous livre un roman d'une rare intensité, qui interroge nos choix, nos fragilités, et le cours de nos vies.
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« A l’ombre de ta colère, mon père, je suis née,j’ai vécu et j’ai fui .
Aujourd’hui, me voici de retour. J’arrive et je suis nue, Seule et les mains vides. »
Isabelle retourne dans son village suite au message de son frère Olivier. Il faut qu’elle revienne, leur père, octogénaire, malade, perd la mémoire "Ce serait bien que tu viennes, depuis le temps. Il faut qu'on parle de papa".
Le voyage en train est une lente et douloureuse remontée de souvenirs douloureux avec ce père mal aimant ou ne sachant pas l’aimer « Tu ne seras jamais aimée de personne » ou « Tu vas rater ta vie. » Ces phrases reste ancrées en elle même maintenant après des années d’exil.
Le village, les montagnes, elle les a fui pour ne pas se perdre, être engloutie. "C'était ça ou mourir étouffée, enterrée vivante sous tes emportements, cernée de montagne, loin du monde que je désirais tant découvrir." Documentariste dans le domaine sous-marin, elle porte le deuil et la culpabilité de la mort de son compagnon.
Pendant quatre jours, Isabelle parle de la relation avec son père, son frère, sa mère qui a servi de tampon entre les enfants et le père. « Notre père n’a pas été facile ou l’avons craint, nous l’avons haï aussi, il a fallu toute la patience de notre mère pour toujours s’interposer, éviter le choc frontal, le conflit ouvert, le geste malheureux, le mot qui ne se rattrape pas et ne se répare pas. »
Pourquoi cet homme ne pense t-il qu’à accompagner de parfaits inconnus dans les montagnes, être aimable avec eux alors qu’il n’est que colère, irascibilité, mépris lorsqu’il est à la maison ?
Il aura fallu ce gros pépin de santé, la perte de la mémoire que le fin de mot apparaisse, que ce père multiple se dévoile pour devenir unique
Le livre fait des allers et retours entre le passé et le présent permettant d’intégrer le trio, de suivre l’effritement de la mémoire du père, les souvenirs d’Isabelle affluer à chaque instant dans la maison familiale. Peut-être la paix est-elle au bout de la rue. Il faut aussi retrouver le lien entre frère et sœur distendu par le départ d’isabelle. Olivier, lui a choisi de rester au pays. Devenu kiné, il s’est occupé du père. ils n’ont pas la même relation au père. Olivier a eu la chance d’aller avec lui en montagne, de partager ce moment paisible alors que la sœur était rejetée.
J’aime ce livre court où aucun mot, aucune phrase n’est inutile. L’histoire se déroule, tout en retenue, pudeur et où l’amour se faufile malgré le passé. Gaëlle Josse sait trouver les mots justes, j'aime cette autrice