Giulia Caminito - L'eau du lac n'est jamais douce
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L’eau du lac n’est jamais douce
352 pages
avril 2022
ISBN 9782351782811
4ème de couverture :
Notre mère ressemble à une héroïne de bande dessinée, à Anna Magnani au cinéma, elle braille, ne capitule jamais, cloue le bec à tout le monde. Mariano et moi sommes dans le couloir qui conduit aux chambres, culottes courtes et mollets raides, et sans ciller nous fixons notre peur : ne pas être comme Antonia, ne jamais être à la hauteur, ne remporter aucune bataille.“
Antonia, une femme fière et têtue, s’occupe d’un mari handicapé et de quatre enfants. Pauvre et honnête, elle ne fait pas de compromis et croit au bien commun. Pourtant, elle inculque à sa fille le seul principe qui vaille : ne compter que sur ses propres capacités. Et sa fille apprend : à ne pas se plaindre, à lire des livres, à se défendre, toujours hors de propos, hors de la mode, hors du temps. Mais sa violence, tapie tel un serpent, ne cesse de grandir.
Nous sommes en l’an 2000, les grandes batailles politiques et civiles n’existent plus, seul compte le combat pour affirmer sa place dans le monde.
L’autrice (site de la maison d’édition) :
Giulia Caminito est née en 1988 à Rome. Elle est diplômée en philosophie politique. Son premier roman, La Grande A (2016, Giunti) a reçu plusieurs prix littéraires prestigieux. Très impliquée dans le milieu littéraire italien, elle écrit pour des journaux et magazines et a travaillé dans l’édition. Un jour viendra, couronné par le prix Mare Nostrum 2021, son deuxième roman et le premier traduit en France, se déroule dans le village d’origine de sa mère, à Serra de’ Conti dans les Marches italiennes, sur les hauteurs d’Ancône. Ses livres sont traduits dans plus de 20 pays et son dernier roman, L’Eau du lac n’est jamais douce, a été finaliste du prix Strega et lauréat du prestigieux prix Campiello.
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« C’est grâce à moi que vous mangez, sans moi vous êtes rien ». Cette phrase, ils l’entendent souvent
Antonia est seule à faire avancer la barque. Son mari, victime d’un accident alors qu’il travaillait au noir, est cloué dans un fauteuil roulant. Elle doit donc nourrir quatre enfants en trimant dans les maisons des autres, sans jamais se plaindre. Alors, ce qu’elle veut, c’est que ses enfants ne connaissent pas le même sort. Ils doivent faire des études.
Antonia fait tout pour qu’il ne perde pas leur logement ou qu’ils aient toujours un toit au-dessus de la tête. Sa vie n’est faite que de débrouillardises légales (elle est très, très honnête, c’est sa seule fierté) , d’ingéniosité. Elle n’a pas son pareil pour faire d’une caisse à orange,un meuble sympathique. Le premier appartement, dans un quartier de drogués, Antonia en nettoie la petite cour cimentée, la débarrasse de toutes les seringues qui y ont été jetées. Là, petite, Gaïa et son grand frère étaient heureux« Dans notre appartement, cinq mètres de large sur quatre de long, j’aime la cour en béton et les plates-bandes où il n’y a que de l’herbe, personne n’a jamais pensé à y planter des fleurs et ma mère a refusé, planter signifie rester. » Antonia veut changer de quartier pour ses enfants. Antonia se saigne les veines pour que ses enfants aient une meilleure vie qu’elle et leur serine qu’ils ne doivent compter que sur eux-mêmes, la dignité des gens pauvres
Grâce à sa ténacité, elle y arrive.
Il n’y a pas de place pour des démonstrations de tendresse, pas de câlins, mais des injonctions de réussite pour Gaïa qui est douée à l’école, alors, Antonia la pousse et Gaïa ne peut rien faire d’autre qu’obéir. Elle se noie dans les études, acharnée à réussir, à plaire à sa mère.
Pourtant tout en elle n’est que colère. Colère contre les camarades de classe qui se moquent d’elle. Alessandro, le meneur en fera les frais lorsqu’il a coupé les cordes de la raquette de tennis qu’elle avait obtenue au prix d’une grosse dispute familiale. « Je m’empare du manche de ma raquette à deux mais, je la brandis et l’abats sur son genou, une fois, deux fois, trois fois, cinq fois, à la septième il tombe par terre en hurlant. » et la conclusion lucide et dure de cette journée « c’est ainsi, en réalité que l’on devient une femme méchante ». Constat terrible, amer et véridique.
Gaïa est enfermée dans son mode de pensées, son mode de vie et ne voit que le négatif chez elle. Lorsqu’une de ses amies vient lui rendre visite et qu’elle trouve l’appartement charmant, gai avec les meubles repeints, elle ne voit que le rafistolage. Elle aurait tant voulu une vie dans la norme avec de vrais meubles, des parents qui ne se haïssent pas, une chambre qu’elle ne partagerait pas avec son frère, avec juste un drap tendu entre les deux lits comme séparation.
Le grand frère et les jumeaux pâtissent de cet état d‘esprit, favoriser les études de Gaïa. L’été, elle pourrait travailler, aider sa mère en ramenant une paie supplémentaire, non, elle va retrouver sa bande de copains au bord du lac de Bracciano.
D’ailleurs, le lac est témoin plus que paysage. Côté sombre, côté lumière comme Gaïa
Le comportement de Gaïa, bien que je comprenne son cheminement (elle ne peut pas avoir d’empathie car elle est vraiment mal dans sa peau de petite fille pauvre), m’interpelle, sa violence peut aller très loin, voire aurait pu aller encore plus loin. Gaïa prend mais ne donne pas, elle ne le peut pas
L’écriture est sans fioriture, nette, dure, précise, âpre. Une colère froide, déterminée sourd de toutes les pages de ce roman social
Superbe lecture et merci Wilfrid de me l'avoir prêté