Laurent Binet - Civilizations
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Civilizations
Laurent Binet
Editions Grasset
14/08/2019
384Pages
ISBN : 9782246813095
4ème de couverture :
Vers l’an mille : la fille d’Erik le Rouge met cap au sud.
1492 : Colomb ne découvre pas l’Amérique.
1531 : les Incas envahissent l’Europe.
À quelles conditions ce qui a été aurait-il pu ne pas être ?
Il a manqué trois choses aux Indiens pour résister aux conquistadors. Donnez-leur le cheval, le fer, les anticorps, et toute l’histoire du monde est à refaire.
Civilizations est le roman de cette hypothèse : Atahualpa débarque dans l’Europe de Charles Quint. Pour y trouver quoi ?
L’Inquisition espagnole, la Réforme de Luther, le capitalisme naissant. Le prodige de l’imprimerie, et ses feuilles qui parlent. Des monarchies exténuées par leurs guerres sans fin, sous la menace constante des Turcs. Une mer infestée de pirates. Un continent déchiré par les querelles religieuses et dynastiques.
Mais surtout, des populations brimées, affamées, au bord du soulèvement, juifs de Tolède, maures de Grenade, paysans allemands : des alliés.
De Cuzco à Aix-la-Chapelle, et jusqu’à la bataille de Lépante, voici le récit de la mondialisation renversée, telle qu’au fond, il s’en fallut d’un rien pour qu’elle l’emporte, et devienne réalité.
L’auteur (site de l’éditeur) :
Laurent Binet est l’auteur de HHhH (Grasset, 2010 - prix Goncourt du premier roman) et de La septième fonction du langage (Grasset, 2015, prix du roman Fnac, prix Interallié). Il a été professeur de lettres pendant dix ans en Seine-Saint-Denis.
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Et si on refaisait le monde… Et si…
Et si Christophe Colomb n’avait pas découvert l’Amérique, et si… C’est le postulat de départ du dernier livre de Laurent Binet.
Une uchronie où l’auteur semble s’être amusé à jouer en transposant certains évènements, en parodiant, en inventant.
Vous me feriez bien une petite valse à l’envers, allez, hop !! les filles d’Erik le Rouge voguent en descendant vers le sud, conquièrent des contrées où les habitants meurent après quelques mois de cohabitation. Et oui, ils possèdent ces fameux anticorps qui les protègent de maladies et leurs permettent de gagner des pays inconnus et puis, la tribu de Freydis possède le fer, ce qui change beaucoup de choses. Les populations se mélangent au gré des amours et des naissances.
Dans son journal (quelque peu différent de l’original!) Christoph Colomb raconte qu’il est prisonnier du roi Taïnos, et enseigne le castillan à sa fille, Higuénamota -nous verrons plus tard l’utilité de cet apprentissage-.
Tout n’est pas d’or au pays des Incas. Huascar qui règne à Cuzco, l’empire des quatre quartiers défait son demi-frère Atahualpa. Ce dernier quitte Cuba sur les caravelles de Christophe Colomb, prend la direction de l’est et se retrouve à Lisbonne, lors d’un tremblement de terre. Ils sont recueillis par des tondus qui vénèrent un dieu clouté (traduction : dans un monastère tenu par des moines).
Fidèle d’entre les fidèles, la princesse taïno Higuénamota, vous savez celle qui a appris le castillan avec Colomb, sait aussi bien enflammer le regard que négocier habilement. L’inca Atahualpa, personnage omniprésent, omnipotent et quelque peu sage, sans se départir de ses traditions, mène la danse. Il défait Charles Quint, prend le pouvoir en Espagne. Atahualpa a du génie et impose sa façon de gouverner et régenter la vie des populations. Question religion, l’empereur est tolérant à condition que l’on vénère également son dieu Soleil. Il continue sa progression vers l’est et fonde un Empire. Mais... les mexicains, aidés des anglais vont jouer un bel air de carioca à Atahualpa
Les incas découvrent et adorent un certain breuvage noir qui enivre, le vin bien sûr. Nos moutons deviennent, c’est quasi logique, de petits lamas blancs, les tondus lisent des livres qui parlent.….
A Tolède, une réécriture du massacre de la Saint Barthélémy avec celui des catholiques de Tolède par Atahualpa et ses amis. Une autre vision du camp du Drap d’Or...
Je me demande si Laurent Binet ne profite pas de l’occasion pour évoquer, appeler de ses voeux, une société plus égalitaire, plus humaine comme celle qu’Atahualpa met en route avec le soutien des pauvres, des hérétiques selon la doctrine catholique
L’écriture imagée, imaginative de Laurent Binet fait que je ne me suis jamais ennuyée à lire ce livre jubilatoire. Une fois refermé, cette uchronie prend une autre dimension et amène à réfléchir sur notre monde actuel. Parce que, en tout premier, il y a le plaisir jubilatoire de la lecture, puis vient la réflexion, comme dans La septième fonction du langage.
Ce que je viens d’écrire est plat, très loin de la jubilation des mots de ce livre qui parle. J’espère vous avoir donné, un tout petit peu, l’envie de le lire.