Olivia Elkaim - Je suis Jeanne Hébuterne
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Je suis Jeanne Hébuterne
Olivia Elkaim
Editions Stock
Août 2017
248 pages
ISBN : 9782234079700
4ème de couverture :
Jeanne Hébuterne est une jeune fille quand, en 1916, elle rencontre Amedeo Modigliani. De quinze ans son aîné, il est un artiste « maudit », vivant dans la misère, à Montparnasse. Elle veut s’émanciper de ses parents et de son frère, et devenir peintre elle aussi. Ils tombent fous amoureux. De Paris à Nice - où ils fuient les combats de la Première Guerre mondiale –, ils bravent les bonnes mœurs et les interdits familiaux. Mais leur amour incandescent les conduit aux confins de la folie.
L’autrice (site de la maison d’édition)
D’origine algérienne, journaliste chargée de la bioéthique au journal La Vie, romancière, Olivia Elkaim est l’auteure entre autres de Nous étions une histoire (Stock, 2014) et de Je suis Jeanne Hébuterne (Stock, 2017…
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Décembre 1916
« Hier soir je suis tombée amoureuse d’Amedeo Modigliani. »
Ainsi débute le livre ; une histoire d’amour entre le peintre de trente-deux ans et une jeune fille de dix-huit ans au goût de souffre et de scandale.
Pour lui, elle renonce à une vie tranquille de la petite bourgeoisie parisienne, même si elle tente, un peu, de résister . S’ensuivent trois années de passion destructive pour Jeanne qui connaît la misère, la faim, le froid. Elle est détruite par l’autorité de Modigliani qui ne veut pas la reconnaître comme peintre. Il ne peut y avoir deux talents dans un ménage et l’artiste, c’est lui, pas elle. La fin est écrite d’avance, elle est inéluctable
La voici enfermée dans sa passion. Modigliani fait la fête avec ses copains, disparaît des semaines avec une autre conquête. Jeanne l’attend. Elle ne peut vivre sans lui. Lorsqu’il est présent, il l’a détruit et lorsqu’il part, c’est son absence qui la détruit.
Ce qui est intéressant dans ce livre c’est la mainmise, depuis sa plus tendre enfance, de son frère aine, André, présentement parti à la guerre.
« Tout m’emprisonne : André, ses cartes postales, l’attente de ses permissions et de ces moments où il me murmure que notre amour est indépassable… Mon sang irrigue ton cœur qui fait vivre mes poumons. Connais-tu un amour plus fort que cela ? »
Une prise de possession, de l’âme de sa sœur, une relation fusionnelle à la limite de l’inceste, du malsain, qui se transforme en une haine farouche. il préfère voir sa sœur au couvent que dans les bras de ce barbouilleur alcoolique, héroïnomane, infidèle, sale et… bien entendu, très mauvais peintre.Voici, entre autre, ce qu’il lui écrit « As-tu pensé à te retirer pour quelques jours dans un couvent ? Des sœurs t’accueilleraient. Elles ne te demanderaient rien, juste de te joindre à leurs prières. Et tu pourrais travailler sereinement ».
André peint lui-même. Oh ! Pas ces choses vulgaires qui sont à la mode ! Non, des paysages très académiques. De retour de la guerre, devenu plus bigot que croyant, il la chasse avec une haine et un mépris palpable parce qu’elle lui a échappé, elle a décidé de vivre sa vie sans lui en référer auparavant. Lorsque un charretier vient avec, dans ses bras, le corps mort de Jeanne, il a ces mots terribles « Cette personne n’habite pas ici » tout en marmonnant un Kyrie eleison. Quel est ce frère qui refuse une sépulture décente à sa sœur, parce qu’elle a eu le tort d’en aimer un autre, de le déposséder de son bien, apparemment le plus cher ?
Que dire des amis de Modigliani lorsqu’à sa mort, ils rejettent Jeanne enceinte d’un second enfant !
Jeanne est seule, a toujours été seule et sous influence de son frère puis de Modigliani, elle s’est totalement oubliée. Olivia Elkaim la fait revivre en employant le « Je » dans son livre. Elle;lui donne sa place dans la vie de Modigliani et un nom : sur sa tombe.
J’ai aimé la passion qui transparaît dans les mots d’Olivia Elkaim, l’urgence dans la rythmique des phrases. Un livre lu d’une seule traite.