In Koli Jean Bofane - La belle de Casa
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La belle de Casa
In Koli Jean Bofane
Editions Actes Sud
Août, 2018
208 pages
ISBN 978-2-330-10935-6
4ème de couverture :
Qui a bien pu tuer Ichrak la belle, dans cette ruelle d’un quartier populaire de Casablanca ? Elle en agaçait plus d’un, cette effrontée aux courbes sublimes, fille sans père née d’une folle un peu sorcière, qui ne se laissait ni séduire ni importuner. Tous la convoitaient autant qu’ils la craignaient, sauf peut-être Sese, clandestin arrivé de Kinshasa depuis peu, devenu son ami et associé dans un business douteux. Escrocs de haut vol, brutes épaisses ou modestes roublards, les suspects ne manquent pas dans cette métropole du XXIe siècle gouvernée comme les autres par l’argent, le sexe et le pouvoir. Et ce n’est pas l’infatigable Chergui, vent violent venu du désert pour secouer les palmiers, abraser les murs et assécher les larmes, qui va apaiser les esprits…
Avec sa lucidité acérée et son humour féroce, In Koli Jean Bofane dénonce la corruption immobilière, la précarité des migrants et la concupiscence masculine. Par son talent de conteur, son art du dialogue et des portraits, il bouscule joyeusement une réalité contemporaine tout à fait accablante – la truculence du désespoir.
L’auteur (site de l’éditeur) :
In Koli Jean Bofane est né le 24 octobre 1954 à Mbandaka (R.D. du Congo) et vit en Belgique. En France, il a publié Pourquoi le lion n’est plus le roi des animaux (Gallimard Jeunesse), lauréat du Prix de la Critique de la Communauté Française de Belgique ; et chez Actes Sud : Mathématiques congolaises (2008) et Congo Inc., le testament de Bismarck (2014, Prix des cinq continents de la Francophonie). Ses ouvrages ont été traduits aux USA, en Allemagne, au Brésil, en Corée, en Slovénie.
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Le seul titre me fait penser à une chanson de Luis Mariano que chantait beaucoup mon père : La belle de Cadix a des yeux de velours… La similitude s’arrête là.
Ichrak fait se pâmer tous les mâles du quartier populaire de Derb Taliane lorsqu’ils la regardent déambuler. Il se dégage d’elle un magnétisme augmenté par l’ondulation hypnotique de ses hanches.
Mais voilà, Ichrak est découverte morte une estafilade mortelle lui ayant coupé la carotide. Sese Tshimanga, son grand ami, a fait la macabre découverte. « Elle ne ressemblait plus à Ichrak, une balafre lui barrait la poitrine et avait découpé son vêtement : une gandoura noir, brodée de fil d’or. ». A Mokhtar Daoudi, le flic du quartier, de trouver le coupable
A partir de là, l’auteur raconte la vie quotidienne de Sese, migrant sans papier, arrivé, sans l’avoir voulu, à Casablanca. Depuis, il se débrouille avec de petits boulots, de petits trafics. « Sese était ce qu’on appelle un brouteur, un genre de cyber-séducteur africain. » Il séduit, via internet, les femmes esseulées occidentales. Très bon comédien et jamais à court d’idée, il les manipule, les fait craquer juste par ses paroles et elles lui envoient des mandats. C’est ce qu’il propose à Ichrak la sauvage qui, contre toute attente, accepte et essaie de séduire les mâles européens. Il n’y aura jamais rien entre eux que du respect. C’est sa grande sœur, son amie, sa « pire moto na ye ».
Le, leur, quartier est menacé par les promoteurs qui voudraient en faire un quartier classe avec de beaux immeubles. Avant, il faut déloger les miséreux et ce n’est pas chose facile, malgré les sbires de la belle madame Azzouz, mandatée par l’émir saoudien Saqr al-Jasser. Le saoudien sait ce que peut rapporter l’exploitation d’un concept. « Il comptait agir de même en construisant, sur les ruines de Derb Taliane et qui quartier Cuba des infrastructures au design futuriste, un hôtel cinq étoiles…. »
In Koli Jean Bofane brosse une peinture réaliste de ce quartier, de sa vie de misère, de tous les migrants qui y vivent, se débrouillent, du racisme latent… Une comédie sociale qui peut tourner au drame et le Chergui, vent qui rend fou, n’est pas là pour apaiser les corps et les esprits. Le petit plus, ce sont les expressions africaines que j’ai trouvées dans ce récit et, petits clins d’œil à nous lecteurs français de France, certains renvois comme l’explication du vase de Soissons.
Un livre plus social que policier, lu d’une traite et qui, malgré les différents thèmes sociaux abordés est bienveillant. In Koli Jean Bofane a l’art de dresser un portrait, un paysage, une action en peu de phrases imagées. Une description de Casablanca qui n’est pas celle des dépliants touristiques. Le marché aux esclaves qu’est devenu la Lybie fait froid dans le dos tant il est inhumain à l’heure de la mondialisation, les plus pauvres ne sont que monnaies d’échange sonnantes et trébuchantes.
J’ai beaucoup apprécié son écriture rythmée, vive, gaie, réaliste mais habillée d’une certaine poésie, où l’humour caustique ou pas est présent.
Monsieur In Koli Jean Bofane vous êtes un conteur qui sait captiver ses lecteurs.
Une très belle découverte et un coup de cœur
Lecture commune dans le cadre du cercle des lecteurs de la librairie le Cyprès