Pierre Michon - La Grande Beune
-
La Grande Beune
Pierre Michon
Editions Verdier
96 pages
janvier 1996
ISBN : 9782864322306
4ème de couverture :
Quand il arrive à Castelnau, un village au fin fond de la Dordogne, tout près de Lascaux, le narrateur a vingt ans. C’est son premier poste.
Derrière le rideau gris des pluies de septembre, entre deux dictées, le jeune instituteur s’abandonne aux rêves les plus violents – archaïques, secrets et troubles comme les flots que roule, en contrebas des maisons, la Grande Beune.
Dans ces contrées où se rejoue encore dans une forme ancienne l’origine du monde, le sexe sépare deux univers. Celui des hommes, prédateurs, frustes mais rusés – terriblement. Et puis celui des femmes, autour de deux figures que l’écrivain campe magistralement.
Hélène l’aubergiste, mère emblématique, et Yvonne, à la beauté royale, qui suscite chez le narrateur une convoitise brûlante et toutes les variations d’un émoi qu’il nous fait partager au rythme de sa phrase : emportée comme un galop de rennes dans une ère révolue, retournée en une scène grotesque où des enfants exhibent l’animal vaincu, mordante ou fuyante comme le loup des peintures rupestres.
Cet ouvrage a reçu le prix Louis-Guilloux 1997.
L’auteur (site de la maison d’édition) :
Pierre Michon est né le 28 mars 1945, aux Cards, dans la Creuse où ses parents étaient instituteurs.
Lycéen à Guéret, il étudie ensuite les lettres à l’université de Clermont-Ferrand (maîtrise sur le théâtre d’Artaud). Son premier texte paraît lorsqu’il a trente-sept ans, après quelques années consacrées aux études littéraires et au théâtre.
===================================
Nous sommes en 1961. Le narrateur, tout jeune instituteur est nommé, pour son premier poste, à Castelnau « Entre les Martres et Saint-Amand-le-Petit, il y a le bourg de Castelnau, sur la Grande Beune ». Il n’y a pas de gare à Castelnau, il arrive en car sous une pluie battante et prend pension dans le seul hôtel du village « Chez Hélène » « sur la lèvre de la falaise en bas de quoi coule la Beune, la grande ». "Hélène était vieille et massive comme la sibylle de Cumes, comme elle réfléchie, et de même attifée de belles guenilles, coiffée d’un fichu roulé ; son gros bras à la manche relevée essuyait la table devant moi"
La foudre le saisit au bureau de tabac devant la beauté d’Yvonne, la buraliste xdont il tombe immédiatement éperdument amoureux, une vraie passion. « Je ne crois guère aux beautés qui peu à peu se révèlent, pour peu qu’on les invente ; seules m’emportent les apparitions. Celle-ci me mit à l’instant d’abominables pensées dans le sans. C’est peu dire que c’était un beau morceau. Elle était grande et blanche, c’était du lait. C’était large et riche comme Là-Haut les houris, vaste mais étranglé, avec une taille serrée ; si les bêtes ont un regard qui ne dément par leur corps, c’était une bête ; si les reines ont une façon à elles de porter sur la colonne d’un cou une tête pleine mais pure, clémente mais fatale, c’était la reine. »
Des pages sensuelles qu’elles soient impétueuses ou limpides, rugueuses ou douces, me transportent dans un lieu où le paysage, le bestiaire de Lascaux, la mythologie s’entremêlent dans une poésie vibrante.
Je n’ose en dire plus, non pas par le suspens qui en découle, non, il n’y en a pas, mais je ne saurais définir, sans les abîmer la beauté des mots, des phrases, l’atmosphère et la Beune, immuable, qui continue de couler.
Superbe coup de cœur