Yewande Omotoso - La Voisine

La voisine Yewande Omotoso

Traduction Christine Raguet

Editions Zoe

Février 2019

288 pages

ISBN : 9782889276356

 

4ème de couverture :

Octogénaires au caractère bien trempé, Hortensia et Marion passent leurs vieux jours dans une banlieue chic du Cap. Marion a su gérer de front brillante carrière d’architecte et famille nombreuse, et Hortensia, seule propriétaire noire du quartier, est devenue une légende du design vénérée jusqu’au Danemark. Voisines sur Ekaterina Avenue, elles se vouent une haine si farouche qu’elle en devient comique. Mais lorsque les dettes, les frasques d’un défunt mari ou les problèmes de santé les rattrapent, les deux ennemies doivent remonter à l’origine de leur rivalité pour faire face.

Roman vif et drôle, La Voisine est aussi un manifeste politique et social subtil sur cette Afrique du Sud contemporaine où la plupart des habitants portent en eux, encore ouverte, la question de l’Apartheid.

L’autrice (site de la maison d’édition) :

Née à la Barbade en 1980, enfant au Nigeria et désormais sud-africaine, Yewande Omotoso a développé un regard piquant et fécond sur les frottements culturels. Après son premier roman, Nom Boy, en 2011, La Voisine a été finaliste de l’International Dublin Literie Edward 2018. Aujourd’hui, Yewande Omotoso écrit tout en travaillant dans le domaine du design et de l’architecture à Johannesburg.

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Marion est architecte et a construit la maison du n°10 d’une résidence. Avec son mari, ils ont acheté le n° 12, l’autre étant occupée. A chaque revente, elle a toujours espéré que… Mais non, le sort s’acharne, impossible de déménager dans l’autre maison. « Avoir conçu la maison de quelqu’un d’autre comme si c’était la sienne propre, habiter juste à côté, mais jamais dedans, en devenir obsédée . Et maintenant, laisser une fois de plus échapper l’insaisissable trophée entre les mains d’une personne qui dessine des gribouillis et appelle ça design ». Mère de quatre enfants qui ne lui parlent plus ou peu sans faut, elle a dû arrêter et revendre ses parts du cabinet à la naissance difficile du quatrième. Son mari est mort les ayant ruinés.

Celle qui dessine des gribouillis, c’est Hortensia. Designer de renommée mondiale, spécialisée dans les tissus (vous comprenez mieux la « douce » ironie de Marion). Avant, elle et son mari habitaient en Afrique. Peter est blanc et elle, noire, couple mixte donc et sans enfants

Toutes deux octogénaires sont voisines. Elles habitent dans le quartier chic d’une banlieue du Cap. Jusque là, rien de plus normal, mais cela se corse.

Marion, souvenez-vous, nous sommes en Afrique du Sud, il fallait voir sa tête et sa réaction lorsqu’elle s’aperçoit que les derniers acquéreurs sont un couple mixte,  Ô sacrilège ! Une noire va vivre dans ce qu’elle considère SA maison. « En arrivant dans leur nouvelle maison, Hortensia s’était rendu compte qu’elle serait la seule propriétaire noire de Ekaterina. Elle avait éprouvé du dégoût envers son environnement, envers la haute bourgeoisie blanche bien protégée du voisinage et, pendant ses mélancoliques moments d’intimité, elle éprouvait aussi du dégoût envers elle-même. »

Débute une joute entre les deux femmes et je dois reconnaître que, côté mauvaise foi, Hortensia explose. Elle ne va aux réunions de quartier que pour contrecarrer toute velléités de racisme, surtout proférées par sa chère voisine Marion. OK, Marion, de par son éducation est un brin raciste, voir le bouquet entier, même en faisant de gros efforts ; l’histoire du papier toilette en est une belle image.

C’est lors d'une de ces réunions du comité que doit se débattre l’affaire de l’achat aux autochtones du terrain à vil prix, plutôt de l’expropriation déguisée, selon une loi inique. Depuis la fin de l’apartheid, des renégociations sont en cours même si une des propriétaires blanches sort « La vente s’est faite équitablement. Ils l’ont eue à un bon prix . Parfois ça arrive. ». Hortensia, normalement, du côté noir, a opposé un refus, temporaire il faut en convenir, à la demande d’Annamaria d’enterrer les urnes sous les arbres d’argent de son jardin. Beulah, la petite-fille « Vous… Les Blancs dites qu’il faut oublier et se tourner vers l’avenir. Mais…. On doit aussi se rétablir. Parfois on se tourne vers l’avenir et on reste malades, alors à quoi ça rime d’aller plus avant ? On doit aussi se rétablir. Ma grand-mère ne voulait pas oublier. J’ai toujours pensé que c’était dû au fait qu’oublier serait la même chose que se perdre, ne pas savoir où on est. »

Un jour, Hortensia décide de rénover la maison et d’y porter de grands changements extérieurs. La grue arrive et, mal calée, fonce dans le mur de la maison de Marion, ouvre une grosse brèche. Faut-il y voir un clin d’œil au mur de Berlin ? Hortensia finit par offrir l’hospitalité à sa voisine, ce qui n’empêche pas les piques, les empoignades… Faut pas rêver.

La cohabitation entre les deux femmes peut être un résumé de l’après apartheid où chaque communauté, chaque race, se regarde, se jauge, se méfie, fait trois pas en avant et un en arrière. On ne change pas les mentalités du jour au lendemain.

Yewande Omotoso remonte dans le passé des deux femmes pour nous amener à appréhender leurs caractères bien trempés et mieux comprendre leurs réactions.

J’ai aimé les seconds couteaux que sont Agnes, bonne chez Marion et Bassey homme à tout faire, plus proche du collaborateur, chez Hortensia.

Un livre truculent, alerte, ironique, drôle qui, par ce jeu de rôles, permet de mieux comprendre les relations entre les blanc et les noirs en Afrique du Sud, forcés de partager l’espace public. Les Africains du sud doivent passer de la haine raciste ancestrale, le mépris à la tolérance, la cohabitation, l’acceptation de nouvelles relations.

Une très jolie façon de renouer avec les éditions Zoe

 


 

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I
Ce billet me ravit, car il met en avant un titre qui le mérite, mais que l'on ne voit pas suffisamment sur les blogs ! J'aime beaucoup moi aussi cette maison d'Editions, qui permet des découvertes très variées. Pour rester en Afrique du Sud, j'ai lu cette année Ninive d'Henrietta Rose-Innes, également publié chez Zoé, et d'ont j'ai adoré l'originalité.
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Z
Je note le titre
J
Super intéressant ! Je n'en avais jamais entendu parler jusqu'alors.
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Z
Je peux te l'envoyer si tu le désires
A
J'ai énormément aimé cette lecture.
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Z
Je me demande si ce n'est pas en lisant ton commentaire que j'ai acheté ce livre. Je devrais le noter à chaque fois
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