Anna Seghers - La septième croix

La septième croix

Anna Seghers

Traduction Françoise Toraille

Editions Métaillié

janvier 2020

448 pages

ISBN : 9791022609937

 

4ème de couverture :

Dans les années 30, sept opposants au nazisme s’enfuient d’un camp. Un formidable appareil policier est mis en branle pour les retrouver et sept croix sont dressées. Aidés par la solidarité ouvrière ou bien trahis par des voisins ou des inconnus, combien des fugitifs seront capturés ?

Dans ce roman de l’Allemagne nazie écrit pendant son exil en France, Anna Seghers dresse une fresque polyphonique et dépeint une société dans laquelle le national-socialisme et la montée du totalitarisme révèlent en chacun les aspects profonds de son être : héroïsme insoupçonné de l’un, lâcheté d’un autre, ou simple peur existentielle et fragilité face à un système conçu pour broyer toute résistance visant non seulement l’individu mais sa famille, ses proches.

Anna Seghers, qui, pour écrire son récit, a longuement écouté et recueilli les témoignages d’exilés, trace le portrait d’une humanité proche de nous : « Nous avons tous ressenti comment les événements extérieurs peuvent changer l’âme d’un être humain, de manière profonde et terrible. Mais nous avons également ressenti qu’au plus profond de nous il y avait aussi quelque chose d’insaisissable et d’inviolable. »

Ce roman, publié pour la première fois aux États-Unis en 1942, a connu un immense succès international : il a même été envoyé aux soldats américains partis libérer l’Europe.

L’autrice (site de la maison d’éditions) :

Anna SEGHERS est née à Mayence en 1900 et morte à Berlin en 1983. Membre du Parti communiste allemand, elle est arrêtée par la Gestapo en 1933 puis relâchée ; ses livres sont interdits en Allemagne et brûlés. Elle quitte donc l'Allemagne pour la France, puis le Mexique. En 1947, elle retourne à Berlin.

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Années trente, nous sommes en hiver, le camp de Westhofer abrite (si peu et si mal) des prisonniers allemands hostiles au régime d’Hitler. Sept hommes arrivent à s’enfuir : Heisler, Wallau, Beutler, Pelzer, Belloni, Füllgrabe, Aldinger. Dans le camp, les prisonniers, malgré un regain de brimades, ne peuvent cacher leur sentiments sur ces évasions. « Notre sentiment, nous étions incapables de le cacher, excitait encore davantage nos tortionnaires. Pour la plupart d’entre nous, ces évadés étaient à ce point une partie de nous-même qu’il nous semblait que nous les avions envoyés en émissaires. Même si nous avions tout ignoré du projet, nous avions l’impression d’avoir réussi une entreprise rare. »

Commence alors une véritable chasse à l’homme. Non seulement le système policier et militaire est déclenché, mais, la population, surtout masculine, se met à la recherche des fuyards.

Quatre sont repris, le cinquième est mort d’épuisement à la vue de son village et le sixième s’est rendu… Il n’en reste qu’un, Georg Heisler.

Le commandant Fahrenberg, qui dirige le camp, fait abattre 7 arbres et dresser 7 croix pour y crucifier les fuyards. En attenant le septième, les survivants y ont droit.

Georg Heisler a réussi, jusqu’à présent, à ne pas se faire reprendre. Présentement, il se cache dans une ferme à Bucheneau qui est fouillée par des SA, dont le propre propriétaire de la ferme. Voici les paroles de sa seconde femme « Ces enfants que j’avais remis debout, en suant sang et eau, ils sont redevenus l’engeance impertinente qui en fait correspond à leur nature première. Albrecht (son mari) est redevenu la vraie brute qu’il était. Hélas ! » Oui, ils sont devenus SA, font partie, pour les enfants, des jeunesses hitlériennes. »

L’organisation de la jeunesse hitlérienne altère le comportement des gamins. « Tous ces garçons et ces filles, là dehors, une fois qu’ils avaient derrière eux la Hitler Jugend, l’organisation des jeunesses hitlériennes, puis le service de travail et l’armée, ils étaient semblables aux enfants de la légende qui, élevés par des bêtes, finissent par déchirer leur propre mère »

Pour certains, porter la chemise brune n’est pas forcément fait de gaieté de cœur mais « Non qu’il fût impossible de vivre sans porter une chemise brune, mais il voulait pouvoir travailler, se marier et hériter en paix, ce qui dans le cas contraire, lui aurait sans aucun doute été rendu impossible. » ou, « Il y a un an et demi, il était entré dans la SA parce que le souvenir de ses cinq années de chômage le terrifiait… Si tu n’adhères pas aujourd’hui, demain tu perds ton boulot lui avait-on dit. »

Les parents ne peuvent rien faire, ou n’ose rien faire devant la montée du nazisme, la vie familiale est en jeu. « Il pensait à ses propres fils… Au-dehors, ils enfilaient tous deux les chemises qu’on leur demandait de porter et criaient Heil quand on l’attendait d’eux. Avait-il fait tout ce qui était en son pouvoir pour stimuler leur opposition ? Pas le moins du monde ! Parce que ça aurait signifié la destruction de la famille, la prison, le sacrifice de ses fils. Il aurait été obligé de choisir -c’est là que se creusait un fossé. Pas seulement pour lui, Gültscher, mais pour bien des gens. »

D’autres, au contraire l’arbore avec fierté et orgueil. ‘Maintenant, nous n’avons plus besoin d’un Fûrher, d’un guide...Nous en avons déjà un, et le monde entier nous l’envie. »

Les maisons des juifs expulsés sont rénovées et « assainies » pour que de bons allemands puissent y vivre et prospérer, c’est le travail d’Alfons Mettenheimer, peintre en bâtiment. D’ailleurs cet homme est convoqué par la Gestapo. Sa fille a épousé le fugitif, même si l’union n’a duré que quelques semaines, ils l’interrogent, l’intimident

Etre convoqué à la police signifie peur « La peur qui n’a rien à voir avec la conscience, la peur des pauvres, la peur de la poule devant le vautour, la peur des poursuites de l’État. C’est cette peur ancestrale qui montre mieux que toutes les constitutions et les livres d’histoire de quel côté se place l’État. »

A partir de ce postulat, Anna Seghers décrit l’Allemagne nazifiée. L’organisation de la police est stupéfiante. Les comportements changent. Les allemands se taisent hors les banalités d’usage, tout le monde espionne tout le monde. Les résistants allemands sont emprisonnés, séquestrés, torturés. Ceux qui ont eu la chance d’y échapper font profil bas.

Georg ne peut plus se fier à ses anciennes maîtresses, ses vieux copains, il ne sait plus dans quel camp ils se trouvent maintenant. Seul Paul, pourtant marié et chargé de famille a le courage de l’aider et, grâce à lui, un réseau se reconstitue. Petite lueur d’espoir, comme quoi l’humanité n’est pas encore morte face à la Bête. « Plus d’hésitation. Les anciens fils étaient renoués ou ne s’étaient jamais brisés… Il lui sembla que d’autres encore s’étaient remis en route avec elle, après une longue interruption, et maintenant, ils avançaient sans peur. »

« Et si tu oublies… C’est ce qu’ils attendent... » Alors, n’oublions pas et rappelons-nous que l’histoire peut bégayer.

Superbe lecture, prenante. Ce livre édité aux Etats-Unis en 1942, se révèle, malheureusement, d’actualité. Merci aux Editions Métaillié pour cette publication

 

 

 

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C
Le nom de l'autrice me dit quelque chose, mais sans plus. Ton billet me donne très envie de le lire. J'aime beaucoup lire sur cette période tragique.
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Z
Une autrice allemande exilée le temps de la guerre aux USA où elle a écrit ce llivre
V
le bandeau n'est donc pas mensonger… on se sent donc tout petits de ne pas l'avoir lu…
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Z
Non, il ne faut pas se sentir tout petit, mais savoir et ne pas oublier
A
Le parrallèle que tu fais avec l'époque actuelle me tente, et puis c'est un coup de coeur.
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Z
Oui, les dérives sont permanentes, certains états sont dans cette état
J
J'ai trop lu sur cette période de l'histoire ces dernières années, j'ai besoin de faire un pause. Mais je le garde en tête pour le futur ;)
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Z
J'ai remarqué cela chez moi, sans le faire esprès, mes lectures ont toujours un point commun. Pour toi, c'est cette période tragique
A
Merci d'avoir attiré mon attention sur ce livre qui va rejoindre Fallada dans ma pile à lire
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Z
Tiens, je pourrais noter également ce livre
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