Anne Pauly - Avant que j'oublie

Avant que j'oublie

Anne Pauly

Editions Verdier

août 2019

144 pages

ISBN : 9782378560294

 

4ème de couverture :

Il y a d’un côté le colosse unijambiste et alcoolique, et tout ce qui va avec : violence conjugale, comportement irrationnel, tragi-comédie du quotidien, un « gros déglingo », dit sa fille, un vrai punk avant l’heure. Il y a de l’autre le lecteur autodidacte de spiritualité orientale, à la sensibilité artistique empêchée, déposant chaque soir un tendre baiser sur le portrait pixelisé de feue son épouse ; mon père, dit sa fille, qu’elle seule semble voir sous les apparences du premier. Il y a enfin une maison, à Carrières-sous-Poissy et un monde anciennement rural et ouvrier.

De cette maison, il va bien falloir faire quelque chose à la mort de ce père Janus, colosse fragile à double face. Capharnaüm invraisemblable, caverne d’Ali-Baba, la maison délabrée devient un réseau infini de signes et de souvenirs pour sa fille qui décide de trier méthodiquement ses affaires. Que disent d’un père ces recueils de haïkus, auxquels des feuilles d’érable ou de papier hygiénique font office de marque-page ? Même elle, sa fille, la narratrice, peine à déceler une cohérence dans ce chaos. Et puis, un jour, comme venue du passé, et parlant d’outre-tombe, une lettre arrive, qui dit toute la vérité sur ce père aimé auquel, malgré la distance sociale, sa fille ressemble tant.

L’autrice (site de la maison d’édition) :

Née en 1974 en banlieue parisienne, Anne Pauly vit et travaille à Paris.

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« Les infirmières avaient fermé ses yeux, coincé son visage dans une mentonnière et habillé son corps d’une petite blouse vert pâle façon sweat-shirt. C’était triste et drôle, ça l’aurait fait rire, cette petite blouse verte qui lui cachait à peine le genou. J’ai regardé son pied violacé, la vache ! le pauvre, sa barbichette miteuse et son beau visage déserté. »

Son père est mort à l’hôpital de Poissy, en région parisienne, la narratrice, Anne et son frère Jean-François rangent la chambre et enlèvent ses affaires. Ces pages énumérant la liste de tout est déjà un mix entre la tendresse et une certaine ironie qui tient le chagrin à distance.

Maintenant, il faut s’occuper des obsèques avec Jean-François. Lui, voudrait le minimum, elle mieux, petites frictions devant l’obséquieux maître des obsèques.

Les souvenirs reviennent, les pas beaux, les mauvais lorsqu’il buvait trop. « Je revoyais papa couteau à la main, immense et ivre mort, courir après maman autour de la table ». Oui, il y en a eu des tours de voitures en attendant que la brute s’endorme. Il y en a eu des coups, des engueulades, jusqu’à la mort de sa mère. Et après, même unijambiste, il se retrouve au trou pour conduite en état d’ivresse « mon père, soixante-treize ans, unijambiste et insuffisant respiratoire, venait de se faire embarquer par les flics avec les menottes et compagnie, parce que, bourré dans sa voiture automatique, il s’était pris le terre-plein devant la mairie à l’heure où les enfants sortent de l’école. »

Quelle dualité chez cet homme qui savait être méchant, dur, pire que dur et celui qui aimait les haïkus, la spiritualité orientale, japonaise.

Ce temps d’avant les funérailles lui permet de se souvenir du temps d’après l’alcool, lorsque le père est devenu abstinent et qu’elle a pu, enfin, le rencontrer vraiment. « Sa vraie personnalité, enfin débarrassée des hardes puantes de l’alcool, était ressortie : un contemplatif fin mais gauche, gentil mais brutal, généreux mais autocentré, dévoré par l’anxiété et la timidité, incroyablement empêché. Un touriste de la vie. Contre toute attente, le monstre était humain, vulnérable, attachant. »

En triant les affaires, les papiers, les lettres, elle découvre un père inconnu et il lui est très difficile de débarrasser la maison, dont le frère voudrait se défaire rapidement. Elle va même jusqu’à prendre en photos les affaires à jeter pour le cas où elle voudrait les remettre en place tout pareillement à avant. Et puis, il y a le répondeur parental où le message enregistré par sa mère invite à laisser un message. Il arrivait à la narratrice d’appeler juste pour écouter la voix douce de sa mère « Sa voix où résonnait toute la gentillesse du monde nous était nécessaire. »

Et puis, il y a cette lettre de Juliette, une ancienne et vieille amie de Jean-Pierre qui va lui faire lâcher prise, surtout cette phrase « il n’y a pas d’âge pour être orphelin ». A travers cette lettre adressée à Jean-Pierre décédé, Juliette parle à Anne, raconte son père, un autre homme, il est vrai que la boisson l’avait quittée. Peut-être que cette lettre lui permet de renouer plus avant, d’accepter l’amour de ce père qui, malgré ses silences et ses vindictes envers eux, était fier de ses enfants.

Avec une écriture alerte, ironique, humoristique, tendre, Anne Pauly raconte sa descente dans le fond du deuil et sa remontée grâce aux copains, l’entourage, la vie et… une pie. C’est aussi un hommage à ce père «déglingo» que je ne trouve pas punk du tout

Un livre que je n’ai pas considérée comme un récit autobiographique mais comme un roman de par son écriture. Un très bon premier roman heureusement couronné par le Prix Livre Inter.


 

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T
Tout à fait d’accord avec toi, on oublie rapidement qu’il s’agit d’un roman autobiographique. Chapeau pour la diversité des tons !
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Z
J'attends son second livre avec impatience, mais pas trop, histoire de ne pas lui mettre trop la pression !
A
Une façon originale de vivre le deuil.
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Z
Surtout d'en parler<br />
M
J'ai vu en effet que ce roman avait eu un prix et je comptais bien le lire un jour prochain, je suis donc très contente de lire ton ressenti. Merci Zazy
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Z
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A
Je viens de l'emprunter à la bibliothèque. J'espère avoir le temps de lire, je l'avais réservé en juillet, il arrive seulement maintenant alors que je suis embouteillée ...
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Z
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