Alyson Hagy - Les soeurs de Balckwater
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Les sœurs de Blackwater
Alyson Hagy
Traduction David Fauquemberg
Editions Zulma
janvier 2020
240 pages
ISBN 9782843049293
4ème de couverture :
Sorcière pour les uns, sainte pour les autres, elle seule sait encore lire, écrire, fabriquer de l’encre et du papier, et on vient de loin pour obtenir d’elle une lettre. Dans une Amérique balayée par d’étranges fièvres, des hordes de mercenaires et les Indésirables, elle a su garder sa ferme, fidèle à la mémoire de sa sœur. Mais l’arrivée de Mr Hendricks met fin à ce fragile équilibre. Son étrange magnétisme libère en elle tous les fantômes, l’entraînant dans un voyage bien au-delà de la rivière de Blackwater, sur les terres du tout-puissant Billy Kingery…
Les Sœurs de Blackwater est une ode magistrale et envoûtante au pouvoir des mots – seule arme et seul remède dans le monde dystopique d’Alyson Hagy.
L’autrice (site de la maison d’édition) :
Saluée par le New York Times comme une « voix puissante », Alyson Hagy aime emprunter aux mythes de l’Est américain. Les Sœurs de Blackwater est son premier roman traduit en français.
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«Les rives duvetées de givre du cours d’eau luisaient comme une pièce de nickel, et elle sentait d’ici les feux où cuisinaient ceux qui s’appelaient eux-mêmes les Indésirables… Chaque semaine de nouveaux venus s’installaient dans le camp, qui tendaient leur arpent de bâche sur des piquets et faisaient sécher les poissons à la senne dans la rivière. »
Nous sommes en Amérique, contrée sauvage des Blue Ridge Mountains en Virginie dans une époque indéterminée. Les familles misérables, qui se nomment « Les Indésirables », vivent dans des campements de misère, meurent de fièvre. La confiance, l’espoir sont des mots qui n’existent plus, seule la survie, quel qu’en soit le prix, compte. Tous ces gens vivent sous la coupe, la férule de Billy Kingery,auto proclamé chef local, un gros commerçant qui n’a de cesse de voler les plus pauvres, qui aimerait bien avoir la mainmise sur la narratrice, seule femme libre qui le gêne.
La narratrice est ce que l’on pourrait appeler un griot, une conteuse, une sorcière pour d’autres. Elle est une des rares personnes à savoir encore lire et écrire, à avoir le pouvoir de soigner les gens. Elle troque les lettres qu’elle écrit de la part des Indésirables contre ce qui lui est nécessaire à vivre dans sa maison. La seule maison encore debout, une maison solide signe de temps anciens plus heureux et riches
Arrive Mr Hendricks qui lui demande une lettre très spéciale et, surtout, d’aller la porter en main propre, à un carrefour très loin de chez elle. Or, jamais plus elle ne partira sur les routes, ah ça non !! Il faut croire qu’il a su trouver les arguments puisqu’elle écrit cette lettre avec l’encre de son corps, de ses souvenirs et qu’elle la porte là où il faut. Chose bizarre, elle qui ne dit rien, se confie à cet homme A partir du moment où elle écrit, les réminiscence de son passé reviennent et porter la lettre devient un voyage initiatique, douloureux et mortel dans son passé. L’héroïne confie ses traumatismes à Hendricks, et depuis, le fantôme de sa sœur apparaît de temps à autre. La trêve qui existe avec les Indésirables est rompue et « le chef suprême » en profite pour réaliser ou tenter de réaliser ses désir d’expulser la narratrice. Il la connaît parfaitement et sait taper là où il le faut, je le découvrirai plus tard dans ma lecture.
La narratrice écrit les lettres des Indésirables, sort les mots de son corps, les couche sur le papier avec l’encre qu’elle a fabriqués. A travers ces lettres, c’est la vie qui continue, qui gagne, même si l’encre peut se transformer en sang.
La puissance du récit, les arcanes, les écheveaux qui s’emmêlent, les retournements vers un passé douloureux, les non-dits sur ce passé, les descriptions, les phrases… Tout ceci donne un roman où j’ai aimé me perdre, me retrouver, me laisser mener, transporter par les mots d’Alyson Hagy qui maîtrise très bien l’art de raconter une histoire, de faire naître une légende, merci au traducteur.
Quel roman, quelle dystopie ! Un livre âpre, violent, sensuel, onirique où passé et présent se mélangent. Un livre qui parle de l’expiation des fautes et, très important, du pouvoir des mots, des écrits car c’est cela que Billy Kingery, le tout-puissant, n’accepte pas, que la naratrice ait ce pouvoir qui en fait une personne indépendante. En arrière-plan, la confiance qui peut sauver mais également tuer
Quelle lecture !