Hannelore Cayre - Richesse oblige
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4ème de couverture :
Dans les petites communautés, il y en a toujours un par génération qui se fait remarquer par son goût pour le chaos. Pendant des années l’engeance historique de l’île où je suis née, celle que l’on montrait du doigt lorsqu’un truc prenait feu ou disparaissait, ça a été moi, Blanche de Rigny. C’est à mon grand-père que je dois un nom de famille aussi singulier, alors que les gens de chez moi, en allant toujours au plus près pour se marier, s’appellent quasiment tous pareil. Ça aurait dû m’interpeller, mais ça ne l’a pas fait, peut-être parce que notre famille paraissait aussi endémique que notre bruyère ou nos petits moutons noirs… Ça aurait dû pourtant…
L’autrice (site de la maison d’édition) :
Hannelore Cayre est avocate pénaliste, elle est née en 1963 et vit à Paris. Elle est l'auteur, entre autres, de Commis d'office, Toiles de maître et Comme au cinéma. Elle a réalisé plusieurs courts métrages, et l'adaptation de Commis d'office est son premier long métrage.
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Blanche enterre tante Yvonne et, pour avertir ses amis, ceux de tata Yvonne, elle a acheté l'encart le plus cher du Figaro. Diantre ! Il faut dire que Blanche s’appelle Blanche de Rigny, ça sent sa vieille France, d’autant que l’inhumation a lieu dans le caveau de famille « entre la famille Dassault et la famille Bouygues » au cimetière du Trocadéro, du beau linge. Chez les de Rigny, ça tombe comme des mouches en ce moment, six en moins d’un an.
Vient à l’idée de Blanche de retracer la vie, comme elle l ‘entend et comme elle a cherché, d’Auguste, l’ancêtre qui la lie à cette famille bourgeoise ou noble, mais je dirai noblesse napoléonienne. Car elle veut le remercier « du geste qu’il a accompli envers ma famille »
Blanche déroule la vie imaginaire de son ancêtre et montre l’abjection de la traite des blancs, de la possibilité, très officielle et encouragée, d’acheter « un pauvre » pour aller se battre et donc mourir à sa place.
Tout esprit libre penseur et social que se présente ou se pense Auguste, il accepte par lâcheté qu’un autre soit payé pour se faire tuer à sa place. Blanche met le doigt sur cette ambivalence.
Au cours du livre j’apprends le pourquoi du nom de Blanche alors -pardonnez la suite - qu’elle est née de basse extraction (comme l’on dit au 19ème siècle et 16ème arrondissement). Et puis, suite à un grave accident,
« La famille de Blanche a poussé tel un petit rameau discret au pied d’un arbre généalogique particulièrement laid et invasif qui s’est nourri pendant un siècle et demi de mensonges, d’exploitation et de combines. Qu’arriverait-il si elle en élaguait toutes les branches pourries ? »
Et de la branche pourrie, du profiteur, il y en a !
Oui, Hannelore Cayre envoie du lourd, du très lourd et les idées qu’elle met dans la bouche de Blanche ne doivent pas être très loin des siennes. Blanche s’en donne à cœur joie contre les bourgeois, le capitalisme. La famille de Rigny fait des affaires, de très juteuses affaires, avec l’occupant « Guerre et travaux publics ; quel beau mariage ! » « Cette collaboration avec les autorités prussiennes consistait dans la remise en état des ponts et des voies ferrées menant leurs troupes vers Paris ainsi que celle des forts pour qu’ils tirent à leur aise sur les Parisiens, mais là n’était pas le sujet parce que les affaires marchaient si bien qu’il avait déjà procédé en à peine quatre mois à une augmentation de capital. »
« Mon micro-appartement étant situé juste à côté du boulevard de Sébastopol, j’étais aux premières loges des manifs qui s’enquillaient semaine après semaine. Les participants avaient beau être toujours différents… Je n’y voyais que l’expression du même sentiment de désarroi face à la fin du monde. Ça ne se passera pas comme à Hollywood »
Ah oui, ça chers lecteurs, c’est du lourd, du skud, du sans filtre sur la bourgeoisie d’hier et d’aujourd’hui, rien n’a change, tout a peut-être empiré. « Il suffisait d’avoir lu Balzac , Zola ou Maupassant pour ressentir dans sa chair que ce début de XXIè siècle prenait des airs de XIXe. »
Lorsque Blanche dit « D’abord le chaos social, ensuite un régime autoritaire que la population appellerait de ses vœux pour maintenir l’ordre. Et puis, qui sait, la guerre. » je crains qu’elle ne soit dans le vrai. Il n’y a qu’à regarder ce qui se passe autour de nous et dans le monde entier.
Hannelore Cayre, j’aime vos coups de pieds dans la mare aux canards, j’aime savoir que je lirai un autre livre de votre franc-parler, plutôt votre franc-écrire
Un roman noir décapant, jouissif, coup de cœur. Une découverte des éditions Métaillié qui créé un univers peut-être pas très loin de la réalité