Benoït Vitkine - Donbass
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DONBASS
Benoît Vitkine
Editions Les Arènes
Collection Exquinox
288 pages
février 2020
ISBN : 9791037500595
http://www.arenes.fr
4ème de couverture :
Sur la ligne de front du Donbass, la guerre s’est installée depuis quatre ans et plus grand monde ne se souvient comment elle a commencé.
L’héroïsme et les grands principes ont depuis longtemps cédé la place à la routine du conflit.
Mais quand des enfants sont assassinés sauvagement même le Colonel Henrik Kavadze, l’impassible chef de la police locale, perd son flegme.
Un enquêteur dans le bourbier ukrainien, le thriller du correspondant du Monde à Moscou.
L’auteur (site de la maison d’édition) :
Benoît Vitkine est le correspondant du Monde à Moscou. Journaliste depuis quinze ans, il a notamment couvert la guerre dans l’est de l’Ukraine. Donbass est son premier roman.
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Henrik Kavadze, ancien militaire en Afghanistan, est flic, a choisi le camp ukrainien. Comme tout prototype de flic, il est désabusé, ivrogne, peu causant, cynique, plus intègre que ses collègues. Son supérieur est tout occupé à se faire bien voir, opinant dès que la haute sphère lève le petit doigt. Les trafics en tout genre font florès. J’allais oublier, la pute, maîtresse d'Henrik. Tous les ingrédients d’un bon polar traditionnel sont réunis.
Oui, mais voilà, nous sommes en Ukraine, la guerre civile fait rage, la région du Donbass est en pleine ligne de mire. Le Donbass, région minière, à l’est de l’Ukraine et plus particulièrement la ville d’Avdiïvka prise et reprise par les deux parties ; les civils sont les premières victimes des combats.
Un jour, le corps d’un petit garçon de 6 ans est découvert, il s’agit de Sacha Zourabov. Arrivé depuis trois semaines environ, il vivait avec sa grand-mère dans l’un des immeubles quasi abandonnés. « Le cadavre était étendu à l’extrémité d’un terrain vague…. Il émergeait à moitié d’un petit monticule de neige. Vêtu seulement d’un maillot de corps relevé jusqu’à la poitrine et d’un slip qui ne cachait plus son petit sexe. » Ce ne peut être qu’un crime, mais pourquoi s’en prendre à un gamin de six ans ? Pourquoi « un poignard au manche de bois était planté jusqu’à la garde dans le ventre de l’enfant » ? « Comme un papillon épinglé dans le carnet d’un entomologiste...Un frêle papillon de nuit aux ailes pâles et fragiles »
C’est plus un roman noir, très noir qu’un polar qu’a écrit Benoît Vitkine pour parler de cette guerre fratricide armée par la Russie. Il déroule le tapis noir de la guérilla avec les trous de kalachnikov, d’obus de mortier…Il n’y a pas que le charbon du coke qui est noir. Ici, tout n’est que violence, trafic, corruption, abandon de toute humanité. « On avait enterré les grandes idées et les espoirs fous, les questionnements, les identités tourmentées. On avait cessé de se disputer puisque seules les bombes étaient capables de se faire entendre. On n’espérait plus que la survie. » Ce petit corps cloué est comme le coup de poing de trop qui fait réagir et se rassembler les survivants lors des obsèques ; il y aura même une trêve le temps des funérailles
J’aurais aimé que certains personnages prennent plus de place dans le livre. Tenez, Levon Andrassian, roitelet du Donbass ami-ennemi de Kavadze, ils ont vécu dans le même quartier pourri « Cette histoire me concerne aussi parce que j’ai une responsabilité vis-à-vis de cette ville et de ses habitants. Ils attendent de nous qu’elle ne se transforme pas en Far West…. Moi, j’ai besoin d’un minimum d’ordre pour mes affaires. Et ce qui est important pour les affaires est important pour la ville…. C’est un équilibre subtil et fragile, le commerce avec l’ennemi. » Cet homme a une certaine épaisseur « Il s’était révélé aussi adroit dans la gestion des livres de comptes que dans le maniement des armes… Levon représentait à lui seul la pointe avancée de la modernité en ville, l’avant-garde du capitalisme à la sauce ukrainienne »… Mais c’eût été un autre livre.
Le véritable sujet de ce livre, c’est la guerre au Donbass, la mort du petit garçon en est le prétexte.
Une lecture prenante, un récit court mais très dense. L’auteur vomit cette guerre, ses enquêtes ukrainiennes pour en restituer l’inutilité, la violence, les souffrances.
Un premier roman au contenu très fort
« « C’est toujours malheureux, la défaite, surtout contre des mineurs et des conducteurs de tracteur » avait feint de s’amuser le maître du Kremlin ? Alors même que la participation russe à la guerre était depuis longtemps un secret de Polichinelle ; Le cynisme de la phrase avait fait s’étrangler Henrik. En parlant de la sorte, le président russe ne se contentait pas de pisser à la face de l’armé ukrainienne, c’est sa propre armée qu’il bafouait. Que pouvaient penser les appelés russes envoyés combattre à Debaltsevo ? Ceux qui avaient brûlé dans leurs tanks ? Leurs Mères ? Guerre dégueulasse. »