Olga Merino - L'Etrangère
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288 pages
Septembre 2021
ISBN : 9782492596209
4ème de couverture :
Dans ce coin d’Espagne aux terres arides et brûlantes, Angie est revenue vivre en solitaire dans la maison de ses ancêtres, renouant avec leur histoire et leurs fantômes. Au village, elle reste l’étrangère. Celle qu’on regarde avec suspicion, qu’on évite de croiser. Et c’est elle, justement, qui découvre le corps de Don Julián, grand propriétaire de la région, pendu sur la colline. Bientôt, au village, arrivent les jumelles, ses héritières qui entendent exploiter cette terre d’une toute autre manière. Alors, derrière les portes closes, dans des chuchotements sourds, les langues commencent à se délier, racontant des histoires de malédictions et de familles qui se déchirent, de terres conquises et d’amours impossibles.
Avec cette héroïne qui lutte pour affirmer sa liberté, Olga Merino nous entraîne dans un roman aux accents de western contemporain. Entre le poids de la rumeur publique et celui d’indicibles secrets, elle donne voix à un monde d’ouvriers et de paysans qui refuse d’être condamné à l’oubli.
L’autrice (site de la maison d’édition) :
Olga Merino est née à Barcelone en 1965. Après avoir étudié à Séville et à Londres, elle vit à Moscou, où, correspondante de presse, elle dresse dans ses articles le portrait d’un monde en mutation. En 1999, elle publie son premier roman qui connaît un grand succès critique. Lauréate du prix Vargas Llosa, elle est déjà traduite en italien, néerlandais et anglais. Elle travaille aujourd’hui encore comme journaliste et enseigne l’écriture à Barcelone.
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L’étranger fait peur, il n’est pas comme nous, si c’est une femme libre en plus...
Angie, avant, vivait à Londres, était modèle et maîtresse d’un peintre, très tourmenté, c’est le moins que l’on puisse dire. A sa mort, elle revient dans la maison familiale, dans un coin reculé et rural de l’Espagne, sans eau ni électricité.
La première page me met, de suite, au cœur du sujet « Ici, on n’affectionne pas les étrangers, sauf si tu fais le premier pas, et moi, c’est un effort qui ne m’a jamais tenté. Je préfère les tenir à distance. Eux, ils ne sont au courant de rien, mais ils jacassent, jacassent sans cesse. Ils font des messes basses. Moi, au contraire, j’ai vu des choses et je les garde pour moi. »
Pourquoi avoir voulu revenir dans ce trou paumé, entourée de tous ces yeux qui épient, surveillent, ces bouches qui parlent de travers, jacassent (ce sera dit plusieurs fois dans le roman) ? Comment Angie peut-elle se sentir libre avec tout cela ? Heureusement, il y a le boui-boui de Tomas où se retrouvent les échoués, les non acceptés, où ils s’enivrent avec du mauvais vin « Ce n’est pas un mauvais bougre, le Tomas. Encore un superflu dans mon genre, mis au rebut du village. On appartient tous les deux à la génération qui s’est perdue dans la fête et dans l’attente… Un vieux hippy ratatiné qui met de la bonne musique… Les Stones, les Kinks…. »
Cette région d’Espagne, aride, baignée par trop de soleil, se vide de ses habitants et c’est là qu’elle a choisi de revenir dans la maison que son père a toujours gardée, même quand il est parti et elle est bien décidée à y rester. Ses terres ? Elles ont été rachetées par le friqué local et le père n’a gardé que cette vieille maison décrépie.
Quelques irréductibles, qui ne sont pas gaulois, sont restés, des vieux qui ne savent où aller, d’autres, comme Ibrahima ont atterri sur ces terres arides on ne sait pourquoi, enfin, c’est vague.
C’est dans ce décor que Ibrahima découvre un pendu, qu’il va chercher Angie, car oui, même si elle est considérée comme l’étrangère, elle est d’ici, alors qu’Ibrahima….
Donc, « L’homme, car c’en est un, a dû monter sur la branche la plus basse du noyer et, une fois assis, attacher la corde à celle du dessus, puis serrer le nœud et se laisser tomber. Le poids et la hauteur nécessaires. ». L’homme, c’est le patron, don Julian, le propriétaire de Las Brenas, avec ses yeux démesurément ouverts. Et ses mains couleur de vin. »
Le patron ? C’est le riche du village, celui qui a racheté les terres du père d’Angie pour une somme dérisoire.
Avec la découverte du pendu, les remous vont modifier le cours de la vie tranquille des paysans. Les filles du défunt vont arriver, vouloir tout vendre… Elles ne sont plus d’ici, elles. Les secrets, toujours embarrassants vont être autant de gros ou petits cailloux dans les chaussures.
La pauvreté, les jacasseries, les non-dits, la liberté, le dur labeur sans jamais de récompenses, l’amour, la désertification, la mort du village, l’aridité qui devient celle du cœur marquent le vie de ce bled paumé.
Les vieux réflexes franquistes seraient-ils toujours d’actualité lorsque je vois que le brave curé est dénoncé par une grenouille de bénitier ? Oui, il a, de temps à autre, des relations charnelles avec Angie. C’est surtout vers Angie, elle-même, que la chasse à la sorcière, à la différente s’effectue, tan pis pour les dégâts latéraux.
Les éditrices parlent de western contemporain et Angie en est la lonesome cowgirl ; il y a les bons, les méchants. C’est vrai, j’imagine bien la musique de Moricone lorsque les deux comparses découvrent le pendu... L’ambiance est là.
Le livre est à l’image du ressenti ; la lecture se fait lente, je ressens la pesanteur, j’étouffe avec Angie, elle qui se veut libre mais qui ne l’est pas tant que cela. L’âpreté de la terre, de la vie y est fort bien rendue. Je fus embarquée par la plume passionnée d’Olga Merino, j’ai senti le vent chaud, la poussière, la haine entre les habitants, la misère, la solitude.
Un premier très bon livre de la toute nouvelle maison d’édition Dalva, dont j’avais eu la chance de rencontrer sa créatrice lors d’un entretien chez mon libraire. Je gage que ce ne sera pas le dernier