Isabelle Minière - Je suis né laid
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4ème de couverture :
Avec beaucoup d’autodérision Arthur raconte son vécu d’enfant laid, puis d’adolescent et de jeune homme. Dès sa naissance, ses parents sont effondrés. Il est d’une rare laideur ! Ils essaient de s’attacher à lui. Peine perdue. Ils espèrent qu’un chirurgien saura réparer cette erreur de la nature. Mais aucune intervention n’est possible avant l’âge adulte.
Comment grandir avec cette laideur ? On accompagne Arthur, ses aventures, intrigues, instants de suspense. Son désir intense d’être « comme tout le monde ». On s’attache aussi à sa famille, notamment à Kouki, une artiste, troisième parent d’Arthur. Elle apprend la sculpture à son père qui dessine sa laideur, la transforme, avec succès, en œuvre d’art.
L’autrice (site de l’éditeur) :
Isabelle Minière est née au Mali. Elle a passé son enfance près d’Orléans, fait ses études à Tours et à Paris où elle vit aujourd’hui. Elle écrit des romans, des nouvelles et des livres pour la jeunesse. Elle est aussi psychologue, hypnothérapeute.
Je suis né laid est le quatrième roman à paraître chez Serge Safran éditeur après Au pied de la lettre, On n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise et Je suis très sensible.
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« Je suis né laid. Ça n‘est pas venu au fil du temps, en grandissant ; c’était là au départ. Non, je n’étais pas un nouveau-né moche, comme ça arrive souvent, un peu rouge, un peu gonflé, fatigué par le voyage. Non, même pour les plus indulgents, c’était flagrant. Laid. Laid de naissance. Ça ne s’est pas arrangé.
Si j’avais vu ma gueule avant de naître, si j’avais su ce qui m’attendait et si on m’avait demandé mon avis, j’aurais sans doute coché la case « Ne pas naître ». »
Ainsi débute le récit de la vie d’Arthur.
Ce petit garçon issu de parents de fort belle allure et aimants aurait dû s’appeler Ange ou Angelina pour une fille. Devant la laideur, les parents n’ont pas osé l’appeler Ange, c’eût été rajouter du mal au malheur, alors, il se prénomme Arthur.
« Tu sais, Loulou, avoir un enfant laid, c’est plus dur pour une mère que pour un père. »
Imaginez le désarroi des parents devant ce désastre. La mère ne se sent même pas de l’allaiter. Lorsqu’ils promènent Arthur, les parents prennent soin de mettre un linge devant pour ne pas que les passants voient leur bébé, ils ne supportent pas leurs réactions. Le docteur Beau,chirurgien esthétique consulté ne peut les aider avant que le bébé ne soit adulte.
Quant à confier Arthur à la garde d’une nourrice ou d’une crèche, impossible. Le père, mal dans sa peau au boulot, décide de devenir « père au foyer ».
L’art va aider le papa a accepter, puis aimer Arthur, aidé en cela par Kouki, la prof. Il dessine, puis sculpte son fils, la laideur de son fils. Il la transforme, la sublime sa en une oeuvre d’art qui connaissent le succès.
« Très joli sourire Tutur ! Qu’est-ce que tu serais beau si t’étais beau ! Ton père te rend beau, tu sais ça ? »
A l’école, terrible épreuve pour Arthur, personne ne lui parle. Il est rejeté, éjecté des jeux dès le début et il entend souvent «va-t’en toi ». Devenu « Vatentoi », il adore les jours de pluie, alors la balançoire est toute à lui. « Depuis, j’aime la pluie. Il y a de la place pour moi. »
Toute sa scolarité n’a été que solitude et humiliations.Il travaille deux fois plus et se fait, bien sûr, traité de fayot. En fac, cela n’est pas mieux. La sexualité, la virginité le travaillent et, aucune fille ne veut de lui, alors, il décide de faire appel à une professionnelle et tombe... sur sa camarade de fac.
Et vous savez quoi ? il choisi , comme spécialisation « la psychologie sociale » et, comme sujet de thèse « L’influence de la laideur sur le comportement des gens ». Les profs leur ont conseillé « un thème qui nous impliquait, qui nous motivait personnellement. » C’est on ne peut mieux ciblé, mais attention au casse pipe.
Heureusement, passé les débuts chaotiques, il connaît la chaleur familiale. L’amour, le soutien indéfectible l’aident et Kikou, fut la première à aimer, sans détour, cette brindille si laide.
« C’est si injuste qu’il soit si laid. Il serait mignon, sinon ». Pourtant pour Arthur « Parfois, ça m’aurait bien aidé que mes parents me détestent, me haïssent, soient odieux avec moi. Pas par masochisme, non, mais que ce soit plus facile de disparaître. Leur gentillesse, leur bienveillance, leur affection pour moi m’empêchait de me tuer. Je leur en voulais presque. »
Adulte, Arthur démarre une nouvelle vie et la jeune infirmière en est l’accoucheuse, voire la mère, ce qui rend impossible une liaison charnelle entre eux deux.
Un très beau texte où Arthur narre sa vie dure, solitaire, faite de refus, d’humiliations, de travail, sur un ton où se mêlent l’autodérision, l’ironie du désespoir, a tendresse. J’ai ressenti et aimé la force intérieure d’Arthur . La colonne vertébrale familiale lui permet, sans trop s’épancher, de se ressourcer, trouver de quoi avancer et continuer le combat jusqu’au moment de la renaissance.
La chance d’Arthur est d’être né au sein d’une famille unie et aimante. Souvent une erreur d’aiguillage, un accident de parcours, fait dérailler la locomotive familiale et les wagons, inexorablement, se séparent, rendant plus difficile la vie des blessés.
Qui a connu railleries, insultes, méchanceté parce que gros, trop typé, trop ou pas assez… se reconnaîtra dans ce très beau texte qui n’a rien de larmoyant. Mais ne reste t-on pas toujours quelque part dans sa tête le laid, le gros, le diminué ?
Avec « Au pied de la lettre » Isabelle Minière explorait déjà,le mal être, le mal aimé, la résilience, la force de rebondir.
Serge Safran propose des textes forts et « Je suis né laid » en est la preuve. Merci à lui pour ces très bons moments de lecture.