MorganAudic - De bonnes raisons de mourir
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De bonnes raisons de mourir
Morgan Audic
Le Livre de Poche
600 pages
Date de parution:
17/06/2020
ISBN : 9782253241591
4ème de couverture :
À Pripiat, ancienne ville soviétique confinée dans la zone d’exclusion à proximité de Tchernobyl, un cadavre atrocement mutilé est retrouvé suspendu à la façade d’un bâtiment. Deux hommes aux motivations divergentes, Joseph Melnyk, policier ukrainien animé par le sens de la justice et du devoir, et Alexandre Rybalko, flic russe recruté par le père de la victime, mènent chacun leur enquête. Alors que tout relie le crime à un double homicide perpétré en 1986, la nuit où la centrale a explosé, ils doivent affronter un tueur fou qui signe ses meurtres d’une hirondelle empaillée.
Morgan Audic livre un thriller époustouflant dans une Ukraine disloquée où se mêlent conflits armés, effondrement économique et revendications écologiques.
L’auteur (site de la maison d’édition) :
Né en 1980 à Saint-Malo, Morgan Audic a grandi à Cancale. Enseignant d’histoire et de géographie dans un lycée de Rennes depuis plus de dix ans, il est l'auteur de Trop de morts au pays des merveilles et de De Bonnes raisons de mourir.
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Une hirondelle ne fait pas le printemps !
« « C’est vraiment le pire endroit ou mourir » déclara l’officier Galina Novak. »
Pripiat « ville fantôme abandonnée depuis 1986 à cause de l’explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl. » Zone maudite où le dosimètre s’affole, Meylik et Novak (une jeune recrue) vont enquêter sur un possible crime « un cadavre pendait entre deux fenêtres les bras en croix », suspendu par des câbles. Il s’agit de Leonid Sokolov dont la mère a été assassinée dans cette même vile… le 26 avril 1986, date de l’explosion de la centrale de Tchernobyl. Le cadavre est découvert par un groupe de touristes, oui, c’est un voyage très prisé.
D’un autre côté, Alexandre Rybalko, policier russe, à peine sorti d’une cellule de dégrisement, est mandé par Viktor Sokolov, russe, fondateur de la société PetroRus. « Lors de la privatisation sauvage des bien de l’État russe, au milieu des années 1990, Sokolov avait su user de sa position au sein du ministère de l’Énergie pour s’emparer d’une partie des vastes ressources en or noir de la Sibérie. » Il lui demande d’enquêter sur la mort de son fils, même si c’est en Ukraine. Il lui donne le nom du soit-disant meurtrier et lui demande de l’abattre ; ce serait lui qui aurait tué sa femme le jour où la centrale a explosée. Rybalko accepte parce qu’il vient d’apprendre qu’il ne lui reste que quelques mois à vivre, rattrapé par un cancer généralisé. L’argent servira à opérer sa fille sourde de naissance (séquelle de Tchernobyl.
Pripiat, Sokolov connaît bien puisque c’est là qu’il vivait avec toute sa famille ; son père travaillait dans la centrale et faisant partie des « liquidateurs », il y est mort.
Les deux policiers ukrainiens découvrent une hirondelle empaillée dans la pièce d’où le corps a été crucifié. Le duo Melnyk-Novak fait face à d’autres meurtres tout aussi violents et mis en scène suivant le même protocole que le premier, signature, une hirondelle empaillée.
La guerre du Donbass fait rage, le fils de Melnyk y combat côté ukrainien, sans armes fiables ni protections (gilet par-balle) et son père n’a pas les moyens de lui en acheter un.
Dans ce livre, j’en apprends de belles sur le trafic des métaux sortis, illégalement, de la centrale et des environs. Métaux qui partent en Chine (entre autres) pour la fabrication de vélos vendus dans le monde entier ! Autre variante, le bois « Une fois sorti de la zone, le bois de Tchernobyl était revendu sans indication de provenance. On l’utilisait ensuite pour fabriquer des tables ou des chaises qui pouvaient se retrouver en vente aussi bien à Kiev que dans un magasin de meubles suédois en France. » Cela fait froid dans le dos.
J’ai dévoré ce polar, roman noir haletant, pas de temps de repos. Tchernobyl et ses déviances mafieuses font froid dans le dos. Une immersion dans une ville fantôme avec un premier meurtre qui ramène eux deux commis en 1986
Un roman noir édifiant d’une totale maîtrise avec, pour fond, la guerre russo ukrainienne dans le Donbass (2014) prémices de l’invasion actuelle. «La guerre ici, c’est le frère qui tire sur le frère, ou au mieux sur le cousin… Et même quand on vise un Russe, on n’est pas à l’abri de toucher un parent éloigné. Foutue guerre de merde. »
Morgan Audic décrit avec précision (toute visuelle ou télévisuelle) les immeubles abandonnés, le tourisme voyeur, les chiens redevenus sauvages, les vieux retournés dans leurs maisons... la menace pèse sur chaque page avec, de temps à autre, le grésillement du dosimètre, des détonations.
Est-ouest, Ouest-est… La volonté de l’Ukraine de sortir du gant de fer russe, de déclarer la langue ukrainienne comme langue nationale, tout cela met le feu aux poudres, comme la volonté de Poutine de réunifier la Grande Russie et voilà ce que cela donne.
« Les gens de là-bas (les russes) n’acceptent pas qu’on piétine leur histoire et leur culture »
« ça fait des années, non, des décennies que l’Ouest méprise l’Est. Lui imposer la langue ukrainienne, c’était l’humiliation de trop. »
Une livre très actuel qui offre une très bonne idée, je pense, de la situation ukrainienne. L’ogre ne veut pas que le Petit Poucet aille dans les bras de l’Autre. L’Ukraine est un pays en déliquescence, où misère et corruption règnent.
Un roman noir, très noir comme je les aime fort bien documenté et étayé bien intégré dans l’histoire. Morgan Audic a maîtrise son suspens.
La qualité du livre est une bonne raison de lire et non de mourir.