Djaïli Amadou Amal - Munyal les larmes de la patience

Munyal Les larmes de la patience

Djaïli Amadou Amal

Editions Proximité

2019

 

4ème de couverture :

Ramla, Hindou et Safira ! Trois femmes, trois histoires, trois destins plutôt liés.

Ramla est mariée à Alhadji Issa, l’époux de Safira. Sa sœur Hindou épousera son cousin Moubarak.

A toutes, l’entourage n’aura qu’un seul et même conseil : Munyal ! Patience !

Mariage forcé, violences conjugales et polygamie, Munyal, Les larmes de la patience, brise les tabous en dépeignant à une dimension nouvelle, la condition de la femme dans le Sahel.

L’autrice (site lecteurs.com) :

Djaïli Amadou Amal est une écrivaine camerounaise engagée contre les discriminations sociales et la condition de la femme dans le Sahel.

Son roman Munyal, les larmes de la patience, paru en 2017 chez Proximité, traite des questions des violences conjugales dans les mariages polygamiques. Ce roman lui permet, une fois de plus, d’irriguer de sa sensibilité le rude combat de l’émancipation de la femme dans le Sahel et en Afrique.

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« Munyal ! Munyal… munyal ma fille !

Combien de fois a-t-elle entendu ce mot ? Combien de personnes lui ont donné ce conseil ? Encore et toujours de la part de tous. Par toutes les circonstances douloureuses de sa vie. On le sait d’ailleurs, on ne conseille le fameux munyal comme remède souverain à tous les maux que dans les moments difficiles. On le sait, c’est dans la douleur qu’on dit à une personne : « supporte ! ». »

Et les femmes peules supportent, supportent, supportent.

Ramla et Hindou, deux demi-sœurs, le père a plusieurs épouses, sont mariées le même jour. Ramla très instruite, aurait tant aimé être pharmacienne, d’ailleurs c’était son plan avec Aminou son jeune fiancé qu’elle aime. Le couperet est tomé, l’oncle l’a promise à un autre,le père s’y soumet, rompt ses fiançailles pour la marier à un riche cinquantenaire dont elle sera la seconde épouse. C’est mieux pour les affaires familiales.

Malgré les supplications, il n’en sera pas autrement, Munyal les filles, munyal !!!

Patience à toi Ramla qui voulait continuer tes études et te retrouve seconde épouse avec obligation d’aider et respecter la première épouse devenue « daada-saare », c’est-à-dire que tu pourrais être corvéable à merci, sans jamais t’en plaindre bien entendu, Munyal, ma fille !

Hindou, elle, sera la femme de son cousin Moubarak, un bon à rien qui a sombré dans l’alcool, la drogue, les filles faciles…

Munyal ma fille ! et honte sur toi qui revient chez ta mère avant une année de mariage parce que ton mari a failli te tuer, que tu t’es sauvée pour protéger ta peau.« Personne ne parut plus que cela scandalisée par mon état. Ce n’était pas un crime ! Moubarak avait tous les droits sur moi et il n’avait fait que se conformer à ses devoirs conjugaux. Il avait certes été un peu brutal, mais c’était un jeune homme en bonne santé et viril ! En plus, j’étais belle comme un cœur ! Il ne pouvait que perdre la tête par tant de charmes. » Munyal ma fille !

Bonnes conseillères, les tantes énumèrent la liste des courses, pardon, de ce qu’elle DOIT être pour son époux chéri :

« Je dois soumission à mon époux !

Je dois être son esclave afin qu’il me soit captif !

Je dois être sa terre afin qu’il soit mon ciel !

Je dois être son champ afin qu’il soit ma pluie !

Je dois être son lit afin qu’il soit ma case !

Je dois épargner mon esprit de la diversion !

Si j’avais compris les conseils de mon père, j’aurais été soumise au désir de mon époux et ainsi, il n’aurait pas été obligé de me brutaliser. J’aurais dû m’estimer heureuse qu’il m’honore. »

Surtout après une nuit de noces terminée à l’hosto avec plusieurs points de suture suite à un viol répétitif ! Le jeune époux pour être certain d’assurer a pris des pilules de Viagra avec alcool et autres drogues, un vrai bouc en rut. Munyal, ma fille, munyal !

« Oui Baaba, je sais, j’ai compris tous tes conseils. Avec mon époux, je ne dois jamais bouder, être colérique ou bavarde, dispersée ou suppliante. Je dois me montrer pudique, reconnaissante, patiente, discrète. Le valoriser, respecter sa famille, me soumettre à elle. Lui apporter mon aide, préserver sa fortune, préserver sa dignité, réserver son appétit. Epargner sa vue, épargner son ouïe, épargner son odorat ». Lorsque Hindou marmonne ainsi, on la traite de folle, de possédée !!

Ce n’est pas mieux du côté de la première épouse, Safira. Elle qui a régné en maîtresse pendant vingt ans sur le coeur et le corps de son époux, le voici qui entre dans la concession au bras d’une jeune épousée, trop jeune. La voici devenue « daada-saare », guide de la maison « Si la maisonnée vit en harmonie , c’est à son mérite et à elle les compliments. Elle jouira alors de considération et estime car elle se sera montrée digne. Si au contraire il y a discorde, alors on indexe logiquement l’aînée ! Ça sera sa faute, de son incapacité à gérer la famille »… La daada-saare est la poubelle de la maison, tous les détritus reviennent sur elle. Elle est le pilier de la concession, le pilier de toute la famille. » Munyal ma sœur, munyal !! Elle entre en résistance et veut en sortir victorieuse, cette nouvelle épouse doit être répudiée. Une grosse partie de sa fortune en bijoux, qu’elle revend, passe chez les marabouts et autres charlatans, jusqu’à ce qu’elle ait une idée de génie (malfaisant). Le grand bénéficiaire est le mari qui feint d’ignorer les tensions, la guerre larvée que mène Première Epouse.

La patience a ses limites, munyal ou pas. Ramla, Hindou, Safira le prouvent chacune à sa manière, selon sa propre psychologie, sa force.

Dieu ! Que le poids de la tradition, de la religion, est dur pour ces femmes peules. La tradition vient par les femmes. Comme il doit être dur d’envoyer sa fille vers un vieil homme, vers un homme qui la battra … Mais « Tu dois savoir une fois pour toutes que tes décisions n’influencent pas que ta vie ». Il y a la mère par peur d’être répudiée, la fratrie dont il faut assurer le train de vie, Les autres épouses qui guettent l’instant de la déchéance. Ce que ressent la jeune épousée n’entre jamais en ligne de compte. Munyal ma fille ! Patiente et supporte avec le sourire.

Dans la nouvelle concession, point de solidarité à attendre « Quand on se sent mal dans sa peau et dans sa vie, on en devient vite égoïste… On ne peut se sentir plus solitaire qu’au milieu des autres. »

Djaïli Amadou Amal d’une écriture simple directe m’a fait entrer dans un monde de violence frontale ou feutrée. J’ai vécu dans les trois concessions, c’est ainsi que les peules appellent leurs demeures où se côtoient beaucoup de monde, coépouses, enfants, parents, grands-parents, « lécheurs de cul » pour les plus riches.

Un coup de coeur pour ce livre au contenu si fort, si prenant, qui a reçu, cette année les prix de la presse panafricaine et Orange du Livre en Afrique. J'aimerais beaucoup que ce livre connaisse une plus grande diffusion en France.

Merci Françoise de m’avoir permis de le découvrir.

 

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A
C'est une lecture qui me mettrait trop en colère ; autant la brutalité des hommes que le manque total de solidarité entre femmes. Je me demanderai toujours pourquoi elles se font tant complices de ce système.
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Z
Parce que le poids de la tradition est le plus fort
M
Le poids de la tradition ! Difficile à se représenter parfois, surtout quand aucune solidarité féminine n’existe...
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Z
Remontons à quelques années en arrière et c'était à peu près la même chose chez nous, sauf les coépouses ! L'on demandait à l'épouse d'être vertueuse, un beau meuble et le plaisir se prenait du côté des maîtresses
M
Il a l'air poignant en effet ! Mais que de violence...j'attendrai un peu pour le lire. Merci Zazy de nous en parler
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Z
Il n'y a rien de lacrymal, mais une grosse colère
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