Pascal Garnier - L'A26
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4ème de couverture :
D’abord il y a Yolande, tondue à la Libération. Qui depuis ne sort plus. Regarde juste à travers le trou de la serrure. Et puis il y a Bernard, le frère, ancien de la SNCF. Qui a sacrifié sa vie pour Yolande. Qui se débat entre sa sœur et les pinces du cancer.
C’est dans le Nord, au milieu de sombres champs de boue, non loin de l’A 26 encore en construction, prête à servir, en coulées de béton, de cimetière discret pour jeunes filles égarées…
Après Comment va la douleur ? ou La Théorie du panda (Prix du polar 2008 de Montigny-lès-Cormeilles), Pascal Garnier confirme son art du suspense et du scénario, comme sa virtuosité diabolique dans le flegme qu’il tient du roman noir. On ne s’étonnera pas qu’il ait reçu le Grand Prix de l’Humour noir pour Flux en 2006.
L’auteur (site de la maison d’édition) :
Figure marquante de la littérature française contemporaine, Pascal Garnier (1949-2010) avait élu domicile dans un petit village en Ardèche pour se consacrer à l’écriture et à la peinture. Merveilleux romancier d’atmosphère, il excelle dans l’art du détail juste, du portrait en taille-douce et du dialogue plus vrai que nature – avec un humour ravageur. Pascal Garnier a reçu le Prix de l’Humour noir pour Flux, et le Grand Prix de la SGDL pour Chambre 12. Zulma a publié treize de ses romans, dont Comment va la douleur ?, la Théorie du panda ou Lune captive dans un œil mort, traduits dans une dizaine de langues.
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« Le troisième réverbère au bout de la rue vient de s’éteindre brusquement. Yolande ferme son œil collé au volet. »
Yolande, à la Libération a été rasée parce qu’elle n’avait pas voulu coucher avec certains « bons français », qui faisaient du marché noir. Depuis, elle ne sort plus de chez elle, tous volets fermés. Elle regarde la rue avec le passage du car scolaire, du camion de ce con de boucher, par un trou qu’elle nomme « le trou du cul du monde » ou « le nombril » selon son humeur.
Bernard, son frère employé à la SNCF veille sur elle. Il a arrêté sa vie pour l’accompagner dans sa folie. Depuis quelques temps, le crabe l’accompagne. Son sort est scellé, il va mourir. « Il (Bernard) est de plus en plus fatigué, de plus en plus maigre. Son corps est comme la maison, creusé de galeries. Où je vais le mettre quand il sera mort ? Il n’y a plus de place nulle part… On s’arrangera, on s’est toujours arrangé depuis le temps. Rien n’est jamais sorti de cette maison, même les W.C sont bouchés. On garde tout. Un jour on n’aura pus besoin de rien, tout sera là, pour toujours. »
La maison ? Un vrai dépotoir où les rats s’en donnent à cœur joie. Rien n’est jeté « Yolande fredonne tout bas, accompagnée par le grignotement des souris et la respiration difficile de Bernard dans la chambre à côté. »
Dans ce bled du nord, le chantier de la future autoroute A26 est en cours avec ses immenses trous, ses engins, son bruit. D’ailleurs, le chantier de l’avenir a débuté en même temps que le cancer de Bernard. D’un côté la vie future, de l’autre, la mort prochaine. Bernard est pris par ses pulsions… « Fort comme la mort !… Je suis fort comme la mort »
Et puis, il y a les autres, le patron du bistrot, un vrai con, marié à Jacqueline -Bernard et elle s’aimait et devait se marier-… C’était sans compter ce qui est arrivé à Yolande. Alors, elle a épousé l’autre.
Une ville, un quartier misérable étouffé entre leur haine post seconde guerre mondiale et le modernisme représenté par l’A26 en construction, là où on dépose des cadavres.
Un roman noir détaillé, ciselé, descriptif, grinçant dans la grisaille du nord, des personnages crédibles dans leur folie. Une ambiance sombre, suffocante, glauque avec quelques tournures ironiquement grinçantes . Pascal Garnier dissèque ce petit monde, la folie de la sœur, le cancer qui désinhibe le frangin, leur déchéance, la haine des autres, la petitesse.
Un livre qui ne se lâche pas avant la dernière page.
Atmosphère, atmosphère…