Brit Bennett - L'autre moitié de soi
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L’autre moitié de soi
Brit Bennett
Editions Autrement
Août 2020
480 pages
ISBN : 9782746751293
4ème de couverture :
Quatorze ans après la disparition des jumelles Vignes, l’une d’elles réapparaît à Mallard, leur ville natale, dans le Sud d’une Amérique fraîchement déségrégationnée. Adolescentes, elles avaient fugué main dans la main, décidées à affronter le monde. Pourtant, lorsque Desiree refait surface, elle a perdu la trace de sa jumelle depuis bien longtemps: Stella a disparu des années auparavant pour mener à Boston la vie d’une jeune femme Blanche. Mais jusqu’où peut-on renoncer à une partie de soi-même?
Dans ce roman magistral sur l’identité, l’auteure interroge les mailles fragiles dont sont tissés les individus, entre la filiation, le rêve de devenir une autre personne et le besoin dévorant de trouver sa place.
L’autrice (site de la maison d’édition) :
Brit Bennett est diplômée de littérature à Stanford et fait partie des cinq meilleurs jeunes auteurs américains du National Book Award. Son premier roman, Le cœur battant de nos mères, a été finaliste de nombreux prix littéraires.
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La petite ville de Mallard en Louisiane,a une particularité, ses habitants sont des nègres très, très clairs. Mallard "une de ces villes qui sont une idée avant d'être un lieu" a été fondée en 1848 par Alfonse Decuir, mulâtre à la peau très claire qui une fois affranchi, décide de construire « une ville pour les hommes tels que lui, qui ne serait jamais acceptés en tant que Blancs mais qui refusaient d’être assimilés au Nègres »
C’est ici que vit la famille Vignes, descendante des Mallard. Août 1954, les jumelles Stella et Désirée disparaissent lors de la fête du fondateur. Âgées de 14 ans, elles ne sont jamais retrouvées.
Les jumelles ont fugué. Désirée qui désire (c’est le mot juste!) être actrice, fuir ce trou et ne veut plus être bonniche chez les blancs. Stella, moins expansive, est entièrement d’accord pour fuir (elle a un tout autre rêve). Soudée, elles trouvent un petit boulot dans une blanchisserie. Ce que Désirée ne sait pas, c’est que Stella déjà fait une incursion dans un magasin pour blancs (nous sommes en pleine ségrégation), et que cela a fonctionné. Alors, là, elle veut être blanche chez les blancs et trouve un nouveau job pour blanche : secrétaire du directeur du grand magasin Maison Blanche. Oui, là encore, elle a réussi et le mensonge fait dorénavant partie de sa vie. Elle épouse son patron « Pas pour lui. Mais j’aimais la personne que j’étais avec lui. » et part vivre avec lui à Boston dans un quartier ultra chic et surveillé parmi des blancs, racistes. Imaginez-la vivre ainsi en cachant la vérité, jamais lâché prise, être toujours sur ses gardes, faire attention à ce qu’elle dit... et lorsqu’elle se retrouve enceinte, si le bébé est coloré, elle préfère avouer un adultère plutôt que le fait d’être mulâtre. Heureusement, la petite fille est bien blanche ! Elle a déclaré sa famille: morte dans un accident de la route. Elle se veut blanche dans un monde de blancs, sans passé.
A l’inverse Désirée est attirée par son côté nègre et épouse un noir de chez noir. La fille qui naît de cette union est aussi foncée que son père.
Les jumelles se construisent à l’inverse et ce livre interroge sur l’identité de couleur. Qu’est-ce être noir et qu’est-ce qu’être blanc ? Mulâtre, vous avez du sang noir ET blanc, alors pourquoi les considérer comme des noirs ? Oui, je sais, la sacro sainte supériorité du blanc.
"on ne se trouve pas comme ça : une identité, ça se construit. Il faut inventer la personne qu’on voudrait être". L’identité, ce n’est pas seulement la couleur de la peau, c’est également la question du genre. Ainsi Reese, le petit ami de Jude (fille de Désirée) se fait opérer pour devenir homme
Brit Bennett montre, à travers la vie des jumelles, que la question d’identité ne se joue pas uniquement sur la couleur de la peau, voire de la gémellité, de l’orientation sexuelle ; chacun construit sa vie, quelque fois comme il veut et souvent comme il peut. Le regard des autres est très important tout comme la famille, son histoire, sa construction. Ainsi Stella depuis le début se veut blanche « C’était pas la première fois…. Qu’elle jouait la Blanche. La ville, ça lui a juste donné l’occasion de le faire pour de vrai. » Les jumelles ne sont pas le miroir l’une de l’autre, mais en contradiction.
Une lecture agréable que j’ai mieux appréciée que son précédent Le cœur battant de nos mères.