Ian Mc Ewan - Le cafard
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Traduction France Camus-Pichon
4ème de couverture :
Un jour, Jim Sams, cafard au destin extraordinaire, se réveille dans le corps du Premier ministre britannique. Il sait qu’il a une mission à accomplir. Rien ni personne ne l’arrêtera dans sa volonté de porter la «voix du peuple».
Dans un habile jeu de miroirs, ce court texte rappelle évidemment La métamorphose de Kafka et le regard désabusé et satirique d’un Jonathan Swift. Il nous donne à voir un monde de faux-semblants et les rouages impitoyables du pouvoir. Avec intelligence et humour, Ian McEwan propose un commentaire piquant et absurde de la société britannique actuelle.
L’auteur (site de la maison d’édition) :
Ian McEwan a passé une grande partie de sa jeunesse en Extrême-Orient, en Afrique du Nord (en Libye), et en Allemagne, où son père, officier dans l'armée britannique, était envoyé. Il a fait ses études à l'université du Sussex et l'université d'East Anglia, où il a été le premier diplômé du cours d'écriture créative créé par Malcolm Bradbury. Insolite et insolente, provocatrice, hautement originale, l'œuvre de Ian McEwan surprend par ses tours de force de concision et d'humour. L'auteur joue avec les énigmes qui sont l'essence de la narration. Tous ses romans affichent une parenté lointaine, sous forme de simulacre, avec l'énigme policière. Il a publié plusieurs nouvelles et romans pour adultes et, en 1994, «Le Rêveur», un recueil de nouvelles pour la jeunesse.
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Dans sa préface, l’auteur parle du Brexit «Avec le Brexit est entré dans notre vie politique quelque de chose de laid et de profondément contraire à notre esprit, et j’ai trouvé logique de lui donner la forme d’un cafard, cette créature parmi les plus méprisées. » Kafka et Swift ont inspiré ce livre « L'enjeu a toujours été d’élaborer un projet politique et économique qui puisse égaler l’absurdité autodestructrice du Brexit ».
Imaginez la scène, Jim Sams, cafard, se réveille un matin « métamorphosé en une créature gigantesque », en la personne du Premier Ministre britannique. La scène est décrite avec le bel humour britannique. Imaginez, le Premier ministre himself, celui qui règne sur la Grande-Bretagne est un cafard ! Jim prend très vite la mesure de la situation et, une fois bien acclimaté, bien planté sur ses deux pattes, direction le parlement où là il se rend compte que d’autres congénères ont pris enveloppe humaine.
Voyant cela, il sait qu’il pourra mettre en place son système révolutionnaire : le reversalisme ou « l’économie à flux renversé »! Oh ce n’est pas une idée de dernière minute, non. Déjà du temps de Margaret Thatcher, il en était question. Depuis, il y a toujours un léger courant « Le Reversalisme maintint une présence modeste au sein de divers groupes de discussion, et de think tanks de centre droit marginaux. » Même pas une idée de la droite libérale ou de la gauche la plus à gauche !
Le populisme a le vent en poupe et le reversalisme également. Au Parlement, il n’y a plus de travaillistes ou de conservateurs, mais des reversalistes et des continalistes. Depuis que cette idée a séduit et a été approuvée par le président américain Archie Tupper, tout roule, tout baigne.
Petite explication, le reversalisme, qu’est-ce que c’est ? Il s’agit de l’inversion du sens de la circulation de l’argent.
« A la fin d’une semaine de travail, une employée remettra à sa firme une somme correspondant à toutes ses heures de dur labeur. Mais quand elle ira dans les magasins, elle redevra une compensation généreuse, équivalent aux prix de vente de chaque article qu’elle emportera. La loi lui interdisant d’amasser de l’argent liquide, celui qu’elle déposera à la banque après sa journée exténuante dans une galerie marchande sera placé à des taux d’intérêt fortement négatifs. Avant que ses économies ne soient réduites à néant, elle aura donc la sagesse de chercher un emploi plus cher, ou de se former dans ce but. Plus intéressant, et donc plus coûteux, sera celui qu’elle trouvera, plus elle devra s’adonner au shopping pour se l’offrir. L’économie sera stimulée, il y aura plus d’ouvriers qualifiés, tout le monde y gagnera. Un propriétaire devra inlassablement acheter des produits manufacturés pour pouvoir payer ses locataires. Le gouvernement commandera des centrales nucléaires et développera son programme spatial afin de pouvoir faire des cadeaux fiscaux aux travailleurs. Les directeurs d’hôtel feront venir le champagne le plus renommé, les draps les plus fins, les orchidées les plus rare… pour que leur établissement ait les moyens de rémunérer ses clients…. »
Croyez-moi, les députés européens ont débattu fort longtemps sur cette chose, le reversalisme « Dans une société ouverte, un principe de base voudrait que tout soit légal tant qu’une loi ne l’interdisait pas. Au-delà des frontières orientales de l’Europe, en Russie, en Chine et dans chaque Etat totalitaire, tout était illégal tant que le gouvernement ne l’autorisait pas. Dans les couloirs de la Commission européenne, personne n’avait envisagé d’exclure l’inversion des flux financiers des pratiques acceptables, parce que personne n’avait jamais entendu parler de cette idée. » et que dire de certains économistes !
Jim notre cafard premier ministre sait bien caresser le peuple, le populo dans le bon sens de sa crinière et cette idée de reversalisme, comme il la présente, plaît au peuple.
Démagogie, cynisme, cela ressemble fort à un certain premier ministre britannique qui a joué sur le Brexit pour se faire élire alors que, comme le héros du livre, il était contre avant ! Les lois du désir de pouvoir sont impénétrables pour un simple quidam !
Ian Mc Ewan s’en est donné à cœur joie, démontant le populisme avec une férocité jouissive et démonte avec une ironie mordante l’art des politiques à faire avaler des couleurs au peuple pourvu que ce soit dans un joli paquet tout doré.
Comme le carrosse Cendrillon redevient citrouille, Jim retourne à son état de cafard une fois sa mission de destruction remplie.
Jouissif !