Laurine Roux - L'autre moitié du monde
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20 janvier 2022
256 pages
ISBN : 9782373852530
4ème de couverture :
Espagne, années 1930. Des paysans s’éreintent dans les rizières du delta de l’Èbre pour le compte de l’impitoyable Marquise. Parmi eux grandit Toya, gamine ensauvagée qui connaît les parages comme sa poche. Mais le pays gronde, partout la lutte pour l’émancipation sociale fait rage. Jusqu’à gagner ce bout de terre que la Guerre civile s’apprête à faire basculer.
De son écriture habitée par la sensualité de la nature, Laurine Roux nous conte, dans L’Autre Moitié du monde, l’épopée d’une adolescente, d’un pays, d’une époque où l’espoir fou croise les désenchantements les plus féroces. Une histoire d’amour, de haine et de mort.
L’autrice (site de la maison d’éditions) :
Née en 1978, Laurine Roux vit dans les Hautes-Alpes où elle est professeur de lettres modernes.
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Nous sommes dans les années trente, juste avant la terrible guerre fratricide et l’arrivée de Franco. Toya vit avec son père et sa mère dans le delta de l'Èbre. Ils sont ouvriers, je pourrais même dire, sans exagérer, qu’ils sont serfs au service de la marquise, une riche famille espagnole.
Laurine Roux met les deux pieds dans la glaise, la boue du delta de l'Èbre. où les ouvriers et les ouvrières se cassent les reins à planter du riz. Le décor est planté cruel et dur. La colère gronde e, le volcan pourrait exploser du jour au lendemain.
Pilar, la mère de Toya est cuisinière au château et c’est une excellent cuisinière que les convives de la marquise aimerait bien débaucher. Oui, mais voilà, Pilar a disparu, alors que la marquise a ABSOLUMENT besoin d’elle. Connaissant les faits antérieurs, elle fonce voir son fils « Soit, si elle veut savoir, il a bien joué avec Pilar…. A touche-pipi, veut-elle des détails ». Tout ce qu’elle trouve à faire c’est de secouer la joue de son fils « comme on chamaille un mômichon ».
Oui, il « joue à touche-pipi » avec Pilar, pour être vraiment correcte, il la viole et lorsqu’elle se retrouve enceinte, ce qui est déjà arrivé plusieurs fois, elle passe voir la vieille qui l’avorte, mais ce fut la fois de trop et Pilar en meurt.
« Aujourd’hui, tous font taire leurs querelles. Le corps de Pilar les rassemble, de sa dépouille naît le commun… En partage, ils ont la faim, les brimades. L’opprobre aussi ». Pourquoi le volcan explose-t’il juste à ce moment ? Va savoir, toujours est-il que le lendemain, les serfs, pardon, les ouvriers ne sont pas aux champs, Ils accompagnent Pilar jusqu’au cimetière.
Horacio, l’instituteur du village et un de ses amis avocat, vont les aider à s’organiser en syndicat, à se battre pour retrouver leur dignité d’être humain. Oui, sans eux, sans leur force de travail, leur bras, leurs dos cassés par le labeur, il n’y aurait pas de récolte, pas de riz. Et ça, ça se monnaye. Et puis, pourquoi ne pas aller plus, comme la collectivisation des terres agricoles, la moisson, le riz ? Oui pourquoi pas ?
Surtout, qu’après leur absence d’une journée, le marquis a fait venir les soldats et, cela a eu l’effet inverse sur les ouvriers agricoles « Toute cette débauche d’acier, elle est donc pour eux. Loin de trembler, ils sourient, cajolent la chaleur qu se répand dans leur paume, là où ça frotte contre le manche des outils. La marquise et son fils ont dû chier dans leur froc pour faire appel à la soldatesque. Leur force de travail, voilà leur pouvoir. Ils en prennent conscience ce jour. »
Alors tous s’organisent, le château, vidé de ses habitants est investi. Des semaines de victoire pour les agriculteurs, même si elle a un goût amer, car les hommes restent des hommes et… « Le futur des anarchistes, il le promet radieux. Juan se dégage, marmonne entre ses dents. Il est d’avis que les hommes ne sont pas foutus de rester tranquilles autour d’une table. Il y en aura toujours un qui voudra la place d’honneur. »
Laurine Roux a, pour ce livre, un cadre historique et géographie qui sert de colonne vertébrale à l’histoire qu’elle déroule. La passion, le romanesque, la lutte contre l’oppression, l’autrice le développe parfaitement entourés de la nature sauvage, des rizière, du delta, des herbes qui bruissent sous le vent ou le passage d’oiseaux. La cuisine m’apporte ses odeurs du sud, du delta émane un relent qui s’ajoute à la nature si simplement et magnifiquement décrite.
Dans cet univers où l’autre moitié du monde survit, la passion est présente. La création du syndicat, la prise de pouvoir qui s’en suit. Amour fusionnel entre ses parents et Toya, tout comme sa passion pour Horacio.
Au bout du monde a le feu de la passion, la rage de survivre, la folie de vouloir changer leurs vies, l’intensité des paysages. Tout ceci servi par une écriture des plus plaisantes, quelques fois âpre, d'autres fois si douce.Un livre qui m’a emportée, bouleversée, enchantée.
Laurine Roux, vous êtes une belle conteuse et vous m’avez offert un gros coup de cœur pour un livre très différent de « Une immense sensation de calme »,mais tout aussi captivant.
Marc Villemain, vous avez le don pour éditer des livres qui me plaisent beaucoup !