Jean-François Dion - Les portes et les sons qu'elles font
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4ème de couverture :
« Le choc est d’une violence effroyable. La Nissan rouge sang s’encastre en obus dans la Twingo beige cendre. La perfore, la précipite, l’explose, la compresse et l’aplatit comme un laminoir d’aciérie contre le tronc noueux du saule ancestral étêté, un molosse impavide à l’écorce éraflée. La tragédie ne dure que quatre secondes. Les tôles se taisent. Tout se tait. »
Un homme voit sa vie bouleversée le jour où un chauffard tue sa femme et son fils unique. Quatre secondes pour changer une vie.
Un livre sur le destin, la violence d’un événement, l’enfermement d’un homme qui tente de survivre, l’obsession de la vengeance, l’impossibilité de l’assumer. Le style descriptif et minutieux de l’auteur nous enveloppe de sons glaçants.
L’auteur (site de l’éditeur) :
Homme de télévision (Canal +), amoureux du cinéma, Jean-François Dion habite aujourd’hui dans un village du sud-ouest de la France où il se consacre à l’écriture.
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"Klaxon rugissant et vitesse folle, surgit la Nissan-Juke qui franchit la igne blanche continue, dépasse en aveugle la bétaillère, percute de plein fouet la Twingo qui amorce le virage."
Le narrateur ouvre et ferme les portes de sa mémoire pour raconter sa vie d’avant et d’après l’accident qui a coûté la vie à sa femme et son fils. La porte de sa vie d’avant se ferme, tout comme celle de l’hôpital. Tout bascule, et ce sont les portes de la prison qui se font entendre. L’homme éprouve le besoin d’une retraite dans un monastère. Là aussi, les portes se ferment le temps de son hébergement. Un jour, elle s’ouvriront.
Un livre pas facile à résumer pour ne pas trop dévoiler les évènements tragiques. Et puis, c’est le cheminement mental du narrateur qui est important avec les allers et retours dans ses souvenirs, comme des flashs. Je suis son cheminement qui l’emmène vers la vengeance puis la rédemption, de la douleur atroce, du besoin d’aller sur les lieux de l’accident "Certains vont au cimetière visiter leurs morts qui y son enterrés, moi je viens au Croisement où sont morts les miens dont il ne reste rien." jusqu’à une certaine sérénité (même pas certaine que le mot soit juste). J’ai aimé le temps du monastère où, petit-à-petit, la quiétude des lieux agissent sur lui. Un temps d’arrêt et de repos propice à la réflexion pour cet homme qui n’a pas la foi. « Je ne crois pas en Dieu, c’est la foi qui m’attire. La foi. Croire. Croire à l’invisible. Accueillir des certitudes….Et quand par illusion imprudente, restant pourtant caché, je pose mes yeux sur elle, et que le désir d’elle me prend, cette garce me hèle et me convoque, m’aguiche, m’incite, me racole. Et me fuit ». Une réflexion que je pourrais faire mienne. J'ai aimé où le poussaient ses réflexions.
Non, il ne regrette pas son geste, il devait le faire, même si cela ne lui apporte pas la sérénité, d’ailleurs, il s’en doutait.
Avez-vous remarqué le titre, les portes ne font pas de bruit, elles émettent des sons, c’est là toute la différence. Sons différents selon les lieux et instants. J’aime ce titre tout comme l’écriture lente, minutieuse, qui prend le temps de la réflexion, de la description, le temps de l’observation de l’Ange... J’entends le bruit des pas dans le monastère, les bruits des portes dans la prison. Je le vois, ombre parmi les autres. Je suis sa très lente et laborieuse reconstruction ou plutôt, le cheminement de sa vie, car, comment se reconstruire après un tel drame, la vie continue, c’est tout et le narrateur doit faire avec.
"Les portes des prisons sont faites lourdes pour qu'aucun homme ne désire y entrer ; celle du couvent l'est tout autant afin que déplorent son poids ceux qui en sont expulsés."
Je regrette quelques passages, peu, un peu trop pontifiants, lourds, mais je n’ai pu lâcher le livre qui une fois refermé amène des réflexions sur la vie, la mort, la perte d’êtres chers, la solitude qui en découle. Le besoin de vengeance est-il inéluctable ?
Un bon texte, un nouvel auteur et une maison d’éditions à suivre.