Antoine Wauters - Nos mères

Nos mères Antoine Wauters

Editions Folio

Février 2022

192 pages

ISBN : 9782072903922

 

4ème de couverture :

« Ne voulant pas nous voir souffrir, ni nous montrer qu’elles souffrent, elles nous retirent ni plus ni moins du monde, nos mères, elles nous coupent l’horizon. »

Un enfant et sa mère vivent sur une colline, dans un pays du Proche-Orient. Alors que la guerre a emporté le père, ils voudraient se blottir l’un contre l’autre, s’aimer et se le dire. Mais la mère, terrifiée à l’idée de perdre son fils, l’a caché dans le grenier. Pour tromper l’ennui, le garçon s’évade dans des rêveries, des jeux solitaires. Quand les combats reprennent, il est envoyé en Europe où une autre femme l’attend, convaincue qu’il l’aidera à vaincre ses propres fantômes.

Ce roman, cruel et tendre à la fois, est avant tout le formidable cri d’un enfant qui, à l’étouffement qui le menace, oppose un désir farouche de vivre.

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«Enfant, quand je faisais référence à toi dans les histoires que j'inventais pour me tenir compagnie, je ne disais jamais maman, ni ma mère, mais bien plutôt nos mères. Comme si j'étais plusieurs enfants et toi plusieurs mères à la fois, et comme si tout ce que je souhaitais finalement c'était ça : diluer nos souffrances en fragmentant nos vies.». Cet exergue de Jean Charbel est un superbe résumé de ce très bon livre.

Jean et sa mère vivent dans un pays en guerre, peut-être le Liban. Le père est mort, assassiné par une milice. La mère ne s’en remet pas et par peur qu’il n’arrive la même chose à son fils, le cache dans le grenier-grotte, encore appelé par Jean « taupinière » ou « cage de Faraday ». Le grand-père, juste en-dessous, se meurt petit-à-petit.

Le début du livre est déroutant car l’enfant parle de mères au pluriel, nos mères, ne dit jamais maman. Je suppose donc qu’il y a plusieurs enfants. « elles racontent l’épisode de la mort de l’homme de leur vie… Mort dans la boue des poussières d’obus disent-elle. » Plusieurs mères et qu’un seul mari mort. Or Il n’est question que de Jean, l’enfant, jamais des autres.

Des mères de fiction, des copains inventés, l’imagination de Jean tente de combler le vide du père, de la peur de cette guerre dont il entend les bruits, de la solitude dans ce grenier. Cette famille imaginaire lui permet de tenir et de ne pas devenir fou.

Il faut du temps pour tenter de saisir, de s’approprier cette démultiplication ou cette multiplication tant ce récit pluriel surprend, alors que la mère ne s’adresse toujours qu’à Jean. Il faut bien tout cela pour supporter le fond sonore fait de tirs de mitraillettes et autres M16. Alors, il convoque Charbel (voir l’incipit) Mokhtar, Tarek, Pierre, Abdel Salam , Tarek, Joseph, Charles, Nizar, Maroun et Abdel Salam, sans oublier la jeune Luc à qui il confie son amour, sa détresse. Dehors, ce ne sont que « TATATATA ! PAN ! TATATATA ! » « TATATATA – genre chapelet de balles de kalachnikovs ou de M16 ».

La mère est prête à tout pour sauver son fils, même à l’envoyer, « dans ce petit village d’Europe encore plus minuscule que le nôtre, et tellement pluvieux, plus froid. » . Là, il est accueilli par Sophie qui se révèle avoir une belle série de casseroles dans le dos et qu’il ne faut pas compter sur un débordement de tendresse de sa part. Sophie, de plus en plus dépressive, espère régler ses propres comptes avec la béquille que représente le garçon. « J’ai parfois peur de ne pas y arriver, bonhomme. De ne pas être à la hauteur. Tu comprends ? Tu saisis ? Des angoisses, des cauchemar. J’ai peur que ce soit trop dur ». Au début, cette femme, matérialisation de sa séparation d’avec sa mère, il la hait et, petit-à-petit il va l’aimer et même l’appeler maman. Pour ne pas sombrer, il va essayer de comprendre pourquoi « sa maman » se comporte ainsi, pourquoi, elle ne peut l’aimer comme elle le voudrait.

Heureusement, il y a Alice et un amour partagé qui lui fait supporter Sophie et sa dépression.

Un superbe livre où Antoine Wauters raconte les souffrances faites aux enfants, que ce soit par la guerre ou l’inceste. Dans la première partie, l’écriture est des plus tonique, quelque fois drôle. L’enfance a cela de bon, de pouvoir trouver un chemin pour ne pas sombrer, même si les dégâts dus à la guerre sont et seront présents en lui. L’écriture et peut être une aide pour surmonter le traumatisme, tout comme le fait de s’intéresser à sa mère adoptive, tenter de la comprendre sauve Jean de la folie de l’abandon, et puis, se souvenir des belles choses, n’est-il pas également une aide ? La musique, en particulier Bach et Verdi participe aux souvenirs heureux. La résilience est là jusque dans les beaux et doux souvenirs de son père, de sa mère, de leur amour. La vie, la vie, la vie est plus forte.

Un gros coup de cœur

 

 


 

 

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V
hum, un coup de coeur, ça ne me laisse pas indifférente ! Hélas, ma bibli ne le connaît pas ...
Répondre
Z
Il vient de sortir en poche
A
De l'auteur, j'avais adoré Mahmoud ou la montée des eaux. Ce que tu dis de ce roman me tente énormément.
Répondre
Z
Il est en livre de poche. Lis-le, je suis certaine qu'il te plaira
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