Didier Daenickx - Cannibale

Cannibale

Didier Daeninckx

Editions Verdier

96 pages

septembre 1998

ISBN : 9782864322979

 

4ème de couverture :

1931, l’Exposition Coloniale. Quelques jours avant l’inauguration officielle, empoisonnés ou victimes d’une nourriture inadaptée, tous les crocodiles du marigot meurent d’un coup. Une solution est négociée par les organisateurs afin de remédier à la catastrophe. Le cirque Höffner de Francfort-sur-le-Main, qui souhaite renouveler l’intérêt du public, veut bien prêter les siens, mais en échange d’autant de Canaques. Qu’à cela ne tienne ! Les « cannibales » seront expédiés.

Inspiré par ce fait authentique, le récit déroule l’intrigue sur fond du Paris des années trente – ses mentalités, l’univers étrange de l’exposition – tout en mettant en perspective les révoltes qui devaient avoir lieu un demi-siècle plus tard en Nouvelle-Calédonie.

L’auteur (site de l’éditeur) :

Né en 1949, à Saint-Denis, Didier Daeninckx a exercé pendant une quinzaine d’années les métiers d’ouvrier imprimeur, animateur culturel et journaliste localier. En 1984, il publie Meurtres pour mémoire dans la « Série noire » de Gallimard. Il a depuis fait paraître une trentaine de titres qui confirment une volonté d’ancrer les intrigues du roman noir dans la réalité sociale et politique.

Plusieurs de ses ouvrages ont été publiés dans des collections destinées à la jeunesse (Syros-Souris Noire, « Page blanche » chez Gallimard, Flammarion). Il est également l’auteur de nombreuses nouvelles qui décrivent le quotidien sous un aspect tantôt tragique, tantôt ironique, et dont le lien pourrait être l’humour noir.

Il a obtenu de nombreux prix (Prix populiste, Prix Louis-Guilloux, Grand prix de littérature policière, Prix Goncourt du livre de jeunesse…), et en 1994, la Société des Gens de Lettres lui a décerné le Prix Paul Féval de Littérature Populaire pour l’ensemble de son œuvre.

==============================

Nouvelle-Calédonie 1985, deux hommes dans une voiture sont visés par un fusil tenu par un jeune kanak à un barrage sur un chemin. Gocéné en descend pour discuter, le blanc, Caroz, est sommé de faire demi-tour. « L’homme que tu as chassé sans même essayer de l’écouter, à soixante-quinze ans comme moi. Même s’il est Blanc, il est tout aussi kanak que toi et moi : il a fait des mois de prison, chez les siens, pour avoir pris ma défense...Un Blanc en prison çà cause d’un kanak ? C’est la première fois que j’entends ça ». Alors Gocéné raconte son histoire aux deux jeunes indépendantistes.

Gocéné, né à Canala en Nouvelle-Calédonie, fut une des cent onze personnes Canaques à être envoyées à Paris pour représenter « la culture ancestrale de l‘Océanie » lors de l’exposition coloniale de 1931. Bien sûr, ils n’y sont pas allés de leur plein gré, ils ont été désignés. « Il (l’adjoint du gouverneur Joseph Guyon) a commencé par nous appeler « mes amis », et tout le monde s’est méfié. Il a rendu hommage à nos pères, nos oncles qui étaient allés sauver la mère-patrie d’adoption, pendant la Grande Guerre, avant de nous annoncer que nous partirions dès le lendemain pour l’Europe. »

Ce séjour français ne fut pas une sinécure mais une honte. Sur le panneau devant leur enclos est écrit « Hommes anthropophages de Nouvelle-Calédonie».Gocéné et les autres doivent pousser des cris, danser les seins nus pour les femmes, manger de la viande crue, pour bien attester du « bon sauvage ». Est-ce là leur culture ? Certains seront mêmes échangés, à un zoo allemand, contre des crocodiles vivants . « En échange je leur ai promis de leur prêter une trentaine de Canaques. Ils nous les rendront en septembre, à la fin de leur tournée. » ; c’est dire la considération que nous avions des habitants de nos colonies. Le maréchal Lyautey, dans son discours, lors de l’inauguration de l’exposition coloniale a dit : «  une leçon d’union entre les races qu’il ne convient pas de hiérarchiser en races supérieures ou inférieures, mais de regarder comme différentes » !

Gocéné a promis de veiller sur la sécurité de Minoé, sa promise qui fait parti du lot prêté. Gocéné et son cousin Badimoin décident de pister le bus et les voici dans Paris à la recherche de la promise. Cela se termine par la mort, d’une balle tirée dans le dos, pour Badimoin et la prison pour Gocéné. Une seule personne blanche a pris leur parti, Caroz, ce qui lui a valu de l’emprisonnement. Beaucoup plus tard, ils se sont retrouvés et Caroz est venu en Nouvelle-Calédonie. Gocéné fera avec les indépendantistes ce que Caroz a fait avec lui.

En parallèle, l’auteur parle des évènements en cours en Nouvelle-Calédonie et qui ont conduit à la signature des accords de Nouméa en 1998.

Ce récit, inspiré d’un fait authentique, pose plusieurs questions. Un homme peut-il accepter d’être montré comme un cannibale, exposé comme un animal dans un zoo ? Un homme est-il un homme lorsqu’il est considéré comme un sous-homme de par sa couleur, son lieu de naissance  ?

Un regard sur notre passé colonialiste et paternaliste qui, malheureusement n’a pas beaucoup changé. Si ce ne sont plus les autorités de l’État qui, théoriquement, considèrent les autochtones comme des cannibales ou des sous-hommes, ce sont les multinationales qui cannibalisent leurs terres pour leur seul profit et considèrent les « colonisés » comme autant de main-d’œuvre à très bon marché et que piller leurs richesses n’a aucune importance. Tout le relent xénophobe et raciste qui revient au galop montre que les choses n’évoluent pas dans le bons sens, loin s’en faut.

Un livre, paru en 1998, qu’il faut lire et une nouvelle illustration de mon intérêt pour les éditions Verdier

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
A
Qu'est-ce que j'ai aimé ce roman fort.
Répondre
Z
Dire qu'il faut que je le rende à la bib !!
A
Le genre d'histoire qui fait froid dans le dos, d'autant plus que comme tu le soulignes, ce n'est pas fini .. ça prend d'autres formes, c'est tout.
Répondre
Z
Malheureusement, tu as raison
M
Une nouvelle que j'ai lu plusieurs fois parce que les élèves l'étudiaient chaque année...et qu'ensuite je participais aux débats. Donc j'avais besoin de me remettre les détails en tête. Tu en fais une belle analyse ! J'aime aussi l'auteur que j'ai beaucoup lu dans le passé mais plus depuis longtemps
Répondre
Z
Je crois que je vais retourner vers cet auteur rapidement
A
J'aime beaucoup Didier D. que j'ai souvent rencontré et j'avais beaucoup apprécié Cannibale, lu il y a dix ans. Les problèmes soulevés restent d'actualité.<br /> J'aime bien Verdier aussi.
Répondre
Z
Découverte de cet auteur, et route suivie avec Verdier
M
J’ai lu ce livre il y a quelques années mais son souvenir Est toujours bien présent tant ce passé continue d’hanter le présent.
Répondre
Z
Je comprends pourquoi
Personnaly © 2014 -  Hébergé par Overblog