Kim Da-Eun - Le jardin interdit
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4ème de couverture :
Le 1er mars 2019, les Coréens ont fêté le 100e anniversaire de la déclaration du Mouvement d’indépendance de la Corée. La romancière Kim Da-eun, dans Le Jardin Interdit, met en scène quelques acteurs de cette époque tragique, tourmentée, marquée par la lutte entre la modernité imposée par le colonisateur et une tradition soucieuse avant l’heure de l’environnement. On découvre parmi de nombreux personnages, le nouveau gouverneur japonais, fier de l’immense bâtisse de l’administration coloniale qui fait violence à l’architecture traditionnelle coréenne : elle fut construite devant et sur le site du Gyeongbokgung, palais des rois de Joseon, pour humilier le pouvoir et le peuple. Mais le gouverneur, féru de la nouveauté et de la modernité, soucieux de réorienter la politique coloniale et de construire sa nouvelle résidence sur un lieu propice, décide de faire appel aux géomanciens de Joseon, détenteurs d’un corps de technique, nommé pungsu. Intrigue au Pays du Matin calme…
L’autrice (site de la maison d’édition) :
Kim Da-eun est une écrivaine sud‑coréenne. Docteur ès lettres de l’université de Paris 8, elle est devenue romancière après avoir remporté le concours du journal coréen Kukmin Ilbo avec le texte Le Pays qui te ressemble. Elle a publié plusieurs romans (La Lettre d’amour étrangère, Love Bug, Le Secret de Hunminjeongeum, Une lettre de révolte, Le Jardin interdit, La Douzième Chaise à Varsovie), et des recueils de nouvelles (Imagination dangereuse, Le Blues des mangeurs de rat, etc.) Elle a également publié plusieurs recueils de lettres d’écrivains coréens. Elle enseigne la création littéraire à l’université des arts Chugye (Séoul).
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Le prologue, les lettres de la mère du gouverneur général du Joseon (ancien nom de la Corée) où elle lui rappelle sa révélation « Tu m’avais dit que, dans le ciel bleu qui te fascinais, un immense œuf rouge et rond avec au centre une tache noire avait murmuré à tes oreilles -Si tu bâtis une maison de vie, tu auras pour toujours le Joseon à tes pieds ».
La Corée est sous le joug du Japon depuis plusieurs années. Le jour de son investigation, le nouveau gouverneur est victime d’un attentat et décide la construction d’une maison près de ce bâtiment à étages qu’est le parlement qui lui permettrait d’asseoir son pouvoir. Ce bâtiment dissonant du point de vue architecture a été construit devant l’ancien palais pour bien montrer aux coréens qu’il n’y a plus de roi et que le pays est devenu japonnais. Le gouverneur-général décide de confier la tâche de trouver le terrain propice aux géomanciens coréens et Kim s’en voit chargé. Coréen, il est partagé entre obéir aux ordres du japonnais, l’envahisseur, et son âme coréenne qui refuse cette intrusion. Commence un jeu subtil entre les deux hommes. Doit-il agir comme géomancien ou citoyen coréen ? Pour ne pas que la maison se construise sur la résidence du palais, Kim propose le jardin interdit où seul le roi pouvait déambuler.
« Bien que le Japon ait annexé le Joseon et qu’il domine le pays, il ne faut pas qu’il possède la matrice de la terre. Il ne faut pas que nous soyons privés de la terre où la vie du Joseon est conçue. On peut être dépouillés du pays tout entier, mais on ne doit pas être dépouillés de cette petite partie. Si l’on bâtit la résidence dans le palais, il se peut, du poins de vue de la géomancie, que le Japon règne pour toujours sur le pays. »
Le gouverneur utilise les croyances coréennes selon son bon vouloir. Au Joseon (ancien nom de la Corée), à chaque naissance, on place le cordon ombilical et le placenta dans une jarre que l’on enterre. Haruki, agent spécial du gouverneur est à la recherche des jarres royales pour décorer l’allée menant à la future maison pour bien montrer au coréen qu’il n’y aurait plus de dynastie coréenne régnant sur le pays, que seul le Japon règne et régnera.
Serin, la seule femme du roman, coréenne a pris la foi chrétienne et fréquente l’ancien restaurant à gisaeng (geishas) devenu un foyer pour femmes où elle se sent bien et comprise. On lui fait confiance, apprend l’anglais et un peu de japonais. Elle est mandatée pour traduire les propos du géomancien
J’ai découvert la géomancie, composante principale de ce roman. Rechercher un, lieu propice ou impropre à une construction en harmonie. Tout l’art de choisir un terrain
La Corée est féminine, le schéma du jardin interdit ressemble au vagin féminin.

Chacune à sa manière résiste. Serin, se libère du joug japonnais en se mettant sous l’aile chrétienne ; Myeongwood, jeune femme disparue, militante de l ’indépendance, dont on a découpé l’utérus avec un soin chirurgical et la Corée sous la protection de Kim le géomancien
Kim Da-Eun, à travers le géomancien, parle de son pays, terre nourricière, assaillie, souillée par les chinois, les japonnais, mais qui résiste ( Myeongwood). Le palais en est la matrice.
Un livre subtil, dense, riche en enseignements tout en restant fluide. Tout est métaphore, image pour parler de la colonisation, de la suprématie japonaise sur la Corée et la résistance des coréens. L’art des envahisseurs qui tour à tour rejettent ou acceptent la culture, les traditions coréennes pour mieux s’en servir.
Il faut prendre son temps pour entrer dans le livre où chaque chapitre porte le nom du narrateur, ce qui simplifie grandement la lecture.
Découvertes d’une autrice et d’une maison d’édition très intéressantes.
J'ai découvert ce livre sur lecteurs.com, chroniqué par Sandrine