François Vallejo - Hôtel Waldheim
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4ème de couverture :
À l’entendre, j’étais très fort, à seize ans, pour tout effacer, et ça continue. Pourtant, à force de déblatérer sans réfléchir, j’ai commencé à lui prouver et à me prouver que je me suis fourré dans de drôles de situations. Si quelqu’un m’avait dit hier : tu t’es comporté comme le pire voyeur, pour surprendre un couple dans son lit, je ne l’aurais pas cru. C’est revenu tout seul, devant cette fille dans son fauteuil. Je sentais son souffle sur ma peau, incroyable ce qu’elle m’insuffle. Presque malgré moi, j’ai reconstitué la scène oubliée. Et d’autres. Elle va finir par me convaincre que je lui cache quelque chose. Que je me cache quelque chose ? Comme l’impression de rencontrer un inconnu qui s’appellerait Jeff Valdera. Et dans le genre inconnu, elle se pose là aussi, avec ses questions insistantes…
L’auteur (site de l’éditrice) :
François Vallejo sait de mieux en mieux d’où il vient et cherche de moins en moins à savoir où il va.Géographiquement, et, comme son nom l’indique, il est à la croisée de voyageurs du sud et de stationnaires de l’ouest.La seule voie qu’il persiste à suivre est celle du roman, et c’est pour lui un chemin de traverse. Il a exploré une dizaine d’itinéraires singuliers, depuis Vacarme dans la salle de bal, en 1998.Madame Angeloso et Groom ont constitué quelques étapes, suivies d’un Voyage des grands hommes qui l’a emmené vers l’Italie du XVIIIe siècle, avant de retrouver l’Ouest du XIXe en 2006, puis le XXe avec Les Sœurs Brelan.Ces déviations historiques l’ont aidé à trouver sa voie dans le XXIe siècle, dont il a essayé d’éclairer quelques Métamorphoses en 2012.Il les pousse plus loin avec Fleur et sang, en 2014, où deux époques s’entrecroisent, deux histoires se confrontent, des hommes et des femmes s’entrelacent à travers le temps.Il considère que, sur ces routes secrètes de la vie et des romans qu’il découvre comme elles viennent, le plaisir d’aller dépasse le bonheur d’arriver.
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Jeff Valdera, écrivain, reçoit une carte postale surannée de Suisse montrant l’hôtel Waldheim à Davos où il a passé plusieurs années de son adolescence, des vacances avec sa tante célibataire. Au dos de cette carte est écrit « ça vous rappelle queque chose ? » D’autres arrivent avec des messages quelque peu énigmatiques pour lui. Il finit par trouver l’auteur et se retrouve face à une belle femme Frieda Steigl, fille de Friederich Steigl, universitaire de l’Allemagne de l’Est ayant fui pour l’ouest et ayant habité le même hôtel que Jeff, en août 1976
D’emblée Frieda le met en position d’accusé. Les papiers de la Stasi, devenus publics depuis plusieurs années, le prouvent, il a joué un rôle dans la disparition de son père cet été-là. Or, Jeff, n’a que des souvenirs fragmentaires de cet épisode. Oui, il jouait au jeu de go avec son père. Oui, il jouait aux échecs avec un monsieur Linek. Oui, il parlait souvent au directeur de l’hôtel. Oui, il se rappelle, maintenant qu’elle en parle, qu’il a dû porter ou ou deux messages… Mais bon, il avait 15 ans, il découvrait Thomas Mann grâce à une vieille femme qui vit à l’année dans l’hôtel. Des souvenirs de vacances heureuses d’un adolescent lambda.
Dans le face à face entre Frieda et Jeff, qu’en est-il des souvenirs ? Souvenirs que Jeff a gardé, ou souvenirs peut-être contraints par les précisions de Frieda. Mémoire personnelle ou fichiers de la Stasi ? La mémoire de Jeff lui est personnelle, celle de Frieda vient des écrits de la Stasi. « Alors, plus je prétends n’y rien comprendre, plus j’ai l’air d’avouer que je dissimule ? » Avec les révélations des écrits de la Stasi, le doute entre en Jeff. A-t-il joué un rôle dans la disparition de Steigl ? Qui dit la vérité et ou est cette vérité ? Vivre sa vie ou chercher sa vie dans les souvenirs ? Toutes ces questions servent la joute, la bagarre entre Frieda et Jeff.
Un livre prenant, quelque fois étouffant, ponctué par les erreurs de langage de Frieda, sur l’interprétation des souvenirs, la culpabilité. François Vallejo ouvre une page du livre de l’Allemagne d’avant la réunification, celle de la guerre entre les deux Allemagnes, de la fuite des cerveaux, du pistage forcené par les agents de la Stasi.
Pour moi, ce livre est écrit au rythme du pas du montagnard suisse qui ne s’arrête qu’une fois arrivé au but. Malgré les engueulades, les propos vifs qu’échangent Frieda et Jeff, la densité du livre, l’auteur me laisse le temps, grâce à son écriture précise, de suivre le lent processus de mémorisation qui pourrait le mener aux portes de la folie.
Un roman dense où je retrouve l’ironie froide, le mystère, les rapports de force servis par une écriture dense, classique, précise. Le suspense, les hésitations de Jeff, le forcing de Frieda, mais également le lent processus de vérité m’ont tenu en haleine jusqu’au bout
J’apprécie beaucoup l’univers de François Vallejo. Ouest avec les rapports maître-vallet, m'a marqué. Je vous parlerai bientôt de « Un dangereux plaisir » lu dans la foulée.